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EXAMEN DE LA CRISE DECLAREE AU SEIN DE L'EGLISE APOSTOLIQUE D'ARMENIE: GAREGUINE II, UN FACTEUR DE DIVISION

20 Décembre 2025 11:59 (UTC+01:00)
EXAMEN DE LA CRISE DECLAREE AU SEIN DE L'EGLISE APOSTOLIQUE D'ARMENIE: GAREGUINE II, UN FACTEUR DE DIVISION
EXAMEN DE LA CRISE DECLAREE AU SEIN DE L'EGLISE APOSTOLIQUE D'ARMENIE: GAREGUINE II, UN FACTEUR DE DIVISION

Paris / La Gazette

La crise cléricale et les rapports entre l'Eglise d'Arménie et l'Etat vont peser lourd dans la vie intérieure du pays à l'approche d'élections législatives cruciales pour l'avenir du pays et de la région dans son ensemble

Les événements survenus très récemment à Etchmiadzine ont définitivement confirmé une réalité : l’Arménie traverse un crise systémique où s’entremêlent politique, services spéciaux, revanchisme, nationalisme et responsabilité pour les conséquences tragiques d’une aventure idéologique menée pendant des décennies. Dans ce contexte, il est révélateur que le nouvel affrontement entre partisans et opposants du catholicos en exercice, Garéguine II, ait servi de toile de fond à une déclaration retentissante du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian.

Répondant aux questions des journalistes, celui-ci a confirmé des informations selon lesquelles Ktritch Nersissian aurait été arrêté par le passé en Allemagne en tant qu’agent du KGB, avant d’être expulsé vers l’URSS menotté. Selon le chef du gouvernement arménien, ces données ont été confirmées par le Service de sécurité nationale de l’Arménie. Tout aussi significative fut sa réaction à une question de clarification : « Pourquoi, dans ce cas, aucune procédure pénale n’est-elle engagée ? » La réponse de Pachinian a été d’une franchise totale : « Il est impossible d’ouvrir une procédure pénale pour collaboration avec le KGB, puisqu’il s’agit d’une période où ces personnes étaient citoyennes de l’URSS. » Mais l’essentiel est ailleurs : « Cette collaboration avec des services spéciaux étrangers se poursuit-elle aujourd’hui ? » — à quoi le Premier ministre a répondu que des actions étaient menées dans le cadre d’opérations de police et de contre-espionnage, qui ne s’accompagnent pas toujours de procédures pénales publiques.

Ces propos constituent de facto la confirmation que la question de Garéguine II a depuis longtemps dépassé le cadre de l’éthique ecclésiastique pour relever désormais de la sécurité nationale. Rappelons que Nikol Pachinian avait auparavant formulé publiquement une accusation dévastatrice pour un dirigeant spirituel de ce rang : l’existence présumée d’un enfant né hors mariage. Aucune réfutation claire, précise et sans équivoque n’a été apportée par l’Église arménienne. Un silence prolongé pendant des mois, qui n’a fait qu’alimenter les soupçons et accroître les tensions internes au sein de l’institution ecclésiale.

Dans ce contexte, il est hautement symbolique que, pour la première fois en près de trente ans de règne de Garéguine II à la tête de l’Église, dix évêques aient organisé une action de protestation ouverte directement sur le territoire d’Etchmiadzine. Ils ont exigé de « purifier l’Église de l’arbitraire » et ont réclamé la démission du catholicos en exercice. La portée de cette action est difficile à surestimer : un tel geste témoigne d’une profonde fracture au sein même de la hiérarchie ecclésiastique. La présence des forces spéciales du Service de sécurité nationale aux abords de la manifestation a suscité une vive réaction parmi les partisans de Garéguine II. Les autorités ont toutefois immédiatement précisé que cet encadrement sécuritaire visait exclusivement à prévenir d’éventuelles provocations. Et ces craintes n’étaient pas infondées : les enjeux pour le catholicos sont extrêmement élevés et, dans un contexte de perte de soutien jusque dans les rangs de l’Église, le risque de scénarios radicaux augmente considérablement.

À noter que le Premier ministre arménien avait, avant même le début de l’action, exclu la possibilité d’affrontements à Etchmiadzine, soulignant que les forces de l’ordre disposaient de tous les outils nécessaires pour neutraliser les provocations dans le cadre de la loi. C’est effectivement ce qui s’est produit : plusieurs centaines de partisans du catholicos ont tenté de provoquer des troubles, sans succès. Cinq personnes au comportement ouvertement agressif ont été expulsées du site, comme l’a officiellement indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Narek Sarkissian.

Il convient ici de s’attarder sur les figures qui ont tenté d’exploiter les événements d’Etchmiadzine à des fins de promotion politique personnelle. Parmi les « défenseurs du catholicos » figuraient notamment Avetik Tchalabian, coordinateur du mouvement d’opposition « Ayakvé », Ishkhan Saghatelyan, député du bloc parlementaire « Arménie » et membre de l’organe suprême de la FRA (Fédération Révolutionnaire Arménienne - Dachnasoutioun), Narek Karapetian, coordinateur du mouvement « À notre manière », ainsi qu’Arman Tatoyan, ancien médiateur de la République d’Arménie et dirigeant de l’initiative « Les Ailes de l’unité ». À noter qu’aucun des deuxième et troisième présidents de l’Arménie — Robert Kotcharian et Serge Sarkissian — ne figurait parmi eux.

Une place particulière dans ce véritable vaudeville revient à la déclaration de Samvel Shahramanian qui, promettant de se rendre à Etchmiadzin, a affirmé : « Nous partageons la position du catholicos de tous les Arméniens sur la question « d’Artsakh » et des droits des Arméniens « d ‘Artsakh ». Cette déclaration dévoile l’essence même de ce qui se joue et constitue un aveu explicite : pendant des décennies, l’Église arménienne a avancé main dans la main avec le parti du Dachnak et les nationalistes radicaux, inculquant aux masses des mythes sur des « terres historiques » et nourrissant ainsi des revendications territoriales envers les États voisins. Le moyen de concrétiser ces mythes a invariablement été la violence et le terrorisme — tant contre les Azerbaïdjanais et les Turcs que contre les Arméniens refusant de se prêter à des aventures vouées à l’échec.

Garéguine II s’accroche désespérément à son poste, malgré un rejet manifeste au sein même de l’Église. Mais les enjeux pour ses alliés sont bien plus élevés : il s’agit de ramener l’Arménie, à n’importe quel prix, dans une logique de revanchisme et de préparer le terrain à une nouvelle guerre contre l’Azerbaïdjan. C’est pourquoi la crise d’Etchmiadzine ne constitue pas seulement un problème ecclésial, mais un défi étatique, dont l’issue pèsera lourdement sur l’avenir du pays voisin.

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