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LES AZERBAIDJANAIS D'IRAN IRRITES PAR LA CAMPAGNE DES CONSERVATEURS EN PLACE A TEHERAN

30 Décembre 2025 10:10 (UTC+01:00)
LES AZERBAIDJANAIS D'IRAN IRRITES PAR LA CAMPAGNE DES CONSERVATEURS EN PLACE A TEHERAN
LES AZERBAIDJANAIS D'IRAN IRRITES PAR LA CAMPAGNE DES CONSERVATEURS EN PLACE A TEHERAN

Paris / La Gazette

Ces dernières années, la confrontation entre le camp réformateur et les cercles conservateurs en Iran s’est nettement accentuée

Jusqu’où peut aller cet affrontement ? Quel rôle y joue le président iranien Massoud Pezeshkian ? Et quels défis les Azerbaïdjanais d’Iran affrontent-ils aujourd’hui ? Le média Minval Politika s’est entretenu à ce sujet avec l’analyste politique et orientaliste Mikhaïl Borodkine, rédacteur en chef du site et de la chaîne Telegram Oriental Express.

« La confrontation existe bel et bien, mais on peut dire qu’elle est depuis longtemps devenue unilatérale : les conservateurs ont pris le dessus. Le système politique iranien est aujourd’hui presque entièrement soumis aux politiciens et aux théologiens conservateurs, tandis que les réformateurs ne jouent qu’un rôle marginal. Le Parlement est totalement sous le contrôle des conservateurs ; ils sont même parvenus à obtenir la destitution de plusieurs hauts responsables nommés par le président Massoud Pezeshkian », explique l’expert.

Il ajoute que « des discussions sont en cours autour d’une possible procédure de destitution visant le président lui-même », même si, selon toute vraisemblance, le Guide suprême Ali Khamenei ne le permettra pas. « Mais le simple fait que cette question soit évoquée est en soi révélateur », souligne le politologue.

La situation est telle, poursuit l’orientaliste, que les conservateurs imputent au gouvernement Pezeshkian les difficultés socio-économiques du pays, allant jusqu’à parler de catastrophes, « alors qu’en réalité, il n’en est pas le responsable ».

« Il souhaiterait sincèrement engager des réformes, mais il n’y parvient pas, car le président iranien est une figure institutionnellement faible : ses prérogatives sont fortement limitées par la Constitution. Quoi qu’il tente de faire, on l’en empêchera, car toute réforme en profondeur implique nécessairement de toucher aux fondements de la doctrine islamiste qui régit la République islamique depuis 1979 », explique Borodkine.

Il en va de même, selon lui, des relations avec l’Occident. « Pezeshkian aimerait beaucoup parvenir à un accord avec les pays occidentaux sur la levée des sanctions ; il serait peut-être même prêt à consentir aux concessions exigées par ces derniers. Mais le dernier mot revient au Guide suprême Ali Khamenei, et il n’autorisera rien de tel. Khamenei affirme ouvertement qu’aucun dialogue avec les États-Unis n’est possible. Il estime que les Américains l’ont trompé à plusieurs reprises : d’abord lorsque Barack Obama a conclu l’accord sur le nucléaire, dont Donald Trump s’est ensuite retiré ; puis lorsque Trump, lors de son second mandat, a entamé des négociations avant de déclencher une guerre, etc. C’est la vision de Khamenei, et il n’a absolument aucun intérêt pour un dialogue avec Washington », estime l’expert.

Selon lui, la pression américaine sur l’Iran ne fera que s’intensifier. « Je ne suis pas certain que Trump accepte ou souhaite lancer une seconde opération militaire contre l’Iran, mais les sanctions seront durcies. Nous avons récemment vu plusieurs exemples : de nouvelles compagnies maritimes et des pétroliers transportant du pétrole iranien ont été sanctionnés. La pression va donc s’accentuer », assure-t-il.

Abordant les tentatives de la société iranienne d’assouplir certains fondements du régime, notamment en ce qui concerne l’obligation du port du hijab, Borodkine précise : « Il n’y aura pas de confirmation officielle, car la loi sur le port du hijab reste en vigueur. Il s’agit simplement d’un relâchement du contrôle de son application : la police a cessé d’interpeller dans les lieux publics les femmes qui ne portent pas le hijab. L’objectif est de permettre à la population de relâcher la pression, de ne pas l’irriter inutilement et d’éviter toute provocation dans une période aussi difficile pour l’Iran. Mais comme la loi demeure, lorsque les autorités jugeront que les gens se sont suffisamment “détendus”, elles reviendront aux pratiques antérieures. »

Le politologue a également évoqué la situation des Azerbaïdjanais en Iran. « Leur condition n’est pas des plus favorables. Comme toutes les minorités du pays, ils rencontrent de sérieux problèmes, notamment en matière de langue. Ils sont également mécontents de leur faible représentation au sein des structures du pouvoir, disproportionnée par rapport à leur poids démographique. Le mécontentement est donc bien réel. À cela s’ajoutent des difficultés socio-économiques qui touchent l’ensemble du pays, mais qui provoquent chez les minorités une irritation particulière : elles estiment que même lorsqu’il y a des ressources ou des bénéfices, ceux-ci ne leur parviennent pas et se concentrent dans d’autres provinces. La grave crise écologique du lac d’Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, est également au cœur des préoccupations. La population locale est convaincue qu’il s’agit du résultat d’un refus délibéré du gouvernement de résoudre ce problème », explique-t-il.

Les Azerbaïdjanais d’Iran, poursuit Borodkine, ne peuvent rester indifférents à la « campagne mensongère et grossière menée par la propagande iranienne contre l’Azerbaïdjan, accusant l’État voisin de tous les péchés possibles, allant jusqu’à prétendre qu’il combattrait aux côtés d’Israël, et ainsi de suite ».

« Tout cela, bien sûr, ne contribue en rien à des relations normales entre la minorité azerbaïdjanaise et le gouvernement iranien », conclut Borodkine.

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