Lagazette

UNE SIMPLE MODIFICATION DE LA CONSTITUTION ARMENIENNE NE SUFFIT PAS : UN AUTRE DOCUMENT FAIT OBSTACLE A LA PAIX

18 Décembre 2025 13:30 (UTC+01:00)
UNE SIMPLE MODIFICATION DE LA CONSTITUTION ARMENIENNE NE SUFFIT PAS : UN AUTRE DOCUMENT FAIT OBSTACLE A LA PAIX
UNE SIMPLE MODIFICATION DE LA CONSTITUTION ARMENIENNE NE SUFFIT PAS : UN AUTRE DOCUMENT FAIT OBSTACLE A LA PAIX

Paris / La Gazette

Adoptée en novembre 2023, la « Stratégie de préservation, de développement et de promotion de la culture de la République d’Arménie pour 2023–2027 » peut, à première vue, apparaître comme un document sectoriel sans lien direct avec les questions de sécurité ou de diplomatie. Pourtant, comme l’a relevé Minval Politika après en avoir analysé le contenu, ce type de document reflète souvent des orientations profondes de l’État, qui façonnent non seulement le discours officiel, mais aussi la trajectoire réelle du développement politique.

Sous cet angle, cette Stratégie soulève de sérieuses interrogations. Plusieurs de ses dispositions entrent en contradiction directe avec la logique des accords de Washington ainsi qu’avec les principes fondamentaux de l’accord de paix paraphé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. L’article 8 de cet accord engage notamment les parties à rejeter et prévenir toute forme d’intolérance, de haine raciale, de discrimination, de séparatisme et d’extrémisme violent. Or, le document arménien analysé contient des narratifs qui non seulement ne s’en distancient pas, mais qui, dans certains cas, les institutionnalisent à travers une politique culturelle d’État.

Ce décalage entre les engagements internationaux et le contenu des documents officiels renforce à Bakou le sentiment que l’agenda de paix en Arménie reste fragmentaire. Les déclarations et actions de certains représentants de l’establishment arménien, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, apparaissent de plus en plus en contradiction avec les objectifs proclamés de normalisation. Dans ce contexte, une question s’impose : existe-t-il, parallèlement à la rhétorique publique en faveur de la paix, une autre ligne politique, moins explicite mais plus enracinée ?

Une attention particulière mérite d’être accordée à la terminologie employée dans la Stratégie. Des expressions telles que « guerre de l’Azerbaïdjan contre le Karabagh », « agresseur » ou « pays ayant perpétré un génocide culturel » y figurent alors même qu’elles ont été entérinées après le sommet de Prague de 2022, au cours duquel les parties ont confirmé la reconnaissance mutuelle de leur intégrité territoriale sur la base de la Déclaration d’Alma-Ata. Sur le plan institutionnel, cela équivaut à un refus de prendre en compte la nouvelle réalité juridique, qui aurait exigé de l’Arménie une relecture critique de son rôle dans le conflit passé, y compris la reconnaissance de l’occupation prolongée de territoires azerbaïdjanais.

Le volet ethnopolitique du document est tout aussi révélateur. Les affirmations sur une présence arménienne « millénaire » au Karabagh reprennent des narratifs traditionnels opposant populations « autochtones » et « allogènes ». À long terme, de telles constructions sapent non seulement la confiance entre les sociétés, mais aussi la possibilité même de bâtir un ordre politique inclusif, condition indispensable à une paix durable.

Certaines dispositions de la Stratégie vont jusqu’à des affirmations scientifiquement vulnérables, voire absurdes, comme la présentation de la grotte d’Azykh en tant que patrimoine historique arménien. De tels propos traduisent moins une volonté de préservation culturelle qu’une instrumentalisation du patrimoine à des fins de domination symbolique, caractéristique de sociétés en conflit plutôt que de sociétés en phase post-conflit. Sur le plan scientifique, une telle revendication est infondée : la grotte d’Azykh remonte à une période où les nations modernes n’étaient pas encore formées. De même, les tentatives de qualifier les Arméniens d’« autochtones » du Karabakh ne résistent pas à l’examen historique, de nombreuses sources attestant que la présence arménienne significative dans la région s’est développée après l’expansion russe dans le Caucase et la politique de peuplement de l’Empire russe.

Une logique similaire apparaît dans l’interprétation d’autres domaines culturels, comme le tissage de tapis. Au lieu de rechercher des points de convergence culturelle et une reconnaissance mutuelle, Erevan continue de politiser les pratiques culturelles. L’expérience historique montre qu’une telle approche favorise rarement la réconciliation et tend plutôt à figer les lignes de fracture.

Cette politique ne se limite pas au cadre national. Depuis des années, l’Arménie a systématiquement transformé la plateforme de l’UNESCO en un instrument de pression politique contre l’Azerbaïdjan. La position biaisée et ouvertement pro-arménienne de l’ancienne directrice générale de l’organisation, Audrey Azoulay, a porté atteinte au principe de neutralité institutionnelle et a de facto légitimé cette pratique. Avec son départ, cette période d’abus ciblés du « parrainage » de l’UNESCO est désormais close, et l’Arménie est appelée à mettre fin à toute campagne politisée et destructrice au sein de cette organisation internationale.

Enfin, l’institutionnalisation de narratifs conflictuels se reflète également dans des cadres internationaux, notamment dans l’«Agenda stratégique du partenariat UE–Arménie ». Les formulations qu’il contient entrent en contradiction avec le point XI de l’accord de paix paraphé, qui interdit explicitement l’utilisation d’accords avec des tiers au détriment des obligations bilatérales. De plus, ce document comporte, comme l’a déjà souligné Minval Politika, des éléments assimilables à une ingérence dans les affaires intérieures de l’Azerbaïdjan, contraires aux accords conclus aux États-Unis et à la logique même du processus de paix, notamment à travers les références aux « prisonniers arméniens » et les tentatives récurrentes de relancer la question du « retour des Arméniens » au Karabagh.

Certains pourraient avancer que la Stratégie culturelle a été adoptée avant les accords de Washington. Toutefois, rappelons que la rencontre de Prague avait déjà eu lieu, et que l’Arménie s’y était engagée à reconnaître l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. En outre, les autorités arméniennes disposaient de nombreuses occasions pour amender le document et l’aligner sur leurs obligations internationales. Enfin, l’Agenda stratégique UE–Arménie a été adopté après les négociations aux États-Unis et le paraphe de l’accord de paix.

La théorie politique enseigne qu’une paix durable est impossible sans cohérence entre déclarations, institutions et pratiques. Si l’Arménie souhaite réellement s’inscrire dans une dynamique de paix, elle devra réviser les documents qui perpétuent la logique du conflit passé. À défaut, le concept de « l’Arménie réelle », proclamé par le Premier ministre Nikol Pachinian, risque de demeurer une simple formule rhétorique, dépourvue de contenu institutionnel.

Plus préoccupant encore, l’expérience montre que les autorités arméniennes ont, à maintes reprises, violé des accords signés et manqué à leurs engagements. Sur des questions clés, Erevan a souvent affiché deux positions distinctes : l’une destinée à l’extérieur, l’autre à son opinion publique. Si de telles pratiques diplomatiques venaient à se répéter, elles pourraient faire peser de graves risques sur l’ensemble du processus de paix.

Loading...
L'info de A à Z Voir Plus