« LA POSİTİON DE PACHİNİAN N’EST PAS MOİNS DİFFİCİLE QUE CELLE DE SADATE APRÈS CAMP DAVİD »
Paris / La Gazette
Analyses d'experts pour caliber.az
Lors de la conférence « Crossroads of Peace: Advancing Regional Connectivity and Cooperation » à Erevan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a exposé la vision de son gouvernement concernant le tracé du futur axe ferroviaire est - ouest. Selon lui, ce dernier devrait relier l’Azerbaïdjan à Meghri, puis au Nakhitchevan avant de rejoindre Yeraskh et, de là, la frontière turque à Akhurik.
« Il ne nous reste qu’une très petite section à restaurer, et nous avons déjà commencé à travailler dessus », a-t-il affirmé, précisant que la construction de la ligne Kars - Dilucu - reliant Kars au Nakhitchevan - avait déjà débuté en Azerbaïdjan.
Pachinian a également souligné que le Washington Peace Summit représentait une occasion unique d’éviter des dépenses colossales : « Le même itinéraire peut être assuré ici, via la direction Akhurik-Yeraskh, et bien sûr, nous travaillons dans cette direction. »
Il a de nouveau insisté sur le rôle déterminant du président américain Donald Trump dans le processus de paix arméno-azerbaïdjanais :
« Notre calendrier est le suivant : d’ici la fin de l’année, nous finaliserons les questions juridiques avec le texte déjà élaboré ; au premier semestre 2026, nous prendrons les décisions découlant de cet accord ; et au second semestre 2026, nous commencerons les travaux de construction. Rien n’empêche la mise en œuvre du projet, puisque toutes les questions litigieuses figurent dans la Déclaration de Washington. Il ne reste qu’à appliquer l’accord. »
Selon le chef du gouvernement, les travaux concrets visant à restaurer la voie ferroviaire dans la région de Zanguezour ne commenceront qu’au second semestre 2026, soit après les prochaines élections législatives en Arménie.
Une question demeure toutefois : que deviendra le projet si les anciennes forces dirigeantes - aujourd’hui dans l’opposition - reviennent au pouvoir en 2026 ? Les revanchistes accepteraient -ils de rétablir la ligne passant par Meghri ?
« Les revanchistes n’ont aucune chance » — Murad Sadaddinov
Le commentateur politique Murad Sadaddinov rappelle qu’après la guerre de 44 jours, malgré la puissance de l’opposition, l’influence de l’Église et le mécontentement des milieux militaires, les adversaires de Pachinian n’ont réussi ni à le vaincre lors des élections ni à le renverser.
« Après cela, quand l’Azerbaïdjan a repris le contrôle de Khankendi et restauré sa souveraineté, ils ont tenté de nouveau de le destituer. Et encore une fois, rien ne s’est passé. Pas la moindre action sérieuse. Comment pourraient-ils renverser Pachinian aujourd’hui ? »
Sadaddinov souligne que le Premier ministre neutralise méthodiquement les menaces internes : opérations contre les hiérarques ecclésiastiques influencés de l’extérieur, purges dans l’armée, dossiers judiciaires visant d’anciens présidents et leurs cercles.
Selon lui, une majorité de la population arménienne continuera de soutenir N. Pachinian, car elle considère que les anciens dirigeants « ont conduit le pays à la ruine et à la guerre », tandis que la politique actuelle apporte l’espoir d’une coexistence pacifique dans le Caucase du Sud.
L’expert rappelle également que l’ouverture de la route et du chemin de fer à travers le Zanguezour intéresse de nombreux acteurs majeurs : États-Unis, Union européenne, Turquie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et Chine.
« Comment un petit pays comme l’Arménie pourrait-il ignorer des forces aussi puissantes ? Parler d’un retour des revanchistes est déconnecté de la réalité. Pachinian remportera les élections, purgera le Parlement, et après cela, la construction commencera. Beaucoup d’anciens dirigeants finiront en prison. C’est ce que nous verrons », conclut-il.
« Le terme “corridor” attise les tensions » — Hmayak Hovhannisyan
Le président de l’Union des politologues d’Arménie, le docteur en sciences politiques Hmayak Hovhannisyan, insiste sur la nécessité pour les médias d’éviter le terme « corridor de Zanguezour », qui selon lui sert la propagande des opposants de N. Pachinian - notamment les partisans de la poursuite du « mouvement du Karabakh ».
Il rappelle que les dirigeants arménien et azerbaïdjanais, sous l’égide du président Donald Trump, se sont entendus sur l’appellation officielle du futur axe : la « Trump Route ».
« Les opposants de Pachinian prétendent que l’usage du mot “corridor” par Bakou renvoie à l’analogie historique du “corridor de Dantzig”, supposant qu’Azerbaïdjan chercherait à provoquer une crise similaire dans le Zanguezour. Ils essaient ainsi de diaboliser les accords de Washington. »
Selon Hovhannisyan, comprendre ce discours est essentiel pour saisir les difficultés internes auxquelles Pachinian est confronté : les critiques des déplacés du Karabakh, le conflit ouvert avec la hiérarchie de l’Église, l’influence de l’oligarque Samvel Karapetyan, ainsi que les tensions avec Moscou.
« La position de Pachinian aujourd’hui n’est pas moins difficile que celle d’Anouar el-Sadate après Camp David. Les mesures sévères qu’il prend pour se protéger en témoignent. Dans ces circonstances, il doit s’appuyer sur ses partenaires — Donald Trump et Ilham Aliyev. »
Hovhannisyan appelle à faire preuve de prudence et de sagesse pour ne pas alimenter les forces cherchant à raviver la guerre psychologique entre les peuples arménien et azerbaïdjanais.
Il relate qu’après une récente intervention télévisée, les commentaires — rouverts exceptionnellement — furent unanimement positifs, signe selon lui que les sociétés des deux pays aspirent à la paix, à la bonne entente et à l’intégration économique.
« Le “Trump Route” est un projet géopolitique majeur reliant l’Europe à l’Asie. Et sa réussite dépendra de nous -Azerbaïdjanais et Arméniens - ensemble », conclut-il.
