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L'EFFONDREMENT DES MYTHES

4 Décembre 2025 08:43 (UTC+01:00)
L'EFFONDREMENT DES MYTHES
L'EFFONDREMENT DES MYTHES

Paris / La Gazette

Le moralisme européen écorné par le comportement indélicat de hauts fonctionnaires de l’UE

L’arrestation en Belgique de l’ancien secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), Stefano Sannino, et de l’ex-chef de la diplomatie européenne, rectrice du Collège d’Europe, Federica Mogherini — cette dernière ayant ensuite été remise en liberté — est devenue l’un des scandales de corruption les plus retentissants de la politique européenne de ces dernières années. Un scandale qui ne se contente pas de révéler de possibles irrégularités dans l’usage des fonds de l’UE : il remet en question la solidité même de l’édifice bureaucratique européen, longtemps présenté comme un modèle de transparence et d’intégrité.

Rappelons que Federica Mogherini est l’une des figures les plus connues de la scène politique de l’UE ces dernières années. Issue du Parti démocrate italien, elle gravit rapidement les échelons jusqu’à être nommée, en 2014, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité — devenant de facto la « ministre des Affaires étrangères de l’Europe ».

Cette nomination était le fruit d’un délicat marchandage politique, de pressions exercées par plusieurs États, mais aussi de sa capacité personnelle à dialoguer avec les groupes influents au sein de l’UE. En tant que visage de la diplomatie européenne, Mogherini participa aux négociations avec l’Iran, supervisa la politique de l’Union au Moyen-Orient, traita des questions de sanctions et de sécurité européenne. La voir aujourd’hui au centre d’une enquête pénale bouleverse donc radicalement la perception de l’élite européenne.

Selon les médias belges, l’enquête porte sur un possible détournement de fonds alloués au Collège d’Europe, où était menée une prestigieuse formation destinée aux jeunes diplomates. Le schéma présumé inclurait l’usage non conforme de fonds européens, des manipulations budgétaires et de possibles rétrocommissions.

Et il ne s’agit pas ici de fonctionnaires subalternes ou d’un obscur service régional. Les soupçons visent le sommet de la diplomatie européenne — cette même élite qui aimait tant donner des leçons aux pays d’Europe orientale, et notamment à l’Azerbaïdjan, sur la démocratie, la transparence, l’État de droit et l’intolérance envers la corruption.

On se souvient bien comment, lors des discussions sur la coopération entre l’UE et notre pays, Mogherini insistait constamment sur la démocratie, le respect de l’État de droit, des droits humains — des « conditions essentielles » pour tout partenariat — et regrettait que « l’espace civique et la protection des droits de l’homme restent limités en Azerbaïdjan ». Et maintenant, à l’épreuve des faits…

Ce scandale n’est par ailleurs pas le premier coup porté à l’image de l’Union. Il suffit de se rappeler l’affaire Eva Kaili, l’ancienne vice-présidente du Parlement européen, chez qui la police avait découvert 150 000 euros en liquide, tandis que son père était arrêté dans un hôtel bruxellois de luxe avec une valise pleine d’argent. Elle avait fini par être inculpée pour « corruption, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle dans le cadre d’un dossier de lobbying illégal ».

Et pourtant, nous n’avons pas oublié que cette technocrate récoltait activement des signatures pour susciter des débats sur la « situation au Haut-Karabakh », qu’elle défendait ardemment les positions de l’Arménie, multipliait les déclarations hostiles à l’Azerbaïdjan et, au plus fort de la guerre de 44 jours, exigeait que l’UE cesse de délivrer des visas Schengen aux diplomates azerbaïdjanais.

Et voici maintenant un nouveau scandale. Ce qui ouvre nécessairement la voie aux interrogations. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, l’UE a promis à l’Ukraine une aide colossale — plus de 187 milliards d’euros. Mais un problème demeure : ce sont des chiffres « théoriques ». Les mécanismes concrets de répartition, les modalités de transfert, le contrôle des tranches — tout cela se déroule au sein de structures bureaucratiques opaques, dont on découvre aujourd’hui qu’elles sont loin d’être irréprochables.

Peut-on être certain que des centaines de milliards parviennent réellement à leurs destinataires ? Que des « commissions » et montages douteux ne se glissent pas en chemin ? Après ces scandales, aucune certitude n’est plus possible. D’autant qu’en Ukraine, les affaires de corruption ne sont, hélas, plus une nouveauté. Les critiques concernant la transparence de l’usage des fonds se sont multipliées — au point de pousser le président américain Donald Trump à revoir la politique d’aide de Washington.

« Joe Biden a distribué 350 milliards comme des bonbons. C’est une somme colossale, et la majeure partie a été versée en liquide », a déclaré Trump.

Dans un contexte où même des hauts fonctionnaires européens se retrouvent impliqués dans des affaires de corruption, de telles affirmations devraient déclencher l’exigence d’un audit international extrêmement rigoureux. Si l’élite de l’UE est soupçonnée d’avoir participé à des montages frauduleux dans le cadre de programmes éducatifs, que dire alors des flux financiers gigantesques liés à la guerre, aux livraisons d’armes et aux financements d’urgence ? Aucune garantie d’honnêteté n’existe. Et cela inquiète aujourd’hui nombre de politologues et d’économistes.

Nous assistons ainsi à l’effondrement d’un mythe. Pendant des décennies, certains responsables politiques et activistes se sont évertués à présenter les institutions européennes comme un modèle de transparence, tandis que les États extérieurs au bloc occidental étaient dépeints comme des pays qu’il fallait « éduquer » à la gouvernance civilisée. Ces arguments ont souvent servi à exercer des pressions sur les États récalcitrants, en particulier l’Azerbaïdjan — pays que dénigraient précisément des structures dont les représentants sont aujourd’hui sous enquête. L’ironie est flagrante, d’autant que ces accusations s’appuyaient fréquemment sur le lobbying arménien. Le sentiment de supériorité morale de l’Occident apparaît désormais pour ce qu’il est : un mythe qui se fissure.

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