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LE CAUCASE DU SUD ET L'ASIE CENTRALE SONT ABSENTS D'UN DOCUMENT RECENT DE L'ADMINISTRATION AMERICAINE

20 Décembre 2025 10:17 (UTC+01:00)
LE CAUCASE DU SUD ET L'ASIE CENTRALE SONT ABSENTS D'UN DOCUMENT RECENT DE L'ADMINISTRATION AMERICAINE
LE CAUCASE DU SUD ET L'ASIE CENTRALE SONT ABSENTS D'UN DOCUMENT RECENT DE L'ADMINISTRATION AMERICAINE

Paris / La Gazette

Dans le nouveau document "National Security Strategy", le Caucase du Sud n'est pas mentionné, en dépit de l'intervention de Donald Trump concernant le corridor logistique (Route Trump- TRIPP) entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Par ailleurs, le moment serait bien choisi pour lever les contraintes posées par l'amendement 907.

Le quotidien du ministère américain de la Défense, Stars and Stripes, a publié un article consacré à la nouvelle Stratégie de sécurité nationale (NSS) des États-Unis. L'extrait qui suit souligne l'absence du Caucase du Sud et de l'Asie Centrale parmi les objectifs stratégiques retenus dans ce document d'orientation de la politique extérieure des Etats-Unis.

« La nouvelle Stratégie de sécurité nationale des États-Unis a suscité de vifs débats. Ses détracteurs affirment qu’elle annonce la fin de l’OTAN et de près de 80 ans de relations transatlantiques en matière de sécurité. Dans cet article, nous nous concentrerons toutefois sur une omission majeure : la NSS ne mentionne ni le Caucase du Sud ni l’Asie centrale. Compte tenu du temps que le président américain Donald Trump a consacré à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie lors du sommet historique de la Maison-Blanche du 8 août, au cours duquel le président Ilham Aliyev et le Premier ministre Nikol Pachinian ont signé une Déclaration conjointe, cette absence d’attention portée à une région stratégique est préoccupante.
Dans le Caucase, Trump a réalisé une avancée significative en rapprochant Bakou et Erevan de la paix et en instaurant une présence américaine durable à travers la création de la “Route Trump pour la paix et la prospérité internationales” (TRIPP). S’en sont suivis le sommet C5+1 à Washington et la conclusion réussie d’accords majeurs avec les gouvernements d’Asie centrale, en premier lieu le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. L’Azerbaïdjan a ensuite rejoint le format C5. Cette omission dans la stratégie est d’autant plus frappante que, lors de cette rencontre, le Kazakhstan a adhéré aux Accords d’Abraham — une réalisation emblématique de Trump au Moyen-Orient.
Au regard des efforts déployés par l’administration pour obtenir ces résultats, ainsi que des avantages stratégiques qu’un ancrage durable des États-Unis en Eurasie pourrait offrir, l’absence de toute référence à cette région stratégique et riche en ressources constitue une grave lacune de la part des rédacteurs de la NSS.
Un fil conducteur de la politique étrangère de Trump a été la campagne mondiale visant à garantir aux États-Unis un accès sûr et de long terme aux terres rares, indispensables au fonctionnement des industries d’armement et de défense de pointe. Le Kazakhstan et le Kirghizistan sont bien connus pour leurs ressources minérales ; il n’est donc pas surprenant que la Russie domine le marché kazakh et que la Chine soit prépondérante au Kirghizistan. Les pays du Caucase disposent eux aussi de minerais stratégiques.
Nous devrions saluer officiellement le renforcement de la coopération régionale des pays du C6 et commencer à les aider à relever des défis réellement pressants dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l’eau, de l’éducation et de la protection de l’environnement — autant de secteurs susceptibles d’ouvrir de nouvelles opportunités pour les entreprises américaines.
Cela aurait dû être clairement mentionné dans la Stratégie de sécurité nationale des États-Unis. Les décideurs doivent prendre conscience de la nécessité d’une approche globale et stratégique afin de ne pas laisser passer des opportunités majeures issues des efforts de l’administration.
De même, malgré l’accord sur la création du TRIPP et les projets de lancement du financement des travaux de construction en 2026, le Caucase du Sud n’est mentionné nulle part. Cette omission est déroutante, d’autant que le TRIPP constitue une autre réussite importante de l’administration. Compte tenu de l’importance de la route commerciale via le Zanguezour, reliant la Chine et l’Asie centrale à l’Europe par le Caucase, le manque d’attention de Washington représente là encore une occasion manquée.
Les États-Unis peuvent désormais soutenir l’Arménie en l’aidant à sortir de sa dépendance économique vis-à-vis de la Russie, à l’instar de l’Union européenne. Washington peut encore le faire sans susciter l’hostilité de Bakou. Plus important encore, au regard du poids régional de l’Azerbaïdjan, de ses liens solides avec Israël et la Turquie, et de sa volonté de coopérer avec l’Amérique, les États-Unis laissent une fois de plus passer leur chance.
La Stratégie de sécurité nationale aurait pu être une excellente occasion pour l’administration d’appeler le Congrès à abroger l’amendement 907 de la loi Freedom Act (Soutien à la Liberté), adopté en 1992, qui interdit toute aide directe des États-Unis à l’Azerbaïdjan et à ses forces armées. L’amendement 907 ouvre la porte à une concurrence pour l’influence à Bakou, aussi bien de la part des amis que des adversaires de Washington, comme l’illustre la récente décision du Royaume-Uni d’autoriser la vente d’armes à l’Azerbaïdjan.
Il s’agit d’un vestige législatif du passé, à l’image de l’amendement Jackson-Vanik à la loi commerciale de 1974, qui sanctionnait l’URSS pour avoir entravé l’émigration juive. L’amendement 907 freine les échanges de l’Asie centrale avec les États-Unis, en particulier avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Il suscite l’opposition de tous les gouvernements du C5, mais demeure néanmoins en vigueur. Étant donné que l’administration Trump peut compter sur des soutiens tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat, il est temps de se débarrasser de ce fardeau législatif.
Le fait pour l’administration d’avoir négligé des démarches diplomatiques actives à l’égard des États eurasiens constitue une erreur stratégique. De telles opportunités pourraient ne plus se représenter, du moins à court terme. Et les erreurs commises dans le cadre de la Stratégie de sécurité nationale des États-Unis pourraient bientôt être exploitées par nos adversaires. Pour paraphraser une citation souvent — et à tort — attribuée au diplomate français Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord : “En politique internationale, une erreur est souvent pire qu’un crime.” »

Stephen Blank, chercheur senior de l’Institute for Foreign Policy Research (FPRI)

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