NOUVEAUX ENJEUX REGIONAUX: L'ALLEMAGNE ET SA POLITIQUE DANS LE CAUCASE DU SUD
Paris / La Gazette
Merz avait téléphoné à Aliyev avant la visite de Pachinian à Berlin
Nous avons récemment été témoins de la conclusion d’un agenda stratégique de partenariat entre l’Arménie et l’Union européenne. Et, il y a quelques jours, le Premier ministre Nikol Pachinian s’est rendu à Berlin pour une visite officielle, au cours de laquelle l’Arménie et l’Allemagne ont signé une déclaration définissant une feuille de route stratégique pour leur partenariat bilatéral. Le document consacre le passage des relations entre les deux pays à un nouveau palier et en précise les principaux axes de coopération.
D’un côté, la rencontre entre Friedrich Merz et Nikol Pachinian, ainsi que la déclaration qu’ils ont signée, peuvent être perçues comme une extension naturelle de la politique menée par l’Union européenne. De l’autre, ces événements témoignent de la volonté de Berlin de ne pas confier exclusivement à Bruxelles la gestion de ses relations avec le Caucase du Sud, mais de bâtir, sur une base bilatérale, des liens pragmatiques avec les États de la région.
Dans ce contexte, on observe que Merz s’efforce d’éviter toute formulation susceptible de présenter l’Allemagne sous un prisme trop arménocentrique. Ainsi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre arménien, le chancelier allemand a notamment déclaré que le paraphe du projet d’accord de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie avait ouvert à Erevan une réelle perspective sur la voie européenne.
Derrière cette remarque en apparence anodine se cache une vérité difficile à ignorer : l’occupation par l’Arménie, durant de longues années, de territoires azerbaïdjanais, ainsi que les tentatives d’Erevan, après sa défaite lors de la guerre des 44 jours, de raviver la question du Karabakh, ont freiné le développement du pays et compromis ses chances de nouer des relations pleinement constructives avec les États de la région comme avec le reste du monde. Les propos de Merz laissent également entendre que le règlement avec l’Azerbaïdjan permet à l’Arménie de sortir de la logique d’un conflit instrumentalisé, de renforcer sa présence internationale et, par conséquent, de négocier dans de meilleures conditions avec les différents centres de pouvoir. À un niveau plus profond, ses mots peuvent être interprétés comme une critique implicite de certains responsables européens dont la posture partiale à l’égard de l’Azerbaïdjan – et leur volonté de bloquer un règlement juste – n’a, en réalité, nullement servi les intérêts de l’Arménie.
Un autre événement important mérite d’être rappelé. À la veille de la visite de Pachinian à Berlin, le chancelier Merz a téléphoné au président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Le simple fait que l’initiative de cet entretien soit venue de la partie allemande, et qu’il ait eu lieu juste avant la réception du dirigeant arménien, traduit une attitude particulièrement respectueuse de Berlin envers Bakou. Il est clair que Merz a jugé nécessaire d’aborder avec Ilham Aliyev un ensemble de questions d’intérêt commun pour l’Allemagne, l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
Cet appel téléphonique constitue un signal notable : l’Allemagne montre un intérêt grandissant pour un approfondissement de sa coopération avec Bakou. On y décèle un calcul stratégique : la volonté de Berlin de s’ancrer dans la nouvelle architecture régionale des communications et de la sécurité énergétique, dans laquelle l’Azerbaïdjan joue un rôle central.
Le précédent gouvernement allemand, dirigé par Olaf Scholz, ne s’était pas distingué par une approche active, pragmatique et surtout équitable dans ses relations avec l’Azerbaïdjan, se laissant souvent influencer par Paris et Bruxelles. Aujourd’hui, Berlin semble décidé à ne pas laisser passer le moment et à s’orienter vers un modèle de partenariat de plus long terme.
Autrement dit, tout porte à croire que le chancelier Merz reconsidère la politique de son pays dans la région. Il semble vouloir adopter une ligne stratégique plus claire, orientée vers les résultats, tant dans le Caucase du Sud qu’en Asie centrale, conscient du rôle clé joué par l’Azerbaïdjan dans les nouveaux corridors de transit et les routes énergétiques émergentes.