PACHINIAN JOUE DE NOUVEAU LA CARTE D’«ARTSVACHEN» : QUE CACHENT LES MANŒUVRES D’EREVAN
Le processus de délimitation de la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie revient une fois encore au centre de l’attention. Rappelons que, le 7 novembre, dans une interview à l’agence APA, le chef du service de presse du ministère des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan, Aïkhan Hadjizadé, a déclaré que la restitution à l’Azerbaïdjan des villages de Baganis Aïrym, Ashagy Askipara, Kheyrimly et Gyzylgadjily, situés dans le district de Gazakh, constituait un acquis diplomatique important pour le pays. Il a ajouté que le retour des quatre enclaves restantes – trois villages du district de Gazakh et le village de Karki, appartenant au Nakhitchevan – restait au centre des préoccupations de Bakou. « Cette question doit être réglée dans le cadre des commissions de délimitation », a souligné Hadjizadé.
Le 8 novembre, alors que l’Azerbaïdjan célébrait le Jour de la Victoire, Nikol Pachinian a décidé de commenter la situation. Il a déclaré : « À la suite de la délimitation, nous devons récupérer Artsvachen et d’autres territoires souverains de la République d’Arménie occupés. »
Il a ensuite précisé : « Le représentant de l’Arménie, le Premier ministre de l’Arménie, ne peut renoncer à quelque partie que ce soit du territoire souverain de l’Arménie, ni se détourner de l’agenda de restauration de l’intégrité territoriale de l’Arménie. » Il a laissé entendre que cette question devait être réglée dans le cadre du processus de délimitation des frontières. Toutefois, il n’a pas précisé comment, se bornant à mentionner deux scénarios : selon l’un, on rétablit l’appartenance “soviétique” des villages enclavés ; selon l’autre, les villages restent sous le contrôle de ceux qui les détiennent aujourd’hui. Mais, comme Pachinian a dû le reconnaître, aucun accord n’a encore été trouvé sur l’un ou l’autre scénario.
« Artsvachen » est le nom arménien du village de Bashkend, dans le district de Guedabek. Ce village est passé sous contrôle azerbaïdjanais dès août 1992. Théoriquement, le processus de délimitation des frontières devrait mettre un point final à ces différends. Mais dans la pratique, tout est plus complexe, surtout lorsque la délimitation se mêle à l’agitation préélectorale. La position du pays en devient particulièrement embrouillée. Ainsi, le vice-Premier ministre d’Arménie, Mher Grigorian, déclare : « Il n’est pas exclu que nous procédions à une délimitation accélérée de certaines sections afin de contribuer au développement des infrastructures TRIPP. » Pourtant, au Parlement arménien, on dessine un scénario tout autre, bien plus long. Le président de la commission permanente des relations extérieures de l’Assemblée nationale, Sargis Khandanian, a affirmé : « Après l’approbation de tous les protocoles relatifs au processus de délimitation de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, un traité devra être signé, puis soumis à ratification. Les travaux de démarcation de la frontière se dérouleront en premier lieu, puis l’Arménie et l’Azerbaïdjan décideront de la manière dont la question des enclaves sera examinée. Si, dans quelque scénario que ce soit, une décision d’échange territorial entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est prise, un référendum devra obligatoirement être organisé. »
Il apparaît cependant que, en Arménie, on penche clairement vers un échange de territoires, même dans les cercles opposés à Pachinian. Il n’est pas question de restituer le village occupé de Karki, car celui-ci se trouve sur une route importante. Quant à « Artsvachen », on estime à Erevan que « personne n’ira vivre là-bas, entouré de villages azerbaïdjanais ».
La question des enclaves pourrait-elle rester en suspens longtemps ? La question mérite d’être posée. L’expérience d’autres pays montre toutefois que de telles questions « suspendues » peuvent traîner des décennies sans empêcher de bâtir des relations, voire de coopérer dans d’autres domaines.
Mais il existe des « écueils » bien plus sérieux. En Arménie, on continue d’accuser l’Azerbaïdjan d’une « occupation » mythique d’un prétendu territoire souverain arménien près de la ville de Djermouk (nom historique – Istisu, Eau chaude) lors des affrontements frontaliers provoqués par l’Arménie. Et, semble-t-il, c’est précisément à cela que N. Pachinian faisait allusion. Reste que la question de savoir si ces territoires sont réellement « souverainement arméniens » est très discutable. Déjà à l’époque de l’URSS, lorsque les frontières n’étaient pas matérialisées sur le terrain, la RSS d’Arménie procédait à une appropriation systématique de territoires azerbaïdjanais. Et si cela était plus difficile avec les villages, la prise de pâturages et de terres « non utilisées » avançait, elle, très activement.
Pendant l’occupation des territoires azerbaïdjanais, on se souciait encore moins de la frontière. Aujourd’hui, ces territoires doivent être restitués. Il suffit de se rappeler la première expérience de délimitation sous contrôle russe, près du point où se rejoignent les frontières de l’Azerbaïdjan, de l’Iran et de l’Arménie : là, à la suite de la délimitation, l’Azerbaïdjan a récupéré la moitié du village de Chournoukh, des hauteurs stratégiques et une section de la route Erevan–Meghri dans le district de Goubadly… Il n’est pas difficile d’imaginer qu’ailleurs sur la frontière, la situation soit similaire. Et l’Azerbaïdjan maîtrise parfaitement le travail cartographique. Si l’Arménie, comme le laissent entendre certaines allusions, exige de « restituer » ce qui ne lui appartient pas dans la région du lac Garaguél ou du volcan Benyuk Ichygly, les conséquences pourraient être bien plus dramatiques. Il semble qu’en Arménie, on soit loin d’être prêt à une paix véritable et à l’abandon des revendications territoriales, même à petite échelle.