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IL EST TEMPS DE REVENIR SUR L'AMENDEMENT 907 DU FREEDOM ACT DE 1992

23 Décembre 2025 12:55 (UTC+01:00)
IL EST TEMPS DE REVENIR SUR L'AMENDEMENT 907 DU FREEDOM ACT DE 1992
IL EST TEMPS DE REVENIR SUR L'AMENDEMENT 907 DU FREEDOM ACT DE 1992

Paris / La Gazette

Cette disposition prive l'Azerbaïdjan d'aides américaines octroyées aux pays en transition

L’exportation de produits pétroliers azerbaïdjanais vers l’Arménie a commencé le18 décembre dans le cadre de l’agenda de la paix. Il s’agit de l’expédition de 22 wagons-citernes chargés d’essence AI-95 produite par SOCAR.

Cette étape marque, sans exagération, un tournant qualitatif dans la nature même de la coopération entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Pour la première fois depuis longtemps, le facteur économique passe au premier plan aux côtés des accords politiques, devenant un outil supplémentaire de stabilisation et de renforcement de la confiance. L’accord conclu le 28 novembre à Gabala entre les vice-premiers ministres azerbaïdjanais et arménien, Shahin Mustafaïev et Mher Grigoryan, revêt un caractère résolument pratique et incarne le concept des « dividendes économiques » du processus de paix. Il contribue au développement des relations économiques et commerciales entre les deux pays et, à terme, à l’élargissement des liens entre les États de la région. Autrement dit, l’expédition de pétrole azerbaïdjanais vers l’Arménie devient le point de départ d’une nouvelle phase de contacts économiques.

Ce scénario aurait été difficile à imaginer il y a quelques années. Aujourd’hui pourtant, le monde assiste au retour de Bakou et d’Erevan aux principes fondamentaux des échanges économiques. Ce sont précisément ces mécanismes qui offrent le plus fort potentiel de durabilité à long terme, car ils reposent sur un intérêt objectif commun à entretenir des relations stables et un environnement prévisible. Un modèle se dessine ainsi, dans lequel des pays marqués par des décennies de conflits sanglants commencent à considérer la stabilité et l’ouverture des communications comme un intérêt collectif. Hier encore, il ne s’agissait que du transit de céréales kazakhes et russes à travers le territoire azerbaïdjanais vers l’Arménie ; aujourd’hui, on parle déjà de l’exportation de produits pétroliers azerbaïdjanais vers le pays voisin, ce qui s’inscrit naturellement dans la logique des dividendes économiques de la paix.

Le processus de paix cesse dès lors d’être une construction politique abstraite pour acquérir une dimension matérielle, incarnée par des flux de marchandises, de capitaux et d’investissements. Cela crée les bases d’une restauration progressive des liens commerciaux et économiques détruits par de longues années de confrontation et favorise l’émergence d’un nouveau système d’interdépendance régionale, dans lequel la rupture des relations devient économiquement coûteuse.

Dans ce contexte, la mise en œuvre du corridor de Zanguezour, susceptible de modifier en profondeur la configuration des routes de transport et de commerce en Eurasie, revêt une importance particulière. Son lancement ouvrira de nouvelles possibilités de transit, élargira l’accès aux marchés et renforcera la connectivité globale des régions.

Ainsi, la logique économique tend à supplanter les approches politisées fondées sur les accusations réciproques et la méfiance. Cette évolution pose inévitablement la question de la révision de certaines restrictions de politique étrangère héritées d’une autre réalité historique et politique. L’amendement 907 au Freedom Act, qui interdit au gouvernement américain d’apporter une aide à l’Azerbaïdjan, apparaît à cet égard de plus en plus archaïque. Adopté en 1992 sur la base d’allégations arméniennes concernant un prétendu blocus de l’Arménie et sous l’influence de groupes de pression arméniens diasporiques, il se heurte aujourd’hui aux faits. La reprise des contacts commerciaux et économiques démontre clairement l’inadéquation du maintien de cet amendement. De surcroît, dans le contexte de la mise en œuvre du corridor de Zanguezour et de sa section arménienne du TRIPP, les revendications initiales perdent non seulement leur portée politique, mais aussi leur pertinence pratique.

Le président Donald Trump a gelé l’amendement, mais seule son abrogation par le Congrès peut le faire disparaître définitivement. Un premier pas a toutefois été franchi : le 9 décembre, la membre de la Chambre des représentants Anna Paulina Luna a déposé un projet de loi visant à abroger intégralement l’amendement 907. Il est temps, selon nous, que les législateurs américains assument leurs responsabilités et soutiennent cet effort en supprimant une disposition de la Loi de Soutien à la Liberté de 1992 qui constitue désormais un obstacle à l’approfondissement de la coopération entre Bakou et Washington.

Le contexte international plus large mérite également d’être pris en compte. Les initiatives de l’Azerbaïdjan en faveur d’une coopération économique avec l’Arménie s’inscrivent objectivement dans le cadre de l’initiative de paix du président américain Donald Trump. En ce sens, Bakou n’est pas un acteur passif, mais un protagoniste engagé, dont les actions soutiennent le processus de paix par des solutions économiques concrètes.

En définitive, l’exportation du premier lot de produits pétroliers azerbaïdjanais vers l’Arménie constitue un signal fort, tant pour les acteurs régionaux que pour les partenaires extérieurs. Elle montre que l’agenda de paix dans le Caucase du Sud se transforme en une pratique fondée sur le pragmatisme, le bénéfice mutuel et la stabilité à long terme. C’est dans ce cadre que les liens économiques peuvent devenir le socle garantissant l’irréversibilité des changements positifs et ouvrir un nouveau vecteur de développement pour l’ensemble de la région.

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