INFLATION EN AZERBAÏDJAN : PRESSIONS EXTERIEURES, STABILITE INTERIEURE
Analyse
Depuis le début de l’année 2025, l’économie mondiale traverse une zone de turbulences, marquée par l’intensification des tensions commerciales entre grandes puissances, la baisse de la production industrielle dans plusieurs pays et une dégradation générale des indicateurs macroéconomiques. L’Azerbaïdjan, intégré aux chaînes du commerce international, n’échappe pas à ces chocs : l’inflation importée exerce une pression croissante sur les prix, tandis que les experts de la banque ING anticipent une hausse de l’inflation dans le pays. Pourtant, les signaux en provenance de la Banque centrale d’Azerbaïdjan (BCA) et des grandes agences de notation restent largement optimistes pour l’année à venir.
Une conjoncture mondiale défavorable : ralentissement et incertitudes
L’environnement macroéconomique mondial demeure instable. Depuis les crises de 2022–2023, les banques centrales occidentales ont renforcé leurs politiques monétaires afin de combattre l’inflation, provoquant un ralentissement marqué de l’activité économique.
Conséquence : une croissance mondiale affaiblie, qui devrait atteindre seulement 3,1 % en 2026, selon les dernières projections du FMI — loin de la moyenne de long terme (3,7 %).
Cette atonie économique affecte les prix du pétrole et du gaz, principaux produits d’exportation de l’Azerbaïdjan. Le FMI prévoit ainsi une croissance modérée du PIB azéri, autour de 2,5 % par an à moyen terme, avec un ralentissement attendu dès 2025 à 3 %, en raison de la baisse progressive des investissements publics dans le secteur énergétique.
La montée en puissance du secteur non pétrolier
Malgré ces vents contraires, l’économie azerbaïdjanaise montre une remarquable capacité de résistance. Grâce aux réformes structurelles des dernières années, le secteur non pétrolier est devenu le véritable moteur de la croissance.
Selon le ministre de l’Économie, Mikayil Jabbarov : « Le taux de croissance moyen du PIB pour 2022–2025 devrait atteindre 3,3 %, entièrement porté par la progression du secteur non pétrolier, dont la croissance moyenne est estimée à 6,1 %, dépassant les objectifs de la stratégie socio-économique 2022–2026. »
Cette diversification favorise aussi une forme d’import-substitution, qui limite les effets négatifs de l’inflation importée.
Une inflation qui accélère, mais demeure sous contrôle
Au premier semestre 2025, l’inflation en Azerbaïdjan s’est accélérée, passant de 0,7 % en 2024 à 5,9 % en juin 2025, en raison notamment :
- de la hausse des prix des biens importés,
- de l’ajustement des tarifs réglementés,
- d’une augmentation de la consommation des ménages et de l’État.
Malgré cela, le FMI juge l’inflation « maîtrisée », et conforme à la **cible de la Banque centrale (4 ± 2 %)».
Pour 2025–2026, les prévisions convergent :
- FMI : 5,7 % en 2025 → 4,5 % en 2026
- Ministère de l’Économie : 5,4 % en 2025 → 4,8 % en 2026
- BCA : 6 % pour 2025
- BCA (prévision interne) : 5,7 % pour 2026
Le gouverneur Taleh Kazimov a souligné que la Banque centrale maintiendra une politique monétaire rigoureuse afin de stabiliser les prix, tout en préservant la stabilité du taux de change, pilier de la stabilité économique.
Le rôle décisif du taux de change et de la balance extérieure
Le principal risque externe demeure l’inflation importée, qui représente près des deux tiers de la hausse globale des prix.
La stabilité du manat joue donc un rôle crucial :
- le taux de change dollar/manat est inchangé depuis huit ans,
- l’offre de devises est restée supérieure à la demande en 2025,
- la balance courante devrait rester excédentaire.
Ces éléments renforcent la résilience de l’économie face aux chocs internationaux.
Quel rôle pour la politique monétaire en 2026 ?
La Banque centrale a maintenu son taux directeur à 7 % fin octobre 2025. Toutefois, ING Group anticipe une hausse progressive jusqu’à :
- 7,25 % fin 2025
- 7,5 % puis 8 % en 2026
- jusqu’à 11 % début 2027
Ces projections apparaissent toutefois difficiles à concilier avec les attentes des institutions internationales, qui prévoient une inflation bien plus modérée:
- Banque mondiale : 2,3 % en 2025 et 2026
- Banque asiatique de développement : 4,2 % (2025) et 3,5 % (2026)
- S&P & Moody’s : environ 3–4 %
- Fitch Ratings : 5,3 % (2025) et 4,6 % (2026)
Les estimations d’ING semblent donc plus prudentes, voire pessimistes, par rapport au consensus international.
Une inflation importée, une réponse locale maîtrisée
Malgré les tensions économiques mondiales et la hausse de l’inflation importée, l’Azerbaïdjan dispose de solides amortisseurs :
- diversification réussie de l’économie,
- stabilité monétaire et du taux de change,
- gestion rigoureuse de la demande interne,
- coordination étroite entre politique budgétaire et politique monétaire.
Si les incertitudes globales persistent, les perspectives pour 2026 restent globalement favorables, avec un retour attendu de l’inflation dans la fourchette cible et une économie en voie de consolidation.
En d’autres termes, le pays affronte la tempête mondiale sans perdre l’équilibre, grâce à une stratégie combinant prudence monétaire, discipline budgétaire et transformation structurelle.