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SANS BAKOU, LA STRATÉGİE AMÉRİCAİNE EN ASİE CENTRALE RESTERA DÉCLARATİVE – UN REGARD AMERICAIN

18 Novembre 2025 15:30 (UTC+01:00)
SANS BAKOU, LA STRATÉGİE AMÉRİCAİNE EN ASİE CENTRALE RESTERA DÉCLARATİVE – UN REGARD AMERICAIN
SANS BAKOU, LA STRATÉGİE AMÉRİCAİNE EN ASİE CENTRALE RESTERA DÉCLARATİVE – UN REGARD AMERICAIN

Paris / La Gazette

Sans Bakou, la stratégie américaine en Asie centrale restera déclarative

Dans le contexte de la récente rencontre au format C5+1 qui s’est tenue à Washington, l’intérêt pour une éventuelle inclusion de l’Azerbaïdjan dans ce format reflète moins un souhait tactique d’experts qu’une transformation profonde de l’architecture régionale. Dans cette nouvelle configuration, l’interaction entre l’Occident et l’Asie centrale cesse progressivement d’être bipolaire et commence à s’articuler autour de réseaux de transport, d’énergie et de relations politiques plus complexes.

C’est ce qu’a déclaré dans un entretien accordé à Day.az la juriste, analyste et défenseuse des droits humains américaine Irina Zuckerman.

L’Azerbaïdjan s’est retrouvé au cœur de ces processus, car sa position géopolitique et son potentiel infrastructurel offrent aux régions eurasiatiques ce qui leur manquait depuis longtemps : un corridor stable, prévisible et politiquement indépendant reliant l’Asie centrale au marché européen. L’absence de l’Azerbaïdjan dans ce format donne une impression d’incomplétude, car le dialogue sur la sécurité, l’énergie et le transit en Asie centrale se retrouve détaché du maillon essentiel de toute la chaîne.

Pour les États d’Asie centrale, l’Azerbaïdjan est depuis longtemps la clé permettant de sortir d’une dépendance structurelle envers deux géants : la Russie et la Chine. Les livraisons d’énergie, l’accès au marché européen, l’accès aux infrastructures portuaires et la possibilité de créer leurs propres routes — et non des itinéraires imposés de l’extérieur — passent précisément par le nœud de Bakou. Lorsque les experts soulignent l’importance de la participation de l’Azerbaïdjan au C5+1, ils veulent dire que l’Occident et l’Asie centrale discutent de l’avenir de l’intégration régionale sans le pays à travers lequel cette intégration se réalise concrètement. Résultat : un décalage stratégique entre la carte réelle des communications et l’architecture diplomatique officielle.

Le facteur azerbaïdjanais en Asie centrale : la stratégie du Président Ilham Aliyev

Du point de vue occidental, le rôle de l’Azerbaïdjan s’est particulièrement accru après les bouleversements énergétiques et logistiques mondiaux de ces dernières années. L’Europe a dû réorganiser en profondeur son équilibre énergétique et chercher des alternatives à ses sources traditionnelles. Bakou est alors devenue la seule entité capable non seulement d’augmenter ses livraisons de gaz et de pétrole, mais aussi d’assurer des solutions de transport stabilisant la région. L’Azerbaïdjan n’est pas pour l’Occident un objet de dépendance, comme les États du Golfe, et n’est pas sous l’influence des rivaux de l’Europe, comme de nombreux autres centres énergétiques. Cela rend son partenariat avec l’Occident plus égal, plus dynamique et stratégiquement plus flexible.

L'importance de l’Azerbaïdjan pour l’Asie centrale ne tient pas uniquement aux artères énergétiques, mais aussi au développement du Corridor médian. La route de transport internationale transcaspienne — incluant les ports d’Aktaou et de Kouryk au Kazakhstan et celui d’Alat à Bakou — est devenue la seule voie reliant l’Asie centrale à l’Europe sans passer par le territoire russe ni tomber sous contrôle chinois. Grâce à l’Azerbaïdjan, cette route n’est plus une simple ligne de transport, mais un projet politico-économique autonome capable de modifier l’équilibre des influences en Eurasie. C’est exactement ce que recherche l’Occident, mais sans Bakou cette recherche reste théorique.

Pour l’Asie centrale elle-même, l’absence de l’Azerbaïdjan dans les discussions C5+1 signifie une occasion manquée d’élaborer une position concertée sur les tarifs de transit, les quotas énergétiques, les standards numériques et ferroviaires, ainsi que sur la sécurité des communications caspiennes. À une époque où chaque État d’Asie centrale cherche à réduire sa vulnérabilité aux pressions extérieures et à ouvrir de nouveaux marchés, les décisions communes butent inévitablement sur la nécessité de se coordonner avec Bakou. Sans l’Azerbaïdjan, le débat sur l’avenir régional devient théorique plutôt que pratique.

L’Azerbaïdjan proposé pour inclusion dans le format C5+1

Pour Washington, la participation de l’Azerbaïdjan à ce type de formats revêt une importance particulière. Bakou est capable de maintenir la connectivité régionale là où les États-Unis ne disposent pas d’instruments d’influence directe. L’Asie centrale est un espace complexe dans lequel les capacités économiques, diplomatiques et militaires américaines sont limitées par la distance, l’absence de bases, la concurrence chinoise et des réseaux russes résistants. L’Azerbaïdjan peut servir de médiateur, de garant et de coordinateur pour des projets que les États-Unis ne peuvent porter directement. Une telle architecture rend leur stratégie dans la région plus concrète que déclarative.

Il ne faut pas oublier l’aspect politique. L’Azerbaïdjan est devenu l’un des rares États capables de dialoguer à la fois avec Ankara et Téhéran, tout en entretenant des relations de travail avec Moscou sans tomber sous son influence. L’Asie centrale observe cet équilibre et y voit un modèle lui permettant de ne pas se dissoudre dans l’orbite des grandes puissances. La présence de l’Azerbaïdjan dans le C5+1 offrirait aux pays de la région un exemple de la manière dont un État de taille moyenne peut transformer le multivectorisme en un instrument de force plutôt que de faiblesse. L’absence de Bakou prive le format d’un symbole politique important.

Le rôle de l’Azerbaïdjan se renforce également parce qu’il devient un acteur clé à l’intersection de plusieurs zones de conflit : le Caucase du Sud, la mer Caspienne, le Moyen-Orient et la région de la mer Noire. Pour l’Asie centrale, cela importe car la stabilité du transit et de l’énergie dépend de la capacité de l’Azerbaïdjan à maintenir son équilibre interne, à développer les routes de transport et à empêcher les forces extérieures de perturber la connectivité caspienne. Les États d’Asie centrale comprennent que sans Bakou, leurs propres voies vers l’Occident deviennent soit coûteuses, soit vulnérables.

L’Azerbaïdjan et l’Asie centrale forment un nouveau centre de pouvoir — article dans The National Interest

Un autre aspect tient au rôle de Bakou comme pont politique et logistique entre la Turquie et l’Asie centrale. Ankara promeut activement l’idée d’une intégration turcique, et quelle que soit l’évaluation politique de cette stratégie, l’Occident comprend qu’elle crée des canaux supplémentaires de résilience et de communication dans la région. L’Azerbaïdjan y occupe un rôle unique : il relie le monde turcique à l’espace européen sans transformer cette intégration en outil de confrontation. Pour l’Asie centrale, un dialogue conjoint avec l’Occident sans Bakou apparaît incomplet.

L’intérêt pour l’Azerbaïdjan s’explique aussi par son modèle de politique étrangère qui combine pragmatisme, fermeté et prévisibilité. Bakou ne fonctionne pas selon une logique de blocs, ce qui en fait un partenaire précieux pour les États d’Asie centrale, soucieux de préserver leur liberté de manœuvre entre la Russie, la Chine, la Turquie, l’Iran et l’Occident. L’intégration de l’Azerbaïdjan dans le C5+1 renforcerait la capacité de ces pays à discuter de projets communs sans entrer dans des alliances rigides, tout en formant une coordination pratique.

Enfin, la participation de l’Azerbaïdjan à ce type de rencontres renforce le format C5+1 lui-même. Elle le transforme d’un dialogue classique entre une puissance extérieure et cinq capitales nationales en un modèle d’interaction régionale plus large, fondé sur des intérêts communs plutôt que sur une hiérarchie. L’Asie centrale trouve en l’Azerbaïdjan un partenaire capable de mettre en œuvre concrètement les accords, et l’Occident obtient un État capable de relier trois espaces clés — l’Europe de l’Est, le Caucase du Sud et l’Asie centrale — en un réseau unifié.

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