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LA COURSE AU NUMERIQUE ET A L'IA EST LANCEE: L'AZERBAIDJAN EMBRAYE !

18 Décembre 2025 10:20 (UTC+01:00)
LA COURSE AU NUMERIQUE ET A L'IA EST LANCEE: L'AZERBAIDJAN EMBRAYE !
LA COURSE AU NUMERIQUE ET A L'IA EST LANCEE: L'AZERBAIDJAN EMBRAYE !

Paris / La Gazette

Les enjeux en sont la gouvernance numérique, la recherche d'une IA souveraine et l'ambition de devenir un centre numérique régional

Azerbaïdjan entend se transformer en hub numérique régional doté de sa propre intelligence artificielle souveraine. Les structures étatiques nourrissent des ambitions considérables en la matière. Minval a analysé la chronologie des rencontres tenues au cours des deux dernières semaines par le ministre de l’Économie, Mikayil Jabbarov, et le ministre du Développement numérique et des Transports, Rashad Nabiyev. À cette occasion, des plans de long terme ont été présentés pour adapter l’IA aux réalités locales : création de solutions « cloud » souveraines, de plateformes numériques et quantiques, numérisation des entreprises publiques, développement des start-up et formation de spécialistes en intelligence artificielle.

Récemment, Mikayil Jabbarov a rencontré le représentant commercial du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord pour l’Azerbaïdjan, Lord John Alderdice. Les discussions ont porté sur les investissements dans l’énergie, les hautes technologies et la transformation numérique. Peu après, le ministre a reçu les frères Daniel et David Liberman, entrepreneurs américains bien connus pour leurs projets dans le domaine des technologies de pointe. Selon eux, l’entretien avec le ministre a été « productif et riche », et a porté sur les perspectives de renforcement des positions de l’Azerbaïdjan dans le domaine de l’intelligence artificielle et des infrastructures de calcul.

Les frères Liberman ont souligné l’importance, pour eux, d’entendre que l’Azerbaïdjan est prêt à examiner des idées fondées sur des technologies décentralisées. Il ne s’agit pas seulement d’initiatives nationales, mais aussi de projets conjoints potentiels en Asie centrale, avec la participation des pays du Golfe persique et de la Turquie. Selon les entrepreneurs, cette approche crée un fort potentiel pour les solutions d’IA. Ils ont d’ailleurs résumé la situation en une phrase : « La course est lancée ». Il n’est guère nécessaire d’en expliquer le sens.

Parallèlement, le ministre du Développement numérique et des Transports, Rashad Nabiyev, explore lui aussi activement le terrain en vue de la création d’une IA souveraine. Il a effectué une série de rencontres aux États-Unis, dans le cadre d’une mission officielle. Il y a rencontré des membres de la communauté des start-up de la Silicon Valley ainsi que des Azerbaïdjanais travaillant dans de grandes entreprises technologiques. Les échanges ont porté sur la contribution que les start-uppeurs peuvent apporter au développement du secteur numérique en Azerbaïdjan. Les visites se sont poursuivies chez Meta, où ont été examinées les possibilités de coopération dans le domaine de la gouvernance numérique et du développement de l’écosystème numérique régional.

L’une des rencontres les plus marquantes a eu lieu chez OpenAI, où a été discutée la création d’une IA souveraine adaptée aux exigences locales. Toujours aux États-Unis, Rashad Nabiyev a également évoqué avec Apple des projets communs visant à transformer l’Azerbaïdjan en hub numérique régional grâce à l’Apple Developer Academy.

D’autres discussions ont concerné Nvidia et son rôle dans le déploiement de plateformes nationales souveraines d’intelligence artificielle, ainsi que dans la modernisation des services publics fondée sur de fortes capacités de calcul.

Commentant ces évolutions pour Minval, l’expert en IA et entrepreneur Arif Babaev estime qu’avec des priorités correctement définies, l’IA azerbaïdjanaise pourrait devenir opérationnelle dans les cinq prochaines années.

« À mon sens, la clé de la transformation de l’Azerbaïdjan en centre numérique régional ne réside pas seulement dans l’acquisition de technologies, mais dans la capacité à les gérer et à les adapter à ses propres besoins. À cet égard, l’initiative d’une IA souveraine peut devenir l’une des voies réelles vers l’obtention du statut de hub numérique régional », explique-t-il.

De manière générale, Arif Babaev considère que l’IA souveraine peut apporter des dividendes substantiels au pays. Sur le plan économique, une IA nationale permettrait d’accélérer la mise en œuvre de grands projets d’affaires, de réduire les coûts et même d’élargir les capacités d’exportation. Du point de vue de la sécurité, elle garantirait la conservation des données publiques à l’intérieur du pays et une meilleure gestion des risques. Sur le plan technologique enfin, l’Azerbaïdjan passerait du statut de simple consommateur de technologies à celui de pays développeur.

« Il ne faut pas penser que la création d’une IA nationale signifiera un renoncement total aux plateformes étrangères. Toutefois, dans des secteurs critiques comme les services publics, la sécurité ou les infrastructures stratégiques, cela permettra de réduire la dépendance extérieure et de renforcer le contrôle », souligne l’expert.

Selon lui, le ministère du Numérique devrait aujourd’hui miser en priorité sur les spécialistes azerbaïdjanais vivant à l’étranger. Ceux-ci disposent non seulement de compétences techniques, mais aussi d’une vision plus globale. Il serait pertinent de les attirer comme mentors ou dans le cadre de programmes de courte durée.

