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QUAND LES POLITICIENS FRANÇAIS SUBTILISENT LA CAUSE ARMÉNIENNE POUR LEURS PROPRES INTÉRÊTS

2 Décembre 2021 10:39 (UTC+01:00)
QUAND LES POLITICIENS FRANÇAIS SUBTILISENT LA CAUSE ARMÉNIENNE POUR LEURS PROPRES INTÉRÊTS
QUAND LES POLITICIENS FRANÇAIS SUBTILISENT LA CAUSE ARMÉNIENNE POUR LEURS PROPRES INTÉRÊTS

La Gazette /Thomas Rocher – Émile Mila

La vie politique en France mène sa route parfois au gré de la réalité mondiale et contre toute logique lorsque des politiques préfèrent passer leurs propres intérêts contre ceux de la nation.

Ainsi il est de notoriété publique que la quasi-totalité des partis politiques et de ses dirigeants prennent partie en toute circonstance aux côtés de l’Arménie.

Cela a été prouvé lors de la guerre du Karabagh il y a un peu plus d’un an quand l’Azerbaïdjan a récupéré ses territoires alors occupés par l’Arménie depuis trois décennies. Malgré les six résolutions de l’ONU qui reconnaissaient le statut de « territoire occupé », des hommes et des femmes politiques français notamment membres des Républicains (LR) voulaient presque pousser Emmanuel Macron à déclarer la guerre contre l’Azerbaïdjan.

Ce soutien se concrétise d’ailleurs chaque année au mois de janvier lors des dîners organisés par le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) où des centaines de politiques se ruent pour être vus et reconnus. Même si l’édition 2021 a été annulée, la faute au coronavirus, des comptes pro-arméniens avaient listé les invités de « marques » de l’édition 2020.

On pouvait ainsi voir l’ex- président français François Hollande et deux actuelles prétendantes à la présidence de la République, en l’occurrence la maire de Paris Anne Hidalgo et la présidente du Conseil Régional d’île de France Valérie Pécresse et bien-entendu la sénatrice Valérie Boyer qui consacre sa vie politique à la communauté arménienne de France.

D’ailleurs, elle n’avait pas hésité, en dépit du droit international, à présenter un amendement demandant à la France de reconnaître le Haut-Karabagh comme « république indépendante » contre l’avis de l'Exécutif français et de ses engagements envers l'Azerbaïdjan, ainsi que du droit international.

Le Président du Sénat français, Gérard Larcher (LR) s'était entretenu le 22 novembre dernier avec le président de l'Assemblée nationale d'Arménie, Alen Simonian. Les deux parties signaient un « accord de coopération » pour favoriser les échanges entre les collectivités des deux pays, selon Gérard Larcher rapportant l'événement sur Twitter.

Dans le même esprit de contradiction institutionnelle au sein de la république française, le 10 novembre dernier, à l'anniversaire du cessez-le feu signé à Moscou le 10 novembre 2020 par les chefs d'Exécutif arménien, azerbaïdjanais et russe à la suite de la guerre de 44 jours, le président du Sénat français publiait un tweet dans lequel il déclarait que la « résolution appelant à la reconnaissance du Haut-Karabakh devait servir de levier pour négocier une paix durable” au Caucase du Sud, alors qu'il présentait les bourreaux du conflit arméno-azerbaïdjanais comme des victimes et qu'il faisait fi, une fois de plus, des engagements pris par Erevan à travers l'accord de cessez-le feu du 10 novembre précédent, ainsi que de la réalité historique du déplacement forcé de 700 mille Azerbaïdjanais des territoires occupés pendant 30 ans par le colons arméniens et des 250 000 Azéris expulsés d'Arménie, au cours de la première guerre du Karabakh (1988-1994).

À l'issue d'un entretien avec le Président du Sénat français, le ministre des Affaires étrangères d’Arménie déclarait sur Twitter que « Les parties ont souligné la nécessité du retour des prisonniers de guerre arméniens d’Azerbaïdjan ».

Gérard Larcher ne se préoccupait guère des centaines de milliers de mines antipersonnel et anti-char posées par les forces armées arméniennes dans les territoires retournés sous souveraineté azerbaïdjanaise et qui ont fait plus d'une centaine de victimes civiles azerbaïdjanaises en un an.

Soutenir l’Arménie pour exister

En France, on estime à 600 mille le nombre de personnes d’origines arméniennes alors que la communauté franco-turque compte à elle plus de 700 mille âmes. Pourtant, le poids électoral des Arméniens de France pèse beaucoup plus que celui des Franco-turcs du fait que cette dite communauté est d’une part divisée et surtout ne démontre pas un intérêt public pour les élections françaises.

De ce fait, les politiques estiment nécessaire le soutien absolu des réseaux nationalistes arméniens de France pour exister et pour se faire élire. Ainsi, Éric Zemmour, qui a déclaré sa candidature mardi malgré le lancement de sa campagne présidentielle dès l'été dernier, agit selon ce principe et multiplie depuis des années son soutien à l’Arménie chrétienne contre l’Azerbaïdjan musulmane.

Pourtant, il ne s’agit pas d’une guerre de religion puisqu’il faut rappeler qu’Israël, état juif, qui a également le soutien inconditionnel d’Éric Zemmour est aux côtés de l’Azerbaïdjan alors que l’Iran, État musulman, ennemi juré des Occidentaux se tient aux côtés de l’Arménie. Dans une telle situation, réduire ce conflit à une guerre de religion dérange également certains Arméniens de France.

En effet, dans une tribune, intitulée « Contre Éric Zemmour en France comme en Arménie » du 26 novembre dernier, plusieurs personnalités d’origines arméniennes refusent « la récupération de la cause arménienne par Éric Zemmour le raciste ».

La tribune soutien qu’Éric Zemmour adopte des positions dangereuses, notamment sur les questions de la Shoah, l’occupation allemande et la colonisation française.

Parlant de son « son pseudo-soutien à la communauté arménienne de France et aux Arméniens d’Arménie », les signataires de la tribune affirment qu'il ne s’agit en réalité que d'un moyen de « faire parler de lui auprès des populations françaises et/ou franco-arméniennes ».

D’après la tribune, Zemmour prépare « un voyage de nature politique en Arménie du 11 au 15 décembre prochain » alors que « l’Arménie ne présente aucun intérêt pour lui, à part les bénéfices électoraux qu’il va tirer de ce voyage ».

Zemmour et l’identité française

Par ailleurs, la tribune met en évidence les contradictions du futur candidat, qui, pour certains, pourrait détrôner la famille Le Pen qui a construit toute sa notoriété politique en ciblant les immigrés. D’après les signataires, « en 2018, Eric Zemmour s’était réjoui que Shahnough Vahignag Aznavourian, se soit résolu à se rebaptiser Charles Aznavour, afin de pouvoir exister dans un showbiz xénophobe. Traduction, en langue zemmourienne : « Arménien.ne.s, je vous aime, car vous savez renier ce que vous êtes », ironise les signataires.

Refusant la logique de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », les signataires demandent à Zemmour d’arrêter « d’instrumentaliser » la cause arménienne.

Il est évident que cet appel n’empêchera pas Zemmour d’utiliser les arméniens pour arriver à sa fin, mais elle au moins le mérite d’être claire et sincère. Dommage que les signataires ne voient pas les autres politiques qui se servent d’eux pour se faire une place dans la vie politique.

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