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LE PARCOURS DE L'AZERBAIDJAN: DE LA RENTE PETROLIERE A L'ECONOMIE NUMERIQUE

5 Décembre 2025 09:12 (UTC+01:00)
LE PARCOURS DE L'AZERBAIDJAN: DE LA RENTE PETROLIERE A L'ECONOMIE NUMERIQUE
LE PARCOURS DE L'AZERBAIDJAN: DE LA RENTE PETROLIERE A L'ECONOMIE NUMERIQUE

Paris / La Gazette

L’index pointe désormais vers la diversification et la digitalisation

Depuis trois décennies, l’Azerbaïdjan construit sa politique économique autour de son important potentiel pétrolier et gazier, ainsi que de sa position géographique stratégique à la croisée de l’Europe et de l’Asie. Cette base lui a permis d’accroître avec succès ses réserves de change, de préserver la stabilité macroéconomique et de stimuler les investissements.

Lors des discussions sur le projet de « Budget d’État 2026 » à la séance plénière du Milli Majlis (parlement), il a été souligné que la politique économique du gouvernement reste centrée sur ces trois priorités stratégiques. Toutefois, dans les réalités du XXIᵉ siècle, des efforts bien plus importants s’imposent pour réorienter les flux d’investissement vers les objectifs de la Quatrième révolution industrielle (4IR), ainsi que vers la numérisation de l’économie, la transition écologique et le développement du complexe agro-industriel (AIC).

« La politique économique de l’Azerbaïdjan vise trois objectifs stratégiques : garantir la stabilité macroéconomique, maintenir la résilience des réserves stratégiques et assurer des taux de croissance économique élevés », a déclaré le 2 décembre le ministre des Finances Sahil Babayev devant le parlement. « Même si ces trois objectifs peuvent parfois entrer en contradiction et qu’il est difficile de les développer au même niveau maximal, nous nous efforçons d’établir des liens entre eux et de bâtir notre politique autour d’un juste équilibre. »

Pendant de nombreuses années, le développement économique de l’Azerbaïdjan a reposé sur son puissant potentiel énergétique et logistique, des indicateurs macroéconomiques stables, un excédent commercial et de balance des paiements, des politiques monétaires et budgétaires robustes et d’importantes réserves de change. Ces atouts sont régulièrement mis en avant dans les rapports des agences de notation et organisations internationales. Malgré les crises globales et les ralentissements périodiques, le pays est parvenu à préserver cette stabilité enviée dans la durée.

L’Azerbaïdjan a maintenu une forte stabilité macroéconomique malgré les chocs extérieurs. Récemment, l’agence Moody’s a relevé la note souveraine du pays à Baa3, lui attribuant ainsi le statut d’« investment grade ». Cette décision reflète la solidité des indicateurs macroéconomiques : inflation maîtrisée dans la fourchette cible (4 % ± 2 %), excédent commercial et du compte courant, surplus budgétaire, faible dette publique, ainsi que des politiques macrofinancières prudentes.

Malgré les crises mondiales de ces dernières années, les réserves stratégiques en devises de l’Azerbaïdjan ont continué à croître, atteignant 82,5 milliards de dollars entre janvier et octobre, soit une hausse de 16,2 %. Ces réserves dépassent largement les critères internationaux : elles couvrent 37 mois d’importations et excèdent près de 16 fois la dette publique extérieure du pays. Sur la même période, les réserves de la Banque centrale ont progressé de 4,2 % pour avoisiner 11,434 milliards de dollars, renforçant considérablement sa capacité de stérilisation monétaire et de stabilisation du manat.

Le succès durable de l’Azerbaïdjan dans l’accumulation de réserves et la préservation de la stabilité macroéconomique est largement attribuable à son potentiel d’exportation et de transit énergétiques. Au cours des dernières décennies, le secteur énergétique a attiré l’essentiel des investissements étrangers. Depuis la signature du « Contrat du siècle », environ 110 milliards de dollars d’investissements étrangers ont afflué dans ce secteur entre 2000 et 2020.

