LA RUSSIE DEVIENT LE PREMIER PAYS À RECONNAÎTRE LE GOUVERNEMENT TALIBAN EN AFGHANISTAN
Paris / La Gazette
La Russie a officiellement accepté les lettres de créance d'un nouvel ambassadeur afghan, devenant ainsi la première nation à reconnaître l'Émirat islamique d'Afghanistan dirigé par les talibans depuis qu'il a pris le pouvoir il y a près de quatre ans.
Le drapeau de l'Émirat islamique d'Afghanistan — utilisé par le gouvernement taliban — a été hissé au-dessus de l'ambassade afghane à Moscou jeudi, marquant un changement diplomatique significatif. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré vendredi que cette étape "donnerait un élan au développement d'une coopération bilatérale productive", en particulier dans le commerce, les liens économiques et la sécurité régionale, y compris les efforts contre le terrorisme et le trafic de drogue.
"Cette décision audacieuse deviendra un exemple à suivre", a estimé le ministre afghan des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi, en saluant la démarche de Moscou.
"Nous apprécions cette démarche courageuse entreprise par la Russie, et, si Dieu le veut, elle servira également d'exemple pour les autres", a-t-il ajouté.
La décision souligne l'évolution de la position de la Russie envers les talibans, qui ont pris le contrôle de l'Afghanistan en août 2021 à la suite du retrait chaotique des forces dirigées par les États-Unis après deux décennies de guerre. Aucun autre pays, jusqu'à présent, n'a formellement reconnu le gouvernement taliban, qui applique une interprétation stricte de la loi islamique et a imposé de sévères restrictions aux femmes et aux filles en Afghanistan.
M. Muttaqi a décrit la reconnaissance de la Russie comme "une nouvelle phase de relations positives, de respect mutuel et d'engagement constructif".
Depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont interdit aux filles de plus de 12 ans d'aller à l'école et ont restreint le travail de nombreuses femmes. Des restrictions supplémentaires ont été imposées aux femmes concernant leurs déplacements sans tuteurs masculins et le fait de s'exprimer en public, malgré les affirmations des talibans selon lesquelles ils respectent les droits des femmes selon leur interprétation de la loi islamique.
L'engagement de la Russie avec les talibans a évolué au fil des ans. Malgré avoir qualifié le groupe d'organisation terroriste en 2003, Moscou a maintenu des contacts diplomatiques et a accueilli des représentants talibans pour des discussions même avant leur prise de pouvoir en 2021.
En avril, la Russie a retiré les talibans de sa liste d'organisations interdites, et en 2022, elle est devenue le premier pays à signer un accord économique avec le gouvernement taliban pour fournir du pétrole, du gaz et du blé à l'Afghanistan.
Le chef du Kremlin Vladimir Poutine a reconnu le rôle des talibans dans les efforts de lutte contre le terrorisme l'année dernière, reflétant la stratégie régionale plus large de Moscou pour contenir l'instabilité liée à la présence de l'État islamique en Afghanistan, qui pourrait déstabiliser l'Asie centrale et finalement menacer la sécurité sud de la Russie. La stabilité des pays voisins, en particulier le Tadjikistan, qui partage une longue frontière avec l'Afghanistan, reste une préoccupation majeure pour le Kremlin.
