WASHINGTON RENFORCE SA PRÉSENCE DANS LE FORMAT C5+1
Paris / La Gazette
Le format de coopération Asie centrale +1 émerge rapidement comme l’un des principaux instruments de la diplomatie régionale, reflétant l’intérêt croissant des grandes puissances mondiales pour cette région d’une importance stratégique majeure.
En octobre, le sommet Asie centrale + Russie s’est tenu à Douchanbé, et un mois plus tard, les États-Unis organisent une rencontre similaire.
Cette succession d’événements indique que Washington intensifie ses efforts pour renforcer sa position en Asie centrale, cherchant un ancrage stable dans un espace historiquement dominé par Moscou et Pékin.
Pour Astana, la participation au format C5+1 avec les États-Unis revêt une importance particulière.
Le Kazakhstan considère la coopération avec Washington comme une composante stratégique de sa politique visant à renforcer sa souveraineté et à accroître son indépendance économique.
Le sommet avec les États-Unis ouvre la voie à de nouveaux accords d’investissement et à des projets conjoints avec des entreprises américaines, favorisant le développement des infrastructures, de la transformation numérique et de la capacité industrielle du pays.
Lors de la visite du président Kassym-Jomart Tokaïev à New York en septembre 2025, les axes clés de la coopération américano-kazakhe ont été définis.
Aujourd’hui, plus de 630 entreprises américaines opèrent au Kazakhstan, dont Chevron, ExxonMobil, Boeing, Meta, Citibank et Wabtec.
Les partenariats dans le secteur des transports sont particulièrement dynamiques : un accord de 4 milliards de dollars avec Wabtec concerne le développement de matériels ferroviaires et de corridors internationaux.
Le Kazakhstan collabore également avec Boeing, dont les avions constituent la base des flottes d’Air Astana et de SCAT.
Les livraisons prévues dans les années à venir devraient consolider le rôle du Kazakhstan comme plateforme logistique et de transport eurasiatique.
Par ailleurs, les États-Unis ont exprimé leur intérêt pour le développement du Corridor du Milieu, axe clé de diversification du commerce entre l’Asie et l’Europe.
Le secteur minier reste aussi une priorité stratégique.
Le Kazakhstan attire des entreprises mondiales telles que Rio Tinto, Anglo American et Fortescue, tout en développant avec les États-Unis une coopération dans les minéraux critiques : cuivre, lithium, graphite et tungstène.
L’uranium occupe une place particulière dans l’économie du Kazakhstan.
En 2024, la société nationale Kazatomprom a produit 23 270 tonnes d’uranium, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente.
Le pays détient environ 14 % des réserves mondiales et plus de 40 % de la production mondiale, fournissant plus de 24 % des importations américaines.
En 2017, avec le soutien de Washington et de la Nuclear Threat Initiative (NTI), la Banque d’uranium faiblement enrichi de l’AIEA a été créée à Oust-Kamenogorsk, un projet financé à hauteur de près de 50 millions de dollars par les États-Unis.
Contrairement au secteur pétrolier et gazier, dominé par Chevron et ExxonMobil, les entreprises américaines n’ont pas de participation directe dans l’extraction de l’uranium.
La majorité des coentreprises de Kazatomprom ont été formées avec des partenaires français (Orano) et chinois (CGN).
Néanmoins, le croissant intérêt américain pour les investissements conjoints dans la transformation des minéraux critiques reflète la stratégie de Washington visant à renforcer sa sécurité énergétique.
Le Kazakhstan demeure le principal partenaire des États-Unis en Asie centrale, représentant environ 97 % des exportations régionales vers les États-Unis et plus de la moitié du PIB cumulé de la région.
Pour Washington, Astana constitue un pivot stratégique en Eurasie, marqué par la stabilité politique, le potentiel économique et l’accès à des ressources clés.
Pour le Kazakhstan, la coopération avec les États-Unis est une voie vers la modernisation technologique, le développement industriel et la consolidation d’une politique étrangère multivectorielle.
Ainsi, l’intérêt des États-Unis pour le Kazakhstan dépasse le seul aspect économique : il traduit la volonté de Washington d’établir un point d’ancrage au cœur de l’Eurasie.
Pour Astana, cette coopération offre un équilibre entre grandes puissances, tout en renforçant la souveraineté nationale et en stimulant l’économie grâce à l’investissement, la technologie et l’innovation.
Le format C5+1 devient progressivement un mécanisme de rééquilibrage des forces régionales, avec le Kazakhstan au centre du jeu diplomatique.