À mesure que le PIB et les recettes budgétaires augmentaient, le pays a pu élargir sa capacité d’investissement public. Comme l’a souligné Sahil Babayev, le budget 2026 consacre une part significative aux investissements : « Les dépenses orientées vers l’investissement représentent 34 % du budget de l’État, un niveau supérieur à la moyenne mondiale et à celui observé dans les autres pays post-soviétiques. »

L’essentiel de ces fonds publics a été alloué à de grands projets d’infrastructure, à des projets sociaux, immobiliers et autres, en particulier à la reconstruction des régions du Karabagh et du Zanguezour oriental. Au cours des cinq dernières années, plus de 20 milliards de manats (11,7 milliards de dollars) y ont été investis. Pour 2026–2029, un budget supplémentaire de 13,5 milliards de manats (environ 8 milliards de dollars) est prévu.

La croissance du budget d’État et la capacité du pays à financer seul de grands projets d’infrastructure constituent une avancée majeure. Toutefois, le ministre a insisté sur la nécessité, dans les années à venir, de réduire la dépendance à l’égard du pétrole et du gaz et de renforcer le soutien ciblé au secteur non pétrolier.

Le secteur non pétrolier a gagné en importance dans l’économie nationale au cours des quinze dernières années : sa part dans le PIB est passée de 49 % en 2011 à 68 % fin 2024. Pour 2026, l’objectif est de porter les recettes non pétrolières du budget consolidé à 63 %, puis à 70 % en 2029.

L’Azerbaïdjan doit également relever le défi de développer significativement ses exportations non pétrolières, ce qui exige une augmentation des investissements directs étrangers (IDE) dans les industries à forte valeur ajoutée et les technologies avancées.

De janvier à octobre 2025, la valeur totale des exportations nationales s’est établie à 17,065 milliards de dollars, en recul de 6,4 %, essentiellement en raison de la baisse des exportations de pétrole. En revanche, les exportations non pétrolières ont progressé de 6,6 % pour atteindre 2,99 milliards de dollars. Néanmoins, ces volumes restent insuffisants, tant face aux exportations d’hydrocarbures qu’en valeur absolue. Le gouvernement vise 5,3 milliards de dollars d’exportations non pétrolières d’ici fin 2026, mais les tendances actuelles rendent cet objectif difficile à atteindre.

Ces constats soulignent l’urgence de renforcer l’investissement dans le secteur non pétrolier. Le vice-ministre de l’Économie Sahib Alakbarov a indiqué que les investissements totaux dans ce secteur ont atteint 213 milliards de dollars au cours des 20 dernières années. Malgré cela, la part des IDE reste limitée, notamment dans l’industrie, l’agriculture, les transports, les télécommunications et la pharmacie, et quasi inexistante dans les technologies de l’information et les secteurs liés à l’Industrie 4.0.

À titre comparatif, en 2024, les IDE en Azerbaïdjan se sont élevés à 7,046 milliards de dollars, tandis que les rapatriements de capitaux ont atteint 7,3 milliards. Fait plus préoccupant encore, 79,3 % des IDE ont été dirigés vers le secteur pétrolier. Autrement dit, l’ensemble des secteurs non énergétiques n’ont attiré qu’environ 1,4 milliard de dollars — un montant très modeste.

L’un des rares secteurs connaissant un boom récent des IDE est celui des énergies renouvelables (ER). La quasi-totalité des projets dans ce domaine est financée par des capitaux étrangers, qui devraient dépasser 2,8 milliards de dollars dans les prochaines années. Grâce à la construction de huit centrales solaires et éoliennes à grande échelle, le système énergétique du pays devrait gagner 2 GW de capacité supplémentaire d’ici 2027, voire davantage. Ce succès s’explique en grande partie par l’adoption de standards internationaux modernes et par la mise en place d’un cadre réglementaire avancé : le secteur des ER fonctionne selon un modèle transparent inspiré du « Contrat du siècle ».

Il est essentiel de renforcer l’expertise nationale dans le développement des énergies « vertes », et d’appliquer les normes établies dans ce secteur à d’autres branches non pétrolières, notamment afin de promouvoir la dé-monopolisation de la production. Tout aussi crucial est l’instauration d’un régime d’incitations fiscales pour les investisseurs engagés dans les segments de la 4IR, la numérisation industrielle et le développement logiciel. Cela permettrait d’augmenter la rentabilité des industries à forte intensité de savoir — condition essentielle pour attirer davantage d’investissements directs étrangers.

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