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SÉNAT FRANÇAIS : L’INFÂME RÉSOLUTION

20 Janvier 2024 15:58 (UTC+01:00)
SÉNAT FRANÇAIS : L’INFÂME RÉSOLUTION
SÉNAT FRANÇAIS : L’INFÂME RÉSOLUTION

Paris / La Gazette

Le 17 janvier 2024, le Sénat adoptait une résolution déposée par des sénateurs « Républicains » et socialistes destinée à condamner l’Azerbaïdjan dans son conflit avec l’Arménie, et qui demande la confiscation des avoirs des responsables azerbaïdjanais et un embargo sur les importations de gaz et de pétrole en provenance du pays.

Pourtant, au regard des 4 décisions successives du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Azerbaïdjan n’a fait que mettre fin à une occupation de presque 30 ans. Étonnant de la part d’un pays dont l’un des faits historiques majeurs a été précisément la libération de l’occupation allemande.

Si on observe le déroulé de la journée, comment de pas être saisis de honte ?

Dans la salle où n’était naturellement invité aucun Azerbaïdjanais, étaient présents Hasmik Tolmajyan, ambassadeur d’Arménie et Hovhannes Gevorkyan, représentant permanent des séparatistes arméniens en France, comme s’ils étaient venus contrôler que les débats appuyaient le texte qu’ils semblaient avoir dicté aux sénateurs.

Rien en effet ne tient debout dans cette résolution qui contredit à la fois les lois internationales et les faits.

Un texte qui bafoue le droit international

« Les 19 et 20 septembre 2023, l'Azerbaïdjan a conduit au Haut-Karabagh une nouvelle offensive militaire, en violation du cessez-le-feu conclu le 9 novembre 2020 avec l'Arménie.

Cette intervention militaire au Haut-Karabagh par l'Azerbaïdjan fait suite au blocus imposé depuis plus de 10 mois à la population arménienne du Haut-Karabagh » dit le préambule de la résolution.

Ce qu’il ne dit pas, c’est que, la France a elle-même signé la résolution 822 de l’ONU du 30 avril 1993 qui réaffirmait la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur les territoires occupés et demandait le retrait des forces arméniennes. Les résolutions 853 du 29 juillet 1993, et 874 du 14 octobre 1993 ont réitéré cette demande. En 2008, l’Assemblée Générale de l’ONU adoptait la résolution 62/24338 appelant « à respecter et soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, exige le retrait immédiat, complet et inconditionnel de toutes les forces arméniennes des territoires occupés de la République d’Azerbaïdjan et réaffirme le droit inaliénable des personnes expulsées de ces territoires occupés de retourner chez elle, soulignant la nécessité de créer les conditions propices à son retour. »
Le Parlement Européen a adopté quant à lui plusieurs résolutions (20 mai 2010, 18 avril 2012, 23 octobre 2013 et du 9 juillet 2015, condamnant l’occupation militaire des régions concernées. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), constate, dans son arrêt du 16 juin 2015, l’intervention et la présence illégales, au regard du droit international de l’armée arménienne sur le territoire de l’Azerbaïdjan.

En d’autres termes, le droit international reconnaît que l’ensemble du Karabakh est azerbaïdjanais, et que les opérations militaires, par ailleurs, très ciblées sur les positions militaires, ne sont rien d’autre qu’une guerre de libération mettant fin à une occupation illégale de 30 ans.

Le texte poursuit : « Les quelque 120 000 Arméniens qui vivaient sur ce territoire avant l'agression de l'Azerbaïdjan - dont près de 30 000 enfants - ont été contraints de fuir. Il en résulte une tragédie humanitaire et une véritable épuration ethnique, ainsi que la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères l'a reconnu à son retour d'Arménie, au début du mois d'octobre. »

Ce que le texte ne dit pas, c’est que, d’une part, jamais les autorités azerbaïdjanaises n’ont intimé l’ordre aux populations civiles de quitter le territoire. Au contraire. Leur sécurité a toujours été garantie. La fuite des Arméniens n’était dûe qu’à l’intimidation exercées par les dirigeants séparatistes sur la population arménienne du Karabakh.

En parlant d’épuration ethnique, le texte passe sous silence la seule épuration ethnique de la région : celle dont ont été victimes les Azerbaïdjanais.

En 1987, la République arménienne expulse de son territoire les populations non arméniennes (azéries, russes, juives, etc…). 250 0000 réfugiés sont ainsi jetés sur les routes et rejoignent l’Azerbaïdjan.

