POURQUOI DONALD TRUMP A REUNI LES DIRIGEANTS D’ASIE CENTRALE — ANALYSE D’EXPERTS
Le 6 novembre, Washington a accueilli le deuxième sommet “États-Unis – Asie Centrale” (format C5+1), un événement qui, cette fois, a pris une dimension inédite : pour la première fois, les cinq chefs d’État d’Asie Centrale se sont rendus ensemble à la Maison-Blanche pour s’entretenir avec le président américain Donald Trump.
À l’ordre du jour figuraient trois thèmes majeurs : la logistique, l’énergie et surtout le contrôle stratégique des ressources minérales, un enjeu devenu crucial pour les États-Unis face à la montée en puissance de la Chine.
Une rencontre à forte portée géopolitique
D’après l’analyste kirghiz Mars Sariev, ce sommet marque « un tournant symbolique », révélant le renforcement de l’intérêt stratégique américain pour l’Asie Centrale.
« Le fait que la réunion se tienne à la Maison-Blanche est en soi un signal fort : Washington considère désormais l’Asie Centrale comme une région unifiée, dotée d’un immense potentiel géoéconomique et géopolitique », souligne-t-il.
Selon M. Sariev, les États-Unis ont clairement défini leurs priorités :
- le développement des corridors logistiques,
- l’exploitation des minéraux rares,
- et la coopération énergétique.
Ces axes s’inscrivent dans la stratégie américaine de diversification des approvisionnements mondiaux pour réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine et de la Russie.
« Après le succès du “Corridor de Trump” dans le Caucase du Sud, reliant l’Azerbaïdjan à la Turquie via l’Arménie, Washington tourne désormais son regard vers l’Asie centrale, nouveau maillon de sa stratégie reliant la Chine, le Caucase et l’Europe », ajoute-t-il.
Un format en mutation
Le politologue kazakh Sharip Ishmoukhamedov estime que ce sommet se distingue des précédentes rencontres C5+1 par son ampleur et son indépendance.
« Auparavant, ces dialogues se tenaient entre ministres ou dans le cadre d’organisations internationales. Cette fois, les présidents se sont rendus à Washington uniquement pour rencontrer Trump. Cela illustre une montée en gamme du partenariat », explique-t-il.
Pour les pays d’Asie Centrale, cette rencontre est une opportunité de diversifier leurs relations extérieures et d’atténuer les pressions de la Chine et de la Russie.
Les accords sur les métaux rares, selon lui, répondent à une nécessité économique mais aussi à un choix stratégique : « C’est une coopération qui doit rester équilibrée et fondée sur les prix du marché », insiste Ishmoukhamedov.
Il note également l’introduction d’un volet droits humains dans l’agenda du sommet — une première dans ce format —, signalant un élargissement du dialogue politique.
Vers un partenariat de long terme
L’analyste ouzbek Umid Rajabov, vice-président du Mouvement Yuksalish, souligne que ce sommet illustre une transformation qualitative du format C5+1, qui atteint désormais le niveau présidentiel.
« L’Asie Centrale n’est plus un simple espace entre grandes puissances, mais un acteur à part entière. Le dialogue avec les États-Unis n’est pas un choix de camp, mais une étape logique d’une politique multivectorielle », explique-t-il.
U.Rajabov met l’accent sur des projets concrets :
- investissements américains dans les énergies vertes,
- développement numérique et logistique,
- modernisation du corridor de transport central reliant la région à l’Europe.
Il insiste également sur le capital humain : « L’élargissement des programmes éducatifs et des échanges universitaires est un investissement dans la jeunesse, notre richesse principale. »
L’initiative ouzbèke : un nouveau cadre institutionnel
Le politologue ouzbek Beruniy Alimov, directeur du Centre de formation aux nouveaux médias, estime que la participation du président Chavkat Mirzioïev traduit la volonté de l’Ouzbékistan d’assumer un rôle moteur dans la coopération régionale.
Il rappelle la proposition de Ch. Mirzioïev de créer un secrétariat permanent du C5+1, hébergé à tour de rôle par les pays membres — une initiative qui donnerait au format une structure institutionnelle durable.
Selon Alimov, le sommet ouvre la voie à des mécanismes économiques concrets, tels que :
- · la création d’un Fonds d’investissement pour l’Asie centrale,
- · la mise en place d’un comité sur les minéraux stratégiques et leur transformation.
Ces projets visent à renforcer l’accès de la région aux technologies américaines, aux capitaux et aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
Enfin, il souligne la dimension symbolique de la proposition d’organiser le prochain sommet à Samarcande:
« Ce serait une reconnaissance du rôle croissant de l’Ouzbékistan comme centre diplomatique et économique du continent eurasiatique. »
Un tournant dans les relations États-Unis – Asie Centrale
Pour les observateurs, ce sommet de Washington marque le début d’une nouvelle phase de coopération : l’Asie Centrale devient un partenaire stratégique pour les États-Unis dans les domaines de l’énergie, des transports et de la sécurité économique mondiale.
Son succès, concluent les experts, ne se mesurera pas au nombre de mémorandums signés, mais à l’impact concret sur les 70 millions d’habitants de la région — à travers les investissements, l’innovation et la stabilité durable.