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PACHINIAN ABORDE EN ALLEMAGNE LES QUESTIONS DE LA MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE ET DU RETOUR DES REFUGIES DES DEUX PAYS

15 Décembre 2025 19:30 (UTC+01:00)
PACHINIAN ABORDE EN ALLEMAGNE LES QUESTIONS DE LA MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE ET DU RETOUR DES REFUGIES DES DEUX PAYS
PACHINIAN ABORDE EN ALLEMAGNE LES QUESTIONS DE LA MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE ET DU RETOUR DES REFUGIES DES DEUX PAYS

Paris / La Gazette

Le 10 décembre, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, s’exprimant devant des journalistes à Hambourg, a déclaré que l’Arménie n’a jamais discuté et ne discute actuellement d’aucune modification constitutionnelle avec l’Azerbaïdjan, soulignant que la Constitution de la République d’Arménie relève exclusivement des affaires intérieures du pays. Répondant aux affirmations de Bakou selon lesquelles l’Arménie devrait amender sa Constitution, Pachinian a insisté sur le fait qu’Erevan n’a posé aucune condition à la signature d’un accord de paix.

Il a expliqué que si l’Azerbaïdjan estime sincèrement que la Constitution arménienne comporte des revendications territoriales, la solution la plus efficace consiste à signer immédiatement le traité de paix. Une fois signé, ce document doit, conformément à la loi, être transmis à la Cour constitutionnelle afin d’évaluer sa conformité avec la Constitution. Si la Cour confirme cette conformité, le texte pourra ensuite être soumis à l’Assemblée nationale pour ratification, après quoi il aura une valeur juridique supérieure à celle de la législation interne. Dans ce cas, a souligné Pachinian, l’Arménie ne pourrait formuler aucune revendication territoriale à l’encontre de l’Azerbaïdjan, même si elle le souhaitait, puisque le traité — qui stipule publiquement que les deux parties reconnaissent l’intégrité territoriale de l’autre sur la base des frontières administratives soviétiques et renoncent à toute revendication territoriale présente ou future — primerait sur le droit interne. Il a ajouté que les parties à un tel traité ne peuvent invoquer leur législation nationale pour justifier un non-respect de leurs engagements.

Pachinian a également évoqué un second scénario : celui où la Cour constitutionnelle jugerait le traité incompatible avec la Constitution. Dans ce cas, a-t-il affirmé, il prendrait personnellement l’initiative de proposer des amendements constitutionnels, la paix étant une valeur suffisamment fondamentale pour justifier de tels changements. Il a toutefois précisé qu’à l’heure actuelle, il ne dispose d’aucune base juridique pour demander des modifications constitutionnelles à la population, puisque la Cour constitutionnelle a déjà statué en septembre 2024 que la Déclaration d’Alma-Ata — explicitement mentionnée dans le projet d’accord de paix — est pleinement conforme à la Constitution. Modifier la Constitution sans nécessité serait, selon lui, perçu comme arbitraire. Il a réaffirmé que la question constitutionnelle n’a jamais été abordée avec l’Azerbaïdjan et a rappelé que son parti Contrat Civil avait déjà inscrit l’idée d’une nouvelle Constitution dans la déclaration de son dernier congrès, reflet de débats engagés dès 2018.

Abordant un autre sujet, le Premier ministre a indiqué avoir pris connaissance de la réaction du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères à l’agenda stratégique entre l’Arménie et l’Union européenne, relevant des contradictions entre les discours de Bakou sur « l’Azerbaïdjan occidental » et ses critiques à l’égard des références arméniennes aux « Arméniens du Karabakh ». Il a rappelé ses déclarations publiques antérieures qualifiant la question du retour de dangereuse et a souligné que les deux sociétés sont confrontées à des problématiques sensibles liées aux récits du retour. Pour cette raison, il a proposé ouvertement à l’Azerbaïdjan d’élaborer conjointement une feuille de route traitant ces questions en parallèle, estimant qu’une approche coordonnée et réaliste contribuerait à prévenir durablement les conflits. Il a indiqué avoir expliqué aux personnes déplacées du Haut-Karabakh que les appels au retour ne sont pas réalistes dans les conditions actuelles.

Pachinian est également revenu sur ses propos antérieurs à l’Assemblée nationale concernant la dette publique, notant que deux principaux postes de dépenses contribuent à son augmentation : les achats d’équipements de défense et l’aide aux personnes déplacées du Haut-Karabakh. Selon lui, insister sur une politique de « retour » relancerait le mouvement du Karabakh, qu’il considère comme déjà clos, et toute tentative de le raviver serait vaine. Dans le même temps, a-t-il observé, l’Arménie entend des responsables azerbaïdjanais promouvoir le concept d’« Azerbaïdjan occidental », ce qui crée une dynamique de surenchère rhétorique entre les deux parties. Pour briser ce cercle, il a réitéré sa proposition d’une feuille de route bilatérale visant à éliminer définitivement ces sujets comme sources de conflit. Il a souligné qu’il ne peut y avoir d’« Azerbaïdjan occidental » en Arménie et que si les deux États reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale, ils doivent s’engager à mettre pleinement en œuvre cette reconnaissance.

S’agissant de l’orientation stratégique de l’Arménie, Pachinian a précisé que le retrait de l’Union économique eurasiatique (UEEA) n’est pas un objectif actuel, tandis que l’adhésion à l’Union européenne constitue un but à long terme. Il a reconnu l’incompatibilité entre ces deux cadres et le fait qu’un choix devra un jour être fait, tout en soulignant qu’aucune décision de ce type n’est nécessaire pour l’instant. La loi récemment adoptée lançant le processus d’adhésion à l’UE vise avant tout à stimuler l’approfondissement des réformes démocratiques et à aligner la gouvernance, l’économie et les normes arméniennes sur celles de l’Union européenne. Ce n’est qu’une fois ces standards objectivement atteints que l’Arménie déposera une demande officielle d’adhésion. À ce stade, a-t-il ajouté, l’UE pourra accepter ou refuser, mais dans les deux cas le résultat sera bénéfique, car l’Arménie fonctionnera déjà comme un État aux normes européennes.

Évoquant les projets économiques régionaux, Pachinian a indiqué que le projet TRIPP et les initiatives d’infrastructures plus larges ont été au cœur de ses discussions à Hambourg. Le port de Hambourg, a-t-il précisé, a manifesté un intérêt particulier pour le projet de port sec à Gyumri, un intérêt renforcé par les évolutions régionales actuelles. Il a ajouté que sa visite a permis de dégager plusieurs axes importants de coopération future. Il a également souligné une annonce faite à Berlin : à partir de l’année prochaine, l’ambassade d’Allemagne en Arménie supprimera les longues files d’attente pour les visas, exprimant l’espoir que d’autres ambassades adopteront une approche similaire.

Le Premier ministre a qualifié la politique étrangère de l’Arménie d’équilibrée, citant ses récentes visites dans de nombreuses capitales. Il a rappelé que le programme gouvernemental de 2021 accorde une priorité à la régionalisation et qu’il a, cette année, rencontré tous les dirigeants des pays voisins. Deux délégations arméniennes se sont déjà rendues en Azerbaïdjan, a-t-il noté, et il s’attend à la visite prochaine de délégations azerbaïdjanaises en Arménie. Il a mentionné l’entrée d’un train en Arménie depuis l’Azerbaïdjan et les discussions en cours sur l’importation de produits pétroliers, estimant que ces éléments illustrent le succès d’une politique étrangère équilibrée. Il a également insisté sur le rôle déterminant de l’atmosphère créée par les partenaires internationaux pour faire avancer la normalisation arméno-turque, y compris l’ouverture de la frontière.

Dans le cadre des projets « Carrefour de la paix » et TRIPP, l’ouverture de la frontière arméno-turque permettrait, selon lui, d’établir une liaison ferroviaire et routière entre l’Asie centrale et l’Union européenne, ouvrant la voie à de futures infrastructures telles que de nouveaux pipelines et lignes électriques, y compris d’éventuels corridors d’« hydrogène vert ». Des idées qui paraissaient autrefois spéculatives semblent désormais réalistes, a-t-il déclaré, affirmant qu’un pipeline d’hydrogène vert reliant l’Asie centrale à l’Europe finira inévitablement par voir le jour. L’ouverture de la frontière offrirait à ce futur projet un itinéraire supplémentaire viable, bénéfique tant pour la région que pour l’UE.

S’adressant à Hambourg aux représentants du monde des affaires, Pachinian a estimé que si le leadership politique s’est affirmé le 8 août, c’est désormais le secteur économique qui mène la dynamique. Selon lui, les intérêts économiques régionaux partagés constituent la garantie la plus fiable de stabilité et de sécurité, car des entreprises qui prospèrent ensemble n’ont aucun intérêt à soutenir un conflit. Il a encouragé les entrepreneurs arméniens à s’engager davantage dans la coopération économique régionale.

Il a également évoqué les progrès de l’Arménie dans le domaine des énergies renouvelables, soulignant que la production d’énergie solaire s’est considérablement développée et que la capacité solaire actuelle dépasse de trois fois celle de la centrale nucléaire arménienne. Il a mis en avant l’importance des systèmes de stockage de l’énergie pour atteindre l’indépendance énergétique et permettre à terme l’exportation d’électricité. Il a enfin mentionné les perspectives croissantes de coopération technologique avec l’UE et le soutien gouvernemental accordé aux entrepreneurs exportant des produits arméniens vers l’Europe. L’Allemagne, a-t-il ajouté, manifeste un vif intérêt pour les technologies de l’hydrogène, un domaine que l’Arménie commence à explorer.

Commentant les récits publics autour du Haut-Karabakh, Pachinian a estimé que les titres affirmant que la question du Karabakh reste non résolue résonnent dans les deux sociétés et entretiennent la méfiance. Il a insisté sur le fait que la paix a déjà été obtenue et que toutes les grandes questions ont été réglées. Ce qui reste, selon lui, consiste simplement à respecter ces décisions et à éviter toute provocation.

Enfin, le Premier ministre a évoqué l’augmentation spectaculaire des voyages des citoyens arméniens vers l’Union européenne. Par rapport à 2018, a-t-il indiqué, les déplacements vers les pays de l’UE ont augmenté de 400 à 500 %, et en tenant compte des files d’attente pour les visas, la hausse réelle se rapproche de 600 à 700 %. Il a rejeté les affirmations selon lesquelles cette évolution contredirait les données sur le niveau de vie, soulignant que des billets d’avion abordables — parfois entre 35 et 50 euros — permettent à des citoyens ordinaires de voyager fréquemment. Ces statistiques, a-t-il conclu, sont fournies par l’Union européenne elle-même.

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