Pourquoi a-t-elle fait cela ? L’Arménie avait déjà dans l’idée de réclamer le Haut-Karabakh, une région certes montagneuse, mais surtout riche en mines d’or et en métaux rares. Si elle avait invoqué la présence de 100 000 Arméniens dans la région pour justifier sa demande d’indépendance, comme l’a fait la Russie à l’égard du Donbass en Ukraine, elle risquait de se voir invoquer la même raison concernant les 250 000 azéris, majoritairement concentrés autour de la capitale Erevan. Une fois l’Arménie débarrassée de ses populations « exogènes », le risque était évité.

En 1992, l’Arménie peut ainsi, en toute sécurité, envahir le Karabakh et l’occuper. Rappelons que l’Azerbaïdjan, en raison de la volonté des autorités soviétiques, n’avait pu se constituer une armée solide, à l’inverse de l’Arménie.

Soutenus par l’armée arménienne, les indépendantistes expulsent les habitants non-arméniens de la région, sans que la Russie n’intervienne. 750 000 Azerbaïdjanais du Karabakh deviennent ainsi des déplacés internes, ce qui porte à un million le total des personnes victimes de cette épuration, soit près d’un Azerbaïdjanais sur dix. En 1994, un cessez-le-feu est conclu, qui aboutit à l’occupation, par les troupes arméniennes, du Haut Karabagh et de 7 régions environnantes. Ce cessez-le feu, demandé par la Russie, ayant pour objectif de faire taire les armes avant d’entamer les négociations entre les deux pays. Mais le Haut-Karabagh proclame unilatéralement son indépendance, alors que l’ONU confirme la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur l’ensemble de ces régions.

On remarquera que le texte du Sénat évoque « la garantie du droit au retour des populations arméniennes au Haut-Karabagh », mais reste silencieux sur le droit au retour des populations azeries expulsées d’Arménie en 1987, et n’ont jamais évoqué le droit au retour des Azerbaïdjanais chassés du Karabakh en 1992. Étonnant, non ?

Patrimoine : comment le texte transforme les victimes en coupables

L’exposé des motifs de la résolution ajoute : « Autre indice convergent du funeste dessein génocidaire des autorités azerbaïdjanaises, les multiples atteintes au patrimoine culturel et religieux arménien du Haut-Karabagh : le 9 octobre 2023, lors de la 217e session du Conseil exécutif de l'UNESCO, l'ambassadeur Ter-Stepanyan, alors délégué permanent de la République d'Arménie auprès de l'UNESCO, a déploré la destruction d'une énorme croix érigée sur l'une des collines voisines du village de Dashusen près de Stepanakert, les tentatives de privatisation du monastère arménien du Gandzassar du XIIIe siècle et la décision de rebaptiser l'une des rues de Stepanakert du nom d'Enver Pacha, l'un des principaux auteurs du génocide arménien de 1915. Ces premières mesures hautement symboliques, qui s'ajoutent aux dégradations déjà référencées avant le mois de septembre 2023, attestent de la volonté déterminée de l'Azerbaïdjan de détruire toute trace arménienne dans le Haut-Karabagh. Ce qui constitue un crime contre l'humanité selon le droit international. »

Il s’agit là d’un florilège de contre-vérités qui vaudrait à leurs auteurs, s’il ne s’agissait pas de diplomatie internationale, un procès pour diffamation.

On passera sur le « funeste dessein génocidaire », qui est de la pure sémantique arménienne, en rappelant tout de même que l’Arménie est un pays mono-ethnique (depuis l’épuration de 1987) et possédant une religion d’État, alors que l’Azerbaïdjan est un pays multi-culturel où près de 50 peuples ou religions (y compris aujourd’hui des Arméniens ) vivent ensemble en parfaite harmonie.

Sur les atteintes au patrimoine culturel , le texte est surréaliste. Pendant l’occupation arménienne, les villes de Aghdam, la « Ville blanche », qui possédait un théâtre, un musée, des restaurants connus dans toute l’Union Soviétique, de Fuzuli, et à 80% la ville de Choucha, ancienne « perle du Caucase » ont été entièrement rasées.

Dans le Karabakh occupé, 7 093 établissements publics, 927 bibliothèques, 4.6 millions de volumes de livres et de manuscrits, 6 théâtres, 85 écoles de musique, des milliers d’entreprises industrielles et agricoles ont été détruits, ainsi que 706 monuments historiques et architecturaux, 22 musées, 26 forteresses et murs de forteresses, 57 mosquées, 125 temples et églises, 58 sites archéologiques, 215 monuments naturels, 260 311 hectares de forêt, 163 gisements minéraux. Les lieux de culte musulman qui n’ont pas été démolis ont été transformés étables ou en porcheries.

Au total, le préjudice économique causé à la République d’Azerbaïdjan par les destructions arméniennes dépasse les 60 milliards de dollars US.

Des dizaines d’églises chrétiennes ont été détruites, ou même utilisées comme cible d’entraînement pour l’artillerie arménienne, comme l’église de la Transfiguration, près de Khodjavan.

