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LES RELATIONS AZERBAÏDJANO-KAZAKHES : ENERGIE, LOGISTIQUE ET LA CARTE GEOPOLITIQUE D’UN AVENIR COMMUN

27 Octobre 2025 13:42 (UTC+01:00)
LES RELATIONS AZERBAÏDJANO-KAZAKHES : ENERGIE, LOGISTIQUE ET LA CARTE GEOPOLITIQUE D’UN AVENIR COMMUN
LES RELATIONS AZERBAÏDJANO-KAZAKHES : ENERGIE, LOGISTIQUE ET LA CARTE GEOPOLITIQUE D’UN AVENIR COMMUN

Le voyage d’État du Président Ilham Aliyev au Kazakhstan ne doit pas être perçu comme une simple étape dans les relations bilatérales entre Bakou et Astana, mais comme un événement stratégique majeur pour toute la région.

Le dialogue entre les deux pays a acquis ces dernières années une profondeur nouvelle, fondée sur quatre axes principaux : la sécurité énergétique, les corridors logistiques et de transport, les flux d’investissements et la stabilité régionale.

L’énergie : un pont stratégique entre la Caspienne et l’Ouest

Jusqu’à récemment, le pétrole kazakh était exporté principalement via la Russie, par le port de Novorossisk. Cependant, les récents bouleversements géopolitiques ont incité Astana à rechercher des itinéraires alternatifs, et l’Azerbaïdjan s’impose désormais comme le principal pont énergétique du Kazakhstan.

Au premier semestre 2025, le volume de pétrole kazakh transporté par l’oléoduc Bakou–Tbilissi–Ceyhan (BTC) a atteint près de 150 000 barils par jour, soit plus du double de 2023. À la suite des négociations entre SOCAR et KazMunayGaz, d’importants progrès ont été réalisés concernant l’exploitation conjointe du champ pétrolier Dunga, dont le pétrole léger à faible teneur en soufre est très recherché sur les marchés mondiaux.

Le ministre kazakh de l’Énergie, Almasadam Satkaliyev, a annoncé que le volume d’exportation via Bakou atteindrait 4 millions de tonnes par an.
De son côté, SOCAR a alloué des capacités supplémentaires pour le transport du brut kazakh dans le système BTC, qui devient une alternative sûre face aux risques accrus en mer Noire.

L’expérience de SOCAR dans le raffinage et la logistique, notamment grâce au Corridor Gazier du Sud, renforce la valeur du partenariat. En retour, KazMunayGaz coopère avec Bakou dans le domaine de l’exploration géologique et des technologies offshore en mer Caspienne.

Le corridor transcaspien : au cœur de la connectivité eurasiatique

Bakou et Astana ne coopèrent pas uniquement dans l’énergie : leur synchronisation stratégique s’étend à la politique de transit.
Le corridor du Milieu (ou corridor international transcaspien) est désormais plus qu’un simple projet d’infrastructure — c’est un pôle d’attraction économique et politique au cœur de l’Eurasie.

Le commerce bilatéral connaît une croissance rapide : s’il s’élevait à 600 millions de dollars en 2024, il a déjà atteint près de 800 millions au premier semestre 2025. La hausse provient principalement des secteurs non pétroliers — métallurgie, agriculture et logistique.

Une intégration énergétique et technologique

Dans les années 1990, la région était perçue comme un simple « réservoir d’énergie ». Aujourd’hui, elle devient une plateforme d’intégration énergétique et technologique, où Bakou et Astana jouent un rôle moteur.
Outre les liens linguistiques et culturels, les deux pays partagent un modèle de modernisation équilibré et une diplomatie pragmatique centrée sur la défense de leurs intérêts nationaux dans un contexte mondial concurrentiel.

L’Azerbaïdjan, intégré aux marchés européens de l’énergie et membre du Conseil de l’Europe, agit comme un pont eurasiatique vers l’Occident, tandis que le Kazakhstan représente la porte de l’Asie vers l’Europe — un symbiose stratégique naturelle.

Historiquement, la ligne reliant Bakou et Astana suit la trace de la Grande Route de la Soie. Aujourd’hui, ce lien se matérialise dans des projets modernes tels que le Digital Silk Way, la liaison fibre optique transcaspienne et le Corridor du Zanguezour.

Coopération en matière de sécurité

L’été 2025 a marqué une étape supplémentaire avec les exercices militaires conjoints « Birlik-2025 », soulignant que Bakou et Astana sont désormais non seulement des partenaires économiques, mais aussi des acteurs coordonnés en matière de sécurité.

L’alliance des capacités technologiques de défense de l’Azerbaïdjan et des moyens industriels du Kazakhstan pourrait constituer un nouveau pilier de la défense commune au sein de l’Organisation des États turciques.

Le BTC : assurance géopolitique du Kazakhstan

Les deux pays ont convenu à Astana d’augmenter les volumes de pétrole kazakh transitant par le BTC jusqu’à 7 millions de tonnes par an dans les prochaines années-une décision qui représente un tournant stratégique pour la logistique énergétique de la Caspienne.

Pour le Kazakhstan, le BTC n’est pas seulement un itinéraire alternatif, mais aussi une assurance contre les risques géopolitiques en mer Noire.
Au deuxième trimestre 2025, environ 15 % du pétrole kazakh étaient déjà exportés via l’Azerbaïdjan, et cette part devrait atteindre 25 % en 2026.

En juillet 2025, KazMunayGaz a estimé que cette redirection générerait 600 millions de dollars supplémentaires par an pour le budget kazakh.

Une infrastructure prête à croître

En 2023, 30 millions de tonnes de pétrole brut ont été transportées par le BTC, dont la capacité maximale est de 60 millions.
Avec la mise en service par AzerTrans d’un nouveau pipeline de 30 pouces au terminal de Sangachal, le système peut désormais traiter 7 millions de tonnes supplémentaires par an.

Si le pétrole kazakh représente à terme un tiers du volume total, cela permettrait à l’Azerbaïdjan d’économiser environ 150 millions de dollars par an en coûts d’infrastructure, tout en augmentant les revenus de transit pour SOCAR.

Modernisation du transport maritime et nouveaux investissements

Pour réduire les coûts de transit, le fonds souverain kazakh « Samruk-Kazyna » et SOCAR ont signé, le 21 octobre 2025, un accord prévoyant des investissements conjoints dans l’énergie et la logistique.
Les fonds seront utilisés pour moderniser les ports d’Aktau et de Kuryk et renouveler la flotte de ferries de la Caspienne, avec la construction de six nouveaux pétroliers d’une capacité de 700 000 tonnes chacun.

Vers un centre énergétique et logistique caspien

Ces mesures marquent la formation d’un nouveau modèle d’intégration énergétique dans la région caspienne.

Dans ce cadre, l’Azerbaïdjan se transforme en un centre régional du transit de l’énergie et des capitaux — un hub logistique, financier et technologique reliant l’Asie centrale à l’Europe.

En somme, l’axe Bakou–Astana s’impose comme l’un des piliers de la nouvelle architecture énergétique eurasiatique, dessinant une carte géopolitique commune de stabilité et de prospérité partagée.

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