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SATTAR BAHLULZADE, LE POÈTE DE LA NATURE

8 Novembre 2021 22:07 (UTC+01:00)
SATTAR BAHLULZADE, LE POÈTE DE LA NATURE
SATTAR BAHLULZADE, LE POÈTE DE LA NATURE

Par Lucie Philip

Sattar Bahlulzade est le créateur d’un mouvement pictural unique et inclassable. Les couleurs claires de ses peintures m’ont rappelé celles utilisées par les peintres impressionnistes français qui cherchaient à peindre la lumière et ses effets sur le paysage. J’ai voulu faire découvrir à la France ce peintre rare pour créer un dialogue entre l’Art, la France et l’Azerbaidjan. Lors de mon séjour à Bakou en septembre 2021 j’ai visité la maison-musée de Sattar Bahlulzade à Amirjan, village situé à quelques kilomètres de Bakou, et j’ai eu l’honneur de rencontrer l’arrière petite nièce du peintre qui m’a fait partager l’amour qu’il avait pour la nature et pour son pays.

Sattar Bahlulzade a consacré sa vie à célébrer les paysages caucasiens d’Azerbaïdjan qu’il regardait avec les yeux d’un enfant émerveillé. Il est né le 15 décembre 1909 et mort le 14 octobre 1974 à Amirjan où il vécut toute sa vie entouré de sa mère et de sa sœur. Dès son plus jeune âge Sattar a développé un amour pour la nature et a commencé à dessiner tout ce qui se présentait à lui. De 1931 à 1933 il a travaillé pour le journal Kommunist en tant que caricaturiste, et de 1927 à 1933 il a étudié à l’école technique pédagogique de Bakou. En 1933 Sattar est entré au département des arts graphiques de l'Institut des arts de Moscou du nom de Surikov. Il a étudié dans les ateliers du célèbre graphiste soviétique Vladimir Favorskiy qui lui a transmis l’essentiel de son art, l’amour du beau. Mais le jeune Bahlulzade fut contraint de rentrer en Azerbaïdjan avant d’avoir obtenu son diplôme à cause de l’invasion de l’armée allemande sur le sol soviétique en juin 1941. Après son retour à Bakou il a commencé à enseigner l’Art plastique, cependant il a vite arrêté son activité de pédagogue car il comprit que peindre la nature lui procurait la plus grande joie. Dans les années 50 l’état azéri proposa a Sattar Bahlulzade d’emménager dans l’appartement d’une résidence de peintres à Bakou mais il refusa rétorquant qu’il se plaisait mieux dans son Amirjan natif. Notre peintre ne s’est jamais marié, il a préféré vivre toute sa vie dans une extrême sobriété et disait que les gens se rappelleraient mieux de ses tableaux que de ses habits.

En 1966 la première exposition personnelle de Bahlulzade eut lieu à Prague. Il s’y rendit accompagné de l’un de ses proches amis, le peintre Torgul Narimanbekov qui vécut à Paris où il mourrut en 2013. Sattar Bahlulzade fut le premier peintre azerbaidjanais dont les peintures furent exposées au-delà de l’Union Soviétique. Après sa mort des expositions furent organisées dans plusieurs villes du monde, à New-York et à Istanbul en 1994, à Londres en 1995, à Bonnes et à Tachkent en 1996. En 2009 une exposition de ses travaux fut organisée par l’UNESCO à Paris. Il est considéré comme l’un des plus grands peintres d’Azerbaïdjan, il a reçu de nombreux prix dont le titre d’artiste de la république soviétique d’Azerbaïdjan en 1960, deux ordres de la bannière rouge du travail et devint le lauréat de la république soviétique d’Azerbaïdjan.

Le réalisme a dominé le travail de Sattar dans les années 40 et 50, mais c’est au cours des dernières années de sa vie que son style s’est pleinement affirmé. Parmi les peintures les plus célèbres citons Les larmes de Kapaze (1965), le paysage représente le lac Goygol situé à l’ouest du pays non loin de Gandja, deuxième plus grande ville du pays après Bakou. Dans le tableau Un soir au bord de la mer Caspienne (1959) Bahlulzade représente l’envol des mouettes avec en arrière-plan les cheminées de raffinement de pétrole. Il trouvait de la poésie dans un paysage industriel mais la nature occupait toujours une place prépondérante. Outre les paysages, les natures mortes font également partie de la production de Sattar Bahlulzade. Sur fond de kialagai bleu, de samovar ou de grenades et d’aubergines, il a peint avec des couleurs éclatantes les éléments traditionnels de la culture azerbaidjanaise. L’une des natures mortes les plus connues s’intitule Nature morte avec un foulard en soie (1973), Kəlağayı ilə natürmort en azéri. Elle met en scène au premier plan du tableau un kialagai bleu, élément esthétique, décoratif et traditionnel de la culture azerbaidjanaise. A l’intérieur du musée national d’art de Bakou se trouve une salle dédiée aux peintures de Sattar Bahlulzade. Quelques-uns de ses tableaux y sont exposés dont Azərbaycan nağılı (1973) qui signifie « conte azéri » en français. La nature y est mise en scène au moment du Novrouz, fête célébrée chaque année autour du 20 mars pour marquer le début du printemps. Cette événement revêt une grande importance en Azerbaidjan où elle est célébrée chaque année dans tout le pays.

Par ailleurs, le musée de la maison du peintre a ouvert ses portes aux visiteurs en 2014. Nous découvrons dans la salle principale le portrait de la mère du peintre, Mənim anam peint entre 1972 et 1973. Dans ce gigantesque portrait occupant près de la moitié du mur, Sattar représente celle qui l’a mis au monde avec un Kialagai sur la tête. Il touche la terre et crée un effet de continuité entre les traditions, la mère et la nature.

Sattar Bahlulzade tenait un journal intime dans lequel il écrivait tous les jours. Il dessinait les esquisses de ses peintures en mélangeant les différentes couleurs entre elles. Il utilisait surtout le bleu clair, couleur prédominante dans toutes ses peintures.

Sattar Bahlulzade a offert à son peuple une vision unique de la nature où s’inscrivent les traditions de l’Azerbaïdjan. Toute sa vie il s’est inspiré des paysages de son pays pour trouver son propre style. Il est le créateur et le prophète d’un impressionnisme oriental aux couleurs suaves. L’impressionnisme azéri revêt des couleurs très douces et une lumière qui ne vient pas seulement du soleil mais des profondeurs de la terre et surtout de nous-même. Grâce à cet immense artiste l’Art ne connait pas de frontières, amour et paix dans le monde passent par la lumière et la poésie de Sattar Bahlulzade.

Lucie Philip, Bakou, 18 septembre 2021.

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