S’agissant du transfert de technologies d’OpenAI, Nvidia, Apple, IBM ou Meta, Arif Babaev estime qu’il ne faut pas se contenter d’acheter des solutions clés en main, mais plutôt renforcer l’écosystème local.

De son côté, Elvin Abbasov, président du conseil d’administration de l’Association azerbaïdjanaise de l’industrie des technologies de l’information et de la communication, souligne que les rencontres du ministre Rashad Nabiyev avec des représentants d’entreprises telles qu’OpenAI, NVIDIA, Meta, Apple, IBM, AMD, Amazon Web Services (AWS) et Brookfield, ainsi que celles du ministre Mikayil Jabbarov avec des entrepreneurs britanniques et américains, témoignent d’une volonté politique ferme et d’une approche stratégique multidimensionnelle visant à transformer l’Azerbaïdjan en centre numérique régional et à créer une écosystème souverain de l’intelligence artificielle.

Selon lui, trois conditions sont indispensables pour que l’Azerbaïdjan devienne un hub numérique régional : une infrastructure moderne (y compris des centres de données puissants et des systèmes de calcul avancés), un cadre législatif clair et flexible, et des spécialistes bien formés. Dans ce contexte, une IA nationale constitue un élément clé. Un centre numérique ne doit pas seulement faire transiter des données, mais créer des produits à forte valeur ajoutée. Si le pays développe sa propre IA, notamment en langue azerbaïdjanaise et en tenant compte des réalités locales, cela renforcera la sécurité numérique et fera de l’Azerbaïdjan une plateforme technologique attractive pour toute la région.

La création d’une infrastructure souveraine d’IA apporterait des bénéfices concrets. Économiquement, elle favoriserait le développement des start-up locales, réduirait les redevances de licences versées aux plateformes étrangères et ouvrirait des perspectives d’exportation de produits à forte valeur ajoutée fondés sur l’IA. Du point de vue de la sécurité, les informations étatiques seraient protégées à l’intérieur du pays, et la dépendance vis-à-vis d’algorithmes étrangers potentiellement préjudiciables aux intérêts nationaux serait éliminée. Sur le plan technologique, cela garantirait un accès direct aux technologies de pointe, telles que les NVIDIA H200, et créerait un environnement de travail attractif pour les spécialistes locaux.

« L’intelligence artificielle décentralisée et les modèles de calcul distribué peuvent considérablement renforcer la position régionale et internationale de l’Azerbaïdjan. Ils permettent un entraînement conjoint des modèles d’IA sans échange physique de données avec les partenaires régionaux. Une telle approche élargira la coopération régionale tout en préservant la souveraineté des données, et encouragera l’Azerbaïdjan à jouer le rôle de pont entre l’Asie centrale, le Caucase et le Moyen-Orient », souligne Elvin Abbasov.

Pour atteindre un leadership régional en matière d’IA, l’Azerbaïdjan devrait, selon l’expert, se concentrer sur des secteurs stratégiques comme l’énergie et la logistique, où l’optimisation par l’IA peut avoir l’impact économique le plus fort. Par ailleurs, l’application de l’expérience de l’IA au service ASAN offrirait à la région un modèle de « gouvernement intelligent ».

Compte tenu de l’infrastructure existante en Azerbaïdjan, des résultats tangibles dans le domaine de l’IA souveraine pourraient être atteints au cours des cinq à dix prochaines années. Les principaux risques résident toutefois dans la lenteur de la formation des ressources humaines — et surtout dans leur pénurie —, dans une bureaucratie artificielle, notamment la résistance des milieux conservateurs à l’adoption de l’IA, ainsi que dans la dépendance extérieure. Tant que le pays restera tributaire de technologies étrangères, il sera difficile de créer un écosystème local d’IA, estime l’expert.

Il convient également de noter que l’Azerbaïdjan gagnerait à accélérer dans cette course numérique. Récemment, l’un de ses principaux partenaires économiques, le Kazakhstan, a annoncé que la numérisation et l’intelligence artificielle constituaient des priorités du développement national.

Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a donné pour mission de transformer le pays en une nation pleinement numérique en l’espace de trois ans, en lançant d’urgence la construction d’une économie du savoir, où la créativité et l’innovation deviendront les principaux moteurs de croissance et où le capital intellectuel sera la base de la compétitivité. Il a rappelé que le premier supercalculateur national avait été mis en service, qu’un autre supercalculateur fonctionne sur la base de Kazakhtelecom, que le programme AI Sana a été lancé, que le projet d’envergure Alatau City est en cours de mise en œuvre, et que des mesures législatives accompagnent l’ensemble de ce travail stratégique.

L’Arménie est également entrée dans la compétition. La société américaine Firebird, spécialisée dans les technologies cloud et les infrastructures d’IA, a annoncé avoir obtenu une licence d’exportation américaine ainsi que des premiers investissements de 500 millions de dollars en Arménie. Il s’agit de la phase initiale d’un mégaprojet de plusieurs milliards visant à créer dans la région une infrastructure de supercalcul haute performance dédiée à l’IA. Firebird prévoit de déployer l’un des clusters d’IA les plus avancés de la région, reposant sur des serveurs Dell Technologies PowerEdge et des processeurs graphiques NVIDIA Blackwell. Ces GPU permettront aux instituts de recherche, aux entreprises technologiques et aux industriels d’entraîner et de faire évoluer les modèles d’IA les plus avancés. La première phase de construction en Arménie devrait être lancée au premier semestre 2026.

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