Depuis le XIXe siècle,, les églises de la très anciennes communautés des chrétiens Oudis, ont été transformées en églises arméniennes. Au cours d’une expédition archéologique au Karabagh entamée en 1918-1919, le scientifique-orientaliste arménien et archéologue Joseph Orbeli a étudié et décrit plus de 1000 inscriptions sur les églises et monastères du Karabagh, en particulier sur le monastère de Gandjasar. Sur la base des résultats de ses recherches, il a publié en 1919 à Petrograd (actuellement Saint-Pétersbourg) le livre intitulé « Inscriptions de Gandjasar et Havotsptuk », dans lequel il reconnaît que ces lieux de cultes ont été maquillés en lieux de culte arméniens. Cette opération de falsification s’est naturellement prolongée et intensifiée après 1992.

Il est à noter que le Sénat français n'a jamais appelé l'Arménie à remplir ses obligations internationales au titre de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et de ses deux protocoles, la Convention de l'UNESCO pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de novembre 16 octobre 1972, et la Déclaration sur la destruction intentionnelle du patrimoine culturel du 17 octobre 2003, sachant que l'Arménie, qui a maintenu les terres azerbaïdjanaises sous occupation depuis près de 30 ans, a violé de manière flagrante ces conventions et cette déclaration.

Qui donc a tenté d’effacer les traces de la présence de l’autre ? Sinon les forces d’occupation arméniennes.

Libérer les criminels de guerre

La résolution appelle également à libérer les personnalités arméniennes « arbitrairement » arrétées au moment de la reprise de Khankendi.
Or ces personnes sont, d’une part les responsables politiques ou militaires de l’occupation, et il est bien normal qu’ils soient traduits en justice, sans préjugés des décisions du tribunal. Le texte cite « l'ancien Président Arayik Haroutiounian, et le ministre d'État, Ruben Vardanyan ». Or ces personnes étaient les dirigeants d’un État illégal, « l’Artsakh », qui n’a même pas été reconnu par l’Arménie elle-même !

Il s’agit, d’autre part, de criminels de guerre, comme Vagif Khachaturyan, le « boucher de Meshali ». Il est l'un des protagonistes du massacre commis en 1991 dans le village de Meshali , dans la région de Khojdaly. A Khodjaly même, dans la nuit du 25 au 26 février 1992, les canons et les chars arméniens soutenus par le 366e régiment de Russie, tirent sur la ville. Puis, des groupes armés entrent et assassinent, égorgent les habitants. Certains survivants, dont des enfants, des femmes et des vieillards tentent de s’échapper par les forêts en passant par les cols enneigés. Gelés et épuisés, ils sont rattrapés, puis tués de sang-froid et avec une cruauté indescriptible par les groupes armés arméniens. Certains près du village de Nakhtchivanli et d’autres dans la plaine d’Askeran.

Il est vrai que ce texte laisse perplexe. Il n’est question que de l’intégrité territoriale de l’Arménie, jamais de celle de l’Azerbaïdjan, pourtant réclamée à de nombreuses reprises par l’ONU. On rappelle que l’armée azerbaïdjanaise n’a jamais pénétré dans le territoire arménien, alors que l’inverse n’est évidemment pas vraie. Ce qui est étonnant, c’est que la résolution cite, en préambule, des articles de lois international, puis s’attache à les contredire tout au long du texte.

Une seule voix contre

La résolution a été adoptée à l’unanimité, sauf une voix. Celle de la sénatrice Natalie Goulet. Pourquoi ? Nathalie Goulet est la seule sénatrice à connaître véritablement l’Azerbaïdjan et à s’y être rendue depuis 2020, contrairement à ses collègues qui se sont contentés de se montrer à Erevan.

« Cette résolution va à l'encontre de la réalité, de la paix, de la stabilité et d'un avenir meilleur pour le Caucase du Sud. Les auteurs de ce document ont totalement oublié l'histoire de l'occupation arménienne », a-t-elle déclaré, soulignant que « la diaspora arménienne en France joue un jeu toxique et très dangereux. » « C'est inutile et contraire à la paix », a-t-elle conclu.

Un Sénat français qui n’est pas en odeur de sainteté

Cette résolution a naturellement provoqué de nombreuses protestations, et une bonne dose d’incompréhension en Azerbaïdjan, où on ne comprend plus grand-chose à la politique discriminatoire et xénophobe, et sa soumission aux lobbys.

Mais en fait qu’est-ce qu’une « résolution » du Sénat. Il s’agit, en en application de l'article 34-1 de la Constitution, de l’expression d’un simple souhait ou d’une préoccupation à caractère général. Elle n’a strictement aucune valeur juridique, ni contraignante. Autrement dit, c’est du vent. Et quand le vent s’échappe de certains organes, cela ne sent pas toujours bon…

Jean-Michel Brun

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