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LES PRODUITS ARMENIENS SONT-ILS ATTENDUS SUR LE MARCHE AZERBAÏDJANAIS ?

29 Décembre 2025 12:05 (UTC+01:00)
LES PRODUITS ARMENIENS SONT-ILS ATTENDUS SUR LE MARCHE AZERBAÏDJANAIS ?
LES PRODUITS ARMENIENS SONT-ILS ATTENDUS SUR LE MARCHE AZERBAÏDJANAIS ?

Paris / La Gazette

L’Arménie et l’Azerbaïdjan discutent actuellement des possibilités d’élargir leur coopération économique, dans un contexte de rapprochement progressif entre les deux pays. Lors de sa conférence de presse, le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Djeïhoun Bayramov, a annoncé qu’un accord avait été trouvé avec la Géorgie sur les tarifs de transit. De son côté, le chef de la diplomatie arménienne, Ararat Mirzoyan, a souligné avec satisfaction que des files d’attente se forment en Arménie pour acheter de l’essence azerbaïdjanaise. Le ministre arménien de l’Économie, Gevorg Papoyan, est même allé plus loin en évoquant la possibilité d’exporter des produits arméniens vers l’Azerbaïdjan.

Parmi les catégories de produits potentiellement concernées figurent l’aluminium et la feuille d’aluminium, des produits agricoles – y compris des animaux, des fruits et des légumes –, certains types de boissons, ainsi que des articles textiles. Les autorités arméniennes ne précisent toutefois pas de quelles boissons il s’agit exactement, même si l’on peut supposer que le brandy arménien et certaines eaux minérales pourraient être envisagés. À ce stade, il ne s’agit encore que d’hypothèses, et aucune date concrète n’a été annoncée pour une éventuelle apparition de ces produits sur le marché azerbaïdjanais.

En laissant de côté la question de la perception sociétale de tels échanges, une autre interrogation se pose : les produits arméniens seraient-ils réellement compétitifs en Azerbaïdjan ?

Le marché azerbaïdjanais de l’aluminium et de la feuille d’aluminium est déjà bien structuré. L’Azerbaïdjan importe actuellement ces produits de pays tels que la Chine, la Grèce, la Turquie, les Pays-Bas ou encore la Russie. Dans ce contexte, les producteurs arméniens devraient faire face à une concurrence forte et pénétrer un marché déjà largement partagé entre de grands acteurs internationaux.

La situation est similaire pour les boissons alcoolisées et l’eau minérale. En Arménie, on met souvent en avant la popularité de son brandy, mais l’Azerbaïdjan dispose de sa propre production de grande qualité, notamment issue de distilleries fondées à l’époque des colons allemands. Le pays compte également de nombreuses marques locales d’eau minérale, tout en important ces produits de Turquie, de Géorgie, de Russie et même de France. Là encore, les produits arméniens devraient s’imposer dans un environnement fortement concurrentiel.

Les projets d’exportation de fruits et légumes soulèvent sans doute le plus de scepticisme. Des experts, y compris en Arménie, expriment des doutes quant à leur viabilité. Contrairement au marché russe, où l’Arménie exporte déjà une partie de sa production agricole, l’Azerbaïdjan est lui-même un important producteur et exportateur de fruits et légumes, tout en cherchant activement de nouveaux débouchés à l’étranger. Dans ces conditions, la demande pour des produits agricoles arméniens apparaît limitée.

À cela s’ajoutent les difficultés structurelles de l’agriculture arménienne, en particulier dans le secteur de l’arboriculture. Des scandales survenus en 2017–2018, lorsque des pommes originaires d’Azerbaïdjan avaient été retrouvées sur les étals arméniens avec des étiquettes « Product of Azerbaijan », ont mis en lumière une réalité économique paradoxale : il était parfois plus rentable d’importer des fruits d’Azerbaïdjan via des pays tiers que de produire localement. Ces épisodes ont illustré la crise profonde du secteur, dont les racines remontent à la fin des années 1980, période marquée par de profondes transformations démographiques et économiques.

Par ailleurs, la perte de territoires agricoles à la suite des conflits régionaux a eu un impact significatif sur la production agricole arménienne. Des responsables arméniens ont eux-mêmes reconnu la perte de vastes surfaces cultivables, de vergers et de vignobles. Depuis, l’Azerbaïdjan s’emploie activement à revitaliser ses territoires libérés et à y développer divers secteurs, dont l’agriculture et l’arboriculture.

Dans ce contexte, même en l’absence de considérations politiques, les chances pour les produits agricoles arméniens de devenir réellement compétitifs sur le marché azerbaïdjanais semblent limitées. Le développement de la coopération économique reste une composante essentielle du processus de paix, mais il doit s’appuyer sur des réalités économiques objectives. Sans cela, les intentions politiques risquent de se heurter aux lois du marché.

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