L'UE ENVISAGE D'IMPOSER DES DROITS DE DOUANE SUR LES CÉRÉALES POUR "ÉTOUFFER" LES REVENUS DE LA RUSSIE
Paris / La Gazette
La Commission européenne envisage d'imposer des droits de douane sur les importations de céréales et autres produits connexes en provenance de Russie et du Belarus, afin d'empêcher Moscou d'utiliser les produits agricoles pour semer le trouble sur le marché de l'UE.
Moscou a immédiatement réagi en déclarant que les Européens "souffriraient" de cette mesure.
Les droits de douane visent également à priver la Russie de revenus en supprimant effectivement les exportations vers l'UE, a précisé la Commission.
Les sanctions supplémentaires, saluées par Kiev, ne s'appliqueront pas aux céréales russes transitant par l'Union européenne vers d'autres marchés, afin de ne pas perturber l'approvisionnement alimentaire ailleurs, a assuré Valdis Dombrovskis, commissaire européen chargé du commerce.
"La proposition d'aujourd'hui privera le gouvernement russe d'une autre source importante de revenus pour financer sa guerre d'agression illégale contre l'Ukraine", a noté M. Dombrovskis.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est plaint aux dirigeants de l'UE réunis à Bruxelles jeudi, par liaison vidéo, qu'il n'était pas juste que les céréales russes continuent d'avoir un accès "illimité" à leurs marchés, alors que les importations ukrainiennes sont limitées.
Les importations de céréales, d'oléagineux et de produits dérivés en provenance de Russie et de son allié biélorusse ne représentent qu'environ 1 % de la taille globale du marché de l'UE, les fournisseurs nationaux assurant l'essentiel.
Toutefois, alors que les agriculteurs en colère s'inquiètent déjà de l'augmentation des importations ukrainiennes bon marché, l'UE craint que la Russie ne soit encouragée à profiter de la situation tendue pour déstabiliser davantage le bloc des 27 nations.
"Ce déficit d'approvisionnement sera partiellement comblé par la production intérieure de l'UE et profitera donc aux agriculteurs de l'UE, qui pourront vendre leurs produits dans l'UE", a prédit la Commission.
"En outre, le déficit devrait être partiellement comblé par des importations en provenance de pays tiers qui approvisionnent traditionnellement le marché de l'UE, tels que les États-Unis, le Brésil, l'Ukraine, la Serbie ou l'Argentine".
Moscou a mis en garde contre ce plan.
"Les consommateurs européens en souffriraient certainement", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Les importations européennes de céréales, d'oléagineux et de produits dérivés en provenance de Russie, notamment le blé, le maïs et la farine de tournesol, s'élèveront à 4,2 millions de tonnes en 2023, pour une valeur de 1,3 milliard d'euros (1,41 milliard de dollars). À titre de comparaison, les fournisseurs de l'UE fournissent 300 millions de tonnes métriques par an.
Les droits de douane sont conçus pour être suffisamment élevés pour décourager les importations russes.
"Les droits de douane prohibitifs que nous proposons rendront les importations de ces produits commercialement non viables", a estimé M. Dombrovskis. "Ils contribueront également à mettre un terme à la pratique russe consistant à exporter illégalement vers l'UE des céréales ukrainiennes volées.
En vertu des règles de l'Organisation mondiale du commerce, la quasi-totalité des céréales russes ont jusqu'à présent été exemptées des droits d'importation de l'UE.
Selon le plan de la Commission européenne, qui peut être adopté rapidement puisqu'il ne nécessite que l'accord d'environ deux tiers des pays membres, les droits atteindront 95 euros par tonne métrique ou augmenteront les prix d'au moins 50 %.
En outre, la Russie et le Belarus n'auront plus accès aux contingents de céréales de l'UE au sein de l'OMC, qui offrent un meilleur traitement tarifaire pour certains produits.
"Nous proposons d'imposer des droits de douane sur ces importations russes afin d'atténuer le risque croissant pour nos marchés et nos agriculteurs", a matelé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
"Ils réduiront la capacité de la Russie à exploiter l'UE au profit de sa machine de guerre. Et nous maintenons notre engagement à préserver la sécurité alimentaire mondiale, en particulier pour les pays en développement", a-t-elle ajouté.
Pour soutenir l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie, l'UE a imposé plusieurs séries de sanctions à Moscou. Ces mesures ont visé le secteur de l'énergie, les banques, la plus grande société d'extraction de diamants au monde et d'autres entreprises, et ont soumis les responsables russes à des gels d'avoirs et à des interdictions de voyager.
Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont atteint des niveaux record à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, combinée à d'autres facteurs, mais ils sont retombés depuis les sommets atteints en 2022.
Bien que l'UE n'ait pas interdit les exportations de denrées alimentaires ou d'engrais russes vers les pays tiers dans le cadre de ses sanctions, Moscou a accusé l'UE d'être responsable de la pénurie alimentaire mondiale.
Les fonctionnaires de l'UE ont assuré que les droits de douane sur les céréales russes n'affecteraient pas le commerce avec les pays tiers et que le transit par l'UE resterait inchangé.
"Les droits de douane proposés n'affecteront donc pas la sécurité alimentaire mondiale, en particulier celle des pays en développement", selon la CE.