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ÉNERGIE NUCLÉAIRE: L'OUZBÉKISTAN , UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE POUR LA FRANCE EN MATIÈRE DE PRODUCTION D'URANIUM

13 Mars 2023 18:27 (UTC+01:00)
ÉNERGIE NUCLÉAIRE: L'OUZBÉKISTAN , UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE POUR LA FRANCE EN MATIÈRE DE PRODUCTION D'URANIUM
ÉNERGIE NUCLÉAIRE: L'OUZBÉKISTAN , UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE POUR LA FRANCE EN MATIÈRE DE PRODUCTION D'URANIUM

Paris / La Gazette

Le commerce et les voies de transport ont été au centre des discussions du président Shavkat Mirziyoyev, en visite officielle en France les 21 et 22 novembre dernier, après un automne chargé en réunions visant à renforcer les liens entre l'UE et l'Asie centrale.

Le renforcement de l'engagement entre ces régions géographiquement éloignées intervient alors que la guerre menée par la Russie en Ukraine incite les deux parties à rechercher des partenariats plus étroits et de nouvelles routes commerciales.

L'intensification des échanges commerciaux a été l'un des principaux engagements pris lors des discussions entre M. Mirziyoyev et le président français Emmanuel Macron le 22 novembre 2022.

M. Mirziyoyev a consacré une grande partie de sa visite à la promotion des investissements en Ouzbékistan, en présentant son pays comme une opportunité d'investissement stable dans un monde instable.

« Nous nous efforçons de faire en sorte que l'Ouzbékistan soit associé, pour l'investisseur étranger, avant tout à la stabilité et à la prévisibilité », a assuré le président Mirziyoyev aux chefs d'entreprise français.

Parmi les mastodontes de l'industrie française représentés figuraient le constructeur aéronautique Airbus, la société de gestion de l'eau et des déchets Suez, l'entreprise spécialisée dans la construction de matériel roulant Alstom, la société de production d'énergie renouvelable Total Eren, la société publique française de production et de fourniture d'électricité EDF(Électricité de France), la banque d'investissement Natixis et l'expert international du cycle du combustible nucléaire Orano.

Tachkent souhaite tirer parti de la participation de l'Ouzbékistan au système de préférences généralisées de l'UE, qui dispense les membres de payer des droits d'importation.

L'année dernière, l'Ouzbékistan a obtenu le statut SPG+ renforcé, ce qui lui permet d'exporter 6 200 produits en franchise de droits vers l'UE en échange d'engagements en matière de bonne gouvernance et de développement durable.

Tachkent souhaite porter ses exportations vers l'UE à 700 millions de dollars l'année prochaine et doubler le nombre de produits exportés pour atteindre 600, a annoncé le ministre des Affaires étrangères de l'Ouzbékistan, Vladimir Norov, lors de la récente conférence sur la connectivité entre l'UE et l'Asie centrale.

Le total des échanges commerciaux entre l'UE et l'Ouzbékistan s'élevait à 2,8 milliards d'euros en 2021, ce qui est bien inférieur aux 7,5 milliards et 7,4 milliards de dollars que le pays a échangés avec la Russie et la Chine respectivement.

Le bureau de M. Mirziyoyev a avancé un chiffre approximatif de 6 milliards d'euros pour les accords commerciaux signés au cours de sa visite, sans plus de détails.

Pour atteindre les objectifs fixés, il est essentiel de développer d'autres routes commerciales entre l'Asie centrale et l'Europe, maintenant que la route la plus courte, qui passe par la Russie, n'est plus praticable en raison de la guerre en Ukraine.

M. Norov a souligné la nécessité de développer la Route transcaspienne de transport international (TITR), ou « Middle Corridor », qui contourne la Russie et traverse la mer Caspienne. L'UE et les pays d'Asie centrale, dont le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, s'efforcent d'éliminer les goulets d'étranglement, mais cela prendra plusieurs années.

Comme l'a fait remarquer Euromonitor International, un fournisseur d'analyses de marché, dans un récent rapport sur le potentiel commercial de l'UE et de l'Ouzbékistan, « l'absence d'accès maritime et la longue distance physique par rapport aux principaux centres de production de l'UE pourraient être des obstacles qui limitent une partie du potentiel de croissance ».

« C'est pourquoi il est essentiel de développer davantage les liaisons maritimes, terrestres et ferroviaires avec les marchés de l'UE », selon le rapport.

En marge de sa dernière visite à Paris, M. Mirziyoyev a également signé avec l'Agence Française de Développement un accord de coopération triennal (jusqu'en 2025) portant sur des projets dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie, de l'eau, des transports, de la finance et de l'économie verte, d'une valeur totale d'un milliard d'euros.

Les discussions sur éventuelle collaboration avec Orano à propos de la construction d'une centrale nucléaire pour résoudre les pénuries d'énergie rampantes en Ouzbékistan n'ont toutefois pas été révélées.

Emmanuel Macron s'est engagé à moderniser et à développer l'industrie nucléaire du pays dans un revirement politique spectaculaire, revenant sur l'engagement de son prédécesseur de plafonner la part de l'énergie nucléaire alimentant la France à 50 % - contre 70 % actuellement, soit la plus élevée au monde.

Le président français a proposé la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 de conception française, destinés à entrer en service à partir de 2035, avec une option pour huit réacteurs supplémentaires. Le projet de loi vise à rationaliser les processus administratifs et bureaucratiques nécessaires à l'approbation et à la construction de nouvelles centrales. Il supprime également le plafond de 50 % introduit il y a seulement huit ans par l'ancien président François Hollande.

La principale promotrice du projet de loi, Maud Bregeon, membre du parti Renaissance, a déclaré que la législation « permettrait à la France d'atteindre la neutralité carbone » en augmentant la part de l'énergie à faible teneur en carbone dérivée de sources nucléaires. Elle a ajouté qu'elle renforcerait également l'indépendance énergétique du pays, alors que les pays européens s'efforcent de se passer du gaz et du pétrole russes dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Dans un rapport coïncidant avec le début des débats à l'Assemblée nationale, Greenpeace a affirmé samedi que l'industrie nucléaire française était « sous influence russe » en raison de sa dépendance à l'égard des importations d'uranium en provenance de pays de l'ancien bloc soviétique dont les exportations transitent par la Russie.

En 2022, « près de la moitié des importations françaises d'uranium naturel provenaient du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan », a affirmé le groupe de défense de l'environnement, la plupart d'entre elles arrivant au port de Saint-Pétersbourg via l'entreprise nucléaire russe Rosatom, « qui contrôle le transport de toutes les matières liées au nucléaire transitant par le sol russe ». Effectivement, Tachkent a signé un accord avec la société russe Rosatom en 2017, mais pourrait bien finir par chercher d'autres solutions en cas de dommage collatéral entraîné par la guerre de la Russie en Ukraine.

La coopération en matière d'investissement entre l'Ouzbékistan et la France est prometteuse dans de nombreux secteurs de l'économie, en particulier dans les domaines où la France occupe une position de leader dans le monde, par exemple l'ingénierie mécanique, l'énergie, l'industrie chimique, y compris la parfumerie, l'industrie pharmaceutique, l'agriculture, en particulier la viticulture, la production de matériaux de construction, ainsi que le tourisme et la science.

L'Asie centrale a été une source importante d'uranium pour l'ancienne Union soviétique. L'uranium a été exploité pendant plus de 50 ans et du minerai d'uranium a également été importé d'autres pays pour être traité.

L'Ouzbékistan est le cinquième fournisseur mondial d'uranium avec 3 500 tonnes de production, selon la World Nuclear Association. Ce pays a été une source importante d'approvisionnement en uranium russe jusqu'à son indépendance en 1991. Des coentreprises sont actives dans le développement du minerai dans le pays. En décembre 2019, une société baptisée « Nurlikum Mining » a été fondée, dont 51% appartiennent à l'entreprise nucléaire française Orano, et 49% au Comité géologique d'Ouzbékistan. En novembre de l'année dernière, immédiatement après la rencontre des présidents des deux pays, un accord tripartite a été signé entre le Comité d'État de la géologie et des ressources minérales de l'Ouzbékistan, l'entreprise d'État ouzbek « Navoiyuran » et la société française « Orano Mining » sur l'expansion de la coopération dans le domaine de la production et du traitement de l'uranium.

Cet accord serait le fondement d'une « alliance stratégique exclusive » entre les deux pays dans le domaine de l'extraction de l'uranium. Le gouvernement de l'Ouzbékistan prévoit d'augmenter le volume de la production d'uranium dans les années à venir dans le contexte de l'évolution des marchés énergétiques mondiaux.

En résumé, ces dernières années, la coopération commerciale et économique avec la France s'est développée et diversifiée, couvrant de plus en plus de secteurs et d'orientations, mais malgré cela, elle dispose d'un énorme potentiel inexploité.

Les liaisons commerciales vitales, la base de matières premières et le réseau de transport de la France se trouvent le long du Corridor de transport international transcaspien. Il est sans doute temps pour la France de s'intéresser de plus près à la région située à l'Est du Caucase du Sud.

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