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« L´Azerbaïdjan est un État multiculturel, multiconfessionnel, et qui protège les minorités » (Entretien avec Mme Frédérique Dumas, députée de l'Assemblée nationale de la République française)

1 Mars 2021 10:55 (UTC+01:00)
« L´Azerbaïdjan est un État multiculturel, multiconfessionnel, et qui protège les minorités » (Entretien avec Mme Frédérique Dumas, députée de l'Assemblée nationale de la République française)
« L´Azerbaïdjan est un État multiculturel, multiconfessionnel, et qui protège les minorités » (Entretien avec Mme Frédérique Dumas, députée de l'Assemblée nationale de la République française)

Paris / Lagazetteaz

Entretien avec Mme Frédérique Dumas, députée de l'Assemblée nationale de la République française

Comme nous le savons, le Sénat et l’Assemblée nationale ont voté fin novembre et début décembre un texte demandant la reconnaissance de la soi-disant « république autoproclamée du Haut-Karabagh », qui était dénuée de tout fondement. Mais le gouvernement français s’y est opposé. Donc, quelque part, il y a eu une prise de position officielle contre la reconnaissance du Haut Karabagh. Y a-t-il une initiative à l’Assemblée nationale pour adopter des résolutions reflétant les réalités du Karabagh ?

- Tout d’abord ce qui est important de savoir, c’est que même si cette résolution a été votée, elle a été voté quand même par peu de députés. C’est-à-dire que c’est une minorité de députés qui ont voté. Mais comme il y avait une majorité dans la minorité, cette résolution a été adoptée. Ce n’est pas du tout l’ensemble des parlementaires.

Il faut que vous sachiez que les Français connaissent très mal l’Azerbaïdjan. La France connait mal l’Azerbaïdjan. Lorsque le conflit a éclaté, c’était dans un contexte politique bien précis, il y avait un refroidissement très important des relations entre la France et la Turquie et il y avait une problématique autour de la place de l’Islam dans la société française. Donc quand le conflit a éclaté, certains s’en sont saisi, et quelque part l’Azerbaïdjan a été pris en otage. En France nous connaissons mal l’Azerbaïdjan, c’est comme si l’Azerbaïdjan devenait du jour au landemain un pays ennemi pour les Français qui ne le connaissent pourtant pas, parce que du matériel militaire a été acheté à la Turquie par l’Azerbaïdjian. Et pourtant du matériel militaire a aussi été acheté à Israël. Mais c’était inaudible.

À partir du moment où il y a une instrumentalisation du conflit avec la Turquie et la problématique musulmane, les Français ont cru une partie de la communauté arménienne, quand elle s’est saisie de ce sujet, en disant les Arméniens « on est plus proche de vous, on est chrétien, nous sommes en train de subir un nouveau génocide » etc.

Quand vous connaissez mal un pays, qu’une communauté est très présente en France, que nous avons développé des relations très proches et très affectives tout d’un coup, l’ignorance fait que les choses deviennent compliquées. Le gouvernement français a fait une erreur importante, en ne disant rien, en laissant faire; j’ai même eu des auditions en commission des Affaires étrangères du Ministre des Affaires étrangères, qui du fait du conflit avec la Turquie, a évoqué effectivement non une préférence, mais tout de même un accueil favorable à la thèse d’une partie de la communauté arménienne sans explication et sans rééquilibrage.

Donc, cela a pris de l’ampleur et certains ont pensé que c’était effectivement une bonne chose de faire cette résolution en faveur de l’indépendance en pensant sincèrement pour certains protéger les arméniens. Et, quand tout d’un coup le gouvernement français a commencé à dire « attention, il y a des résolutions internationales de l’ONU que la France a signées », c’était trop tard.

Effectivement, le gouvernement a dit qu’il n’était non favorable aux résolutions du Parlement en faveur de l’indépendance et la France a eu un discours d’ouverture et de dialogue, mais très tard. Et en fait c’est très difficile de revenir en arrière psychologiquement, dans votre pays il y a une méfiance maintenant vis-à-vis de la France après cette résolution alors que les Azerbaïdjanais sont francophiles et souvent francophones. Les Français qui ne connaissent pas l’Azerbaïdjan, tout d’un coup ont eu aussi une perception négative, qui a été donnée par certains. Donc je trouve que c’est pour cela que c’est une faute politique, parce qu’après il faut tout reconstruire de part et d’autre. L’autre chose, qui est quand même dangereux, c’est que le contexte de politique intérieur en France ne va pas vraiment changer. Il y a toujours des tensions avec la Turquie et il y a toujours une problématique autour de la place de l’Islam en France. Et en 2022, il y a des élections présidentielles en France et ces deux sujets vont rester sur la table. Donc, il faut être optimiste mais vigilant, parce que sur la scène politique intérieure française il y a toujours des expressions contre la Turquie qui se développent contre ses alliés.

Tout cela crée une atmosphère qui n’est pas évidente pour pouvoir effectivement trouver un chemin d’équilibre. Pourtant l’Azerbaïdjian joue un rôle géopolitique majeur dