LES DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES ATTEIGNENT UN NOUVEAU RECORD HISTORIQUE
Paris / La Gazette
Les dépenses militaires mondiales ont enregistré en 2023 leur plus forte augmentation annuelle depuis plus d'une décennie, a indiqué lundi un important groupe de réflexion sur les conflits et la défense, alors que les guerres et les tensions croissantes ont alimenté les dépenses dans le monde entier.
Les dépenses totales ont augmenté de près de 7 % entre 2022 et 2023 pour atteindre 2 430 milliards de dollars, soit la plus forte hausse annuelle depuis 2009, selon un nouveau rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
Les dépenses militaires ont augmenté dans le monde entier, avec des hausses particulièrement importantes en Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Océanie, selon le SIPRI.
"Le total des dépenses militaires n'a jamais été aussi élevé... et pour la première fois depuis 2009, nous avons vu les dépenses augmenter dans les cinq régions géographiques", a déclaré Nan Tian, chercheur principal chez le SIPRI, à l'Agence France-Presse (AFP).
La plus forte augmentation depuis 2009 est "un reflet de la détérioration de la paix et de la sécurité dans le monde. Il n'y a vraiment aucune région du monde où les choses se sont améliorées", a ajouté M. Tian.
Les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Inde et l'Arabie saoudite ont été les cinq pays qui ont dépensé le plus d'argent, respectivement.
La poursuite de la guerre en Ukraine a entraîné une augmentation des dépenses de l'Ukraine, de la Russie et de "toute une série" de pays européens, a reconnu M. Tian.
La Russie a augmenté ses dépenses de 24 %, atteignant 109 milliards de dollars en 2023, selon les estimations du SIPRI.
Depuis 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée en Ukraine, les dépenses militaires du pays ont augmenté de 57 %.
Les dépenses militaires de l'Ukraine ont augmenté de 51 %, atteignant 64,8 milliards de dollars, mais le pays a également reçu 35 milliards de dollars d'aide militaire, dont la majorité provient des États-Unis.
"La combinaison de cette aide et des dépenses militaires de l'Ukraine équivaut à environ 91 % des dépenses russes", indique le groupe de réflexion.
M. Tian a noté que si les budgets de Moscou et de Kiev étaient relativement proches en 2023, les dépenses militaires de l'Ukraine représentaient 37 % de son produit intérieur brut (PIB) et 58 % de l'ensemble des dépenses publiques.
En revanche, en Russie, dont l'économie est plus importante, les dépenses militaires ne représentaient que 5,9 % du PIB.
"La marge de manœuvre de l'Ukraine pour augmenter ses dépenses est donc désormais très limitée", a estimé M. Tian.
Selon le SIPRI, les dépenses des pays membres de l'OTAN représentent 55 % des dépenses mondiales.
"Pour les États européens membres de l'OTAN, les deux dernières années de guerre en Ukraine ont fondamentalement changé les perspectives de sécurité", selon Lorenzo Scarazzato, chercheur chez le SIPRI.
"Ce changement dans la perception des menaces se reflète dans la part croissante du PIB consacrée aux dépenses militaires, l'objectif de 2 % fixé par l'OTAN étant de plus en plus considéré comme une base de référence plutôt que comme un seuil à atteindre."
Les États membres de l'OTAN sont censés consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut aux dépenses de défense de l'Alliance.
En Europe, c'est en Pologne que les dépenses militaires ont le plus augmenté, de 75 %, pour atteindre 31,6 milliards de dollars.
L'Allemagne, première économie d'Europe, s'est à nouveau classée au septième rang des pays les plus dépensiers.
"L'Allemagne a souvent été critiquée parce qu'elle n'a pas encore atteint l'objectif de 2 % du PIB au sein de l'OTAN", a évoqué M. Scarazzato.
Les dépenses ont également augmenté au Moyen-Orient, où Israël, deuxième pays le plus dépensier de la région, a vu ses dépenses augmenter de 24 % pour atteindre 27,5 milliards de dollars en 2023, principalement en raison de l'offensive du pays à Gaza en réponse à l'attaque du 7 octobre par le groupe de résistance palestinien Hamas.
L'Arabie saoudite, le pays le plus dépensier du Moyen-Orient, a également augmenté ses dépenses de 4,3 % pour atteindre un montant estimé à 75,8 milliards de dollars.
Les États-Unis, qui dépensent plus pour leur armée que tout autre pays, ont augmenté leurs dépenses de 2,3 % pour atteindre 916 milliards de dollars.
La Chine a augmenté ses dépenses militaires pour la 29e année consécutive, de 6 % supplémentaires, pour atteindre un montant estimé à 296 milliards de dollars.
Le renforcement militaire de Pékin et l'aggravation des tensions dans la région ont incité les pays voisins à consacrer davantage de fonds à leur armée.
Le Japon a dépensé 50,2 milliards de dollars l'année dernière et Taïwan 16,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 11 % pour les deux pays.
L'Inde, quatrième pays le plus dépensier au monde, a quant à elle augmenté ses dépenses de 4,3 % pour atteindre 83,6 milliards de dollars.
En Amérique centrale et dans les Caraïbes, l'augmentation des dépenses a été motivée par d'autres luttes, telles que la lutte contre le crime organisé.
Ainsi, la République dominicaine a augmenté ses dépenses de 14 % en réponse à l'aggravation de la violence des gangs dans le pays voisin, Haïti, qui s'étendait au-delà de la frontière.
L'Afrique a également vu ses budgets militaires gonfler.
La République démocratique du Congo a plus que doublé ses dépenses (105 %) pour atteindre 794 millions de dollars, soit la plus forte augmentation en pourcentage de tous les pays, alors que les tensions se sont accrues avec le Rwanda voisin.
Avec une augmentation de 78 %, le Sud-Soudan a connu la deuxième plus forte hausse, atteignant 1,1 milliard de dollars.
La guerre en Ukraine étant "loin d'être terminée", ainsi que la situation actuelle au Moyen-Orient et les tensions accrues en Asie, M. Tian a prédit qu'il pensait que les pays allaient probablement continuer à renforcer leurs armées.
