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RİZVAN GOUSSEÏNOV : LA TRAGÉDİE DE GARAKEND A DÉTERMİNÉ L’ÉVOLUTİON DU CONFLİT

20 Novembre 2025 19:06 (UTC+01:00)
RİZVAN GOUSSEÏNOV : LA TRAGÉDİE DE GARAKEND A DÉTERMİNÉ L’ÉVOLUTİON  DU CONFLİT
RİZVAN GOUSSEÏNOV : LA TRAGÉDİE DE GARAKEND A DÉTERMİNÉ L’ÉVOLUTİON DU CONFLİT

Aujourd’hui marque le 34ᵉ anniversaire d’une tragédie profondément ancrée dans la mémoire collective de l’Azerbaïdjan. Le 20 novembre 1991, un hélicoptère transportant de hauts responsables, des journalistes et des médiateurs venus de Russie et du Kazakhstan a été abattu dans le ciel au-dessus du village de Garakend. Leur mission était pacifique : apaiser les tensions et tenter d’éviter une nouvelle escalade. Ce jour-là, le monde a perdu 22 personnes, chacune ayant derrière elle un parcours marqué par le service à son pays.

La liste des passagers fut modifiée à la dernière minute : le nom du second secrétaire du Comité central du Parti communiste d’Azerbaïdjan, Viktor Polyanitchko, en fut retiré, tandis que ceux de deux députés azéris furent ajoutés. Cette révision inattendue a encore accentué le caractère dramatique de la tragédie. À ce jour, les responsables n’ont jamais été sanctionnés, et l’affaire de Garakend demeure l’un des épisodes les plus douloureux et controversés de l’histoire du conflit.

Pour Minval Politika, le directeur du Centre d’histoire du Caucase, analyste et historien Rizvan Gousseïnov est revenu en détail sur ces événements, rappelant comment un seul jour a profondément influencé le destin de toute une région.

Un contexte de négociations cruciales

À la veille de la tragédie, des négociations sérieuses étaient en cours pour éviter une escalade du conflit arméno-azerbaïdjanais. « Le Communiqué de Jeleznovodsk avait été préparé et signé. Dans ce cadre, de hauts représentants de la Russie, du Kazakhstan et de l’Azerbaïdjan — alors encore dans la période soviétique, l’URSS n’étant pas dissoute — étaient venus pour mettre en œuvre les accords conclus. Ils devaient se rendre à Khankendi », rappelle Gousseïnov.

L’hélicoptère venant de Bakou avait fait escale à Aghdam pour se ravitailler.

« Il existe toutefois une version, largement partagée, selon laquelle ils auraient pu voler directement vers Khankendi sans s’arrêter », précise l’historien.

À Aghdam, la délégation, composée majoritairement de responsables azéris, fut approchée par des réfugiés de Khodjavend, qui racontèrent les exactions des groupes armés arméniens et leur expulsion forcée quelques jours plus tôt.

« Pour éclaircir la situation sur place, il fut décidé de se rendre à Khodjavend, explique Gousseïnov. L’hélicoptère volait à basse altitude et passait près du village de Garakend lorsqu’il a été abattu par les soi-disant forces d’autodéfense du Karabakh, en réalité des terroristes arméniens. Ils ont tiré avec des armes lourdes et des blindés. Certaines versions évoquent l’usage d’un missile. L’appareil était criblé d’impacts, et une partie de l’équipage était encore en vie avant d’être achevée. »

Selon les conclusions de l’enquête complémentaire, « des blessures par balles ont été retrouvées sur les corps, confirmant un tir intentionnel. Les effets personnels, armes de service et documents ont été pillés avant même l’arrivée des autorités azéries et russes. Comme le souligne l’historien, “l’hélicoptère s’est écrasé alors que certains passagers respiraient encore, mais plusieurs ont ensuite été exécutés”. »

Les boîtes noires furent également endommagées ; leur trace s’est perdue après avoir été envoyées à Moscou.

Un acte prémédité pour faire dérailler la paix

Pour Gousseïnov, cela ne fait aucun doute : « La partie arménienne a agi délibérément. Toute possibilité d’appliquer le Communiqué de Jeleznovodsk a été annihilée : le conflit n’a pas été réglé pacifiquement, les revendications des séparatistes du Karabakh sont restées sans réponse, et la région autonome du Haut-Karabakh est restée sous juridiction azerbaïdjanaise, mais dans un climat encore plus explosif. »

Selon lui, cet acte servait les intérêts de forces influentes, à Moscou comme à Erevan. « Elles avaient intérêt à attiser le conflit. L’hélicoptère transportait des personnalités de haut rang — parmi lesquelles un assistant du secrétaire d’État, le procureur général et des dirigeants du ministère de l’Intérieur. Leur mort a provoqué des manifestations à Bakou et durci la position officielle de l’Azerbaïdjan. C’était une tentative délibérée de torpiller le processus de négociation. »

Une tragédie aux conséquences historiques

« Une partie importante de l’élite dirigeante du pays a péri, et la tragédie de Garakend a largement déterminé l’évolution future du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Ceux qui ont planifié cet attentat connaissaient parfaitement les conséquences. À la veille de l’effondrement de l’URSS, cette attaque a rendu le conflit inévitable et a ouvert la voie à une guerre totale », conclut Gousseïnov.

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