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JAVID VELIYEV : « CELA PROVOQUERA UN CERTAIN INCONFORT A LA RUSSIE, MAIS LES TEMPS ONT CHANGE »

31 Octobre 2025 16:15 (UTC+01:00)
JAVID VELIYEV : « CELA PROVOQUERA UN CERTAIN INCONFORT A LA RUSSIE, MAIS LES TEMPS ONT CHANGE »
JAVID VELIYEV : « CELA PROVOQUERA UN CERTAIN INCONFORT A LA RUSSIE, MAIS LES TEMPS ONT CHANGE »

Dans un entretien accordé au média Minval Politika, Javid Veliyev, membre du conseil d’administration du Centre d’analyse des relations internationales (AIR Center) d’Azerbaïdjan, a analysé la montée en puissance de la présence américaine dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, ainsi que les réactions de la Russie et de la Chine face à ces changements géopolitiques.

Les États-Unis reviennent dans le jeu régional

Selon Javid Veliyev, les États-Unis semblent décidés à renforcer leur ancrage dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, après une période de retrait et d’influence limitée sous l’administration Biden.

« Sous Joe Biden, Washington a montré une certaine faiblesse dans ces régions. Les résultats ont été globalement négatifs, notamment dans le cadre des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie », explique-t-il.

Le chercheur estime que l’administration actuelle, dirigée par Donald Trump, adopte une approche bien plus pragmatique et active. Il cite comme exemple la médiation américaine dans le processus de paix entre Bakou et Erevan, saluant un rôle « constructif » du président Trump.

Veliyev suggère également que l’abrogation de l’amendement 907 (limitant l’aide américaine à l’Azerbaïdjan depuis les années 1990) ou la préparation d’un partenariat stratégique bilatéral constitueraient un signal fort du changement d’attitude de Washington.

Il rappelle que les États-Unis cherchent désormais à renforcer leur coopération structurelle avec les États d’Asie centrale à travers le format C5+1, tout en s’appuyant sur la France et l’Union européenne pour consolider leur présence économique et sécuritaire.

Un équilibre fragile entre Washington, Moscou et Pékin

L’expert souligne que ce retour américain n’est pas sans conséquence pour la Russie.

« Le renforcement des positions américaines dans la région provoquera inévitablement un certain inconfort à Moscou. Mais il faut reconnaître que les temps ont changé. Les États de la région ont désormais leurs propres positions et stratégies indépendantes », affirme-t-il.

Selon Veliyev, les pays d’Asie centrale cherchent aujourd’hui à renforcer leur souveraineté et leur autonomie stratégique, en évitant de retomber sous la dépendance d’un seul pôle d’influence — qu’il soit russe, américain ou chinois.

Concernant la Chine, il estime que Pékin conserve une influence économique et politique majeure, mais que la montée de la rivalité sino-américaine crée de nouvelles opportunités pour les pays de la région.

« La compétition entre les États-Unis et la Chine offre aux pays d’Asie centrale la possibilité de diversifier leurs partenariats et de tirer parti des deux puissances », explique-t-il.

Le Caucase du Sud : un nouvel équilibre en formation

Sur le plan caucasien, Veliyev observe que le rapport de force s’est profondément transformé. La Russie, affaiblie par la guerre en Ukraine et son isolement diplomatique, a vu son influence diminuer.

« Bakou et Erevan dialoguent désormais directement avec Washington, tandis que la Géorgie semble plus isolée », note-t-il.

Selon lui, la Géorgie conserve cependant une importance stratégique majeure pour Moscou :

« Tbilissi reste la porte d’entrée du Caucase du Sud. Si la normalisation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie se concrétise, le rôle de la Géorgie dans les calculs russes pourrait évoluer. »

L’Arménie, entre rhétorique et réalité

Interrogé sur les récentes déclarations du Premier ministre arménien Nikol Pachinian, qui évoque une ère de paix avec Bakou, Javid Veliyev reste prudent :

« Il ne faut pas croire à la neutralité de l’Arménie. Pachinian est resté le même homme politique, seules les circonstances ont changé. »

Selon lui, Erevan avait espéré un changement géopolitique favorable, mais c’est l’Azerbaïdjan qui a su tirer parti de la nouvelle réalité régionale.

« Aujourd’hui, c’est Bakou qui fixe le cadre des discussions — qu’il s’agisse de la paix, des communications ou des frontières », souligne-t-il.

L’analyste conclut en estimant que le processus de normalisation, amorcé lors du sommet de Washington du 8 août 2025, est sur la bonne voie :

« Les relations entre Bakou et Erevan avancent progressivement, pas à pas. L’Arménie n’a tout simplement plus d’autre choix. »

Analyse : un basculement géopolitique durable

Les propos de Javid Veliyev illustrent un changement d’équilibre géopolitique dans l’espace post-soviétique.

Le Caucase du Sud et l’Asie centrale, longtemps perçus comme la « périphérie » des grandes puissances, deviennent aujourd’hui un espace de compétition mondiale où les acteurs régionaux gagnent en autonomie.

Le message est clair : le temps des sphères d’influence unilatérales est révolu. Les États du Caucase et d’Asie centrale entendent désormais jouer leur propre partition — entre Washington, Moscou, Pékin… et Bakou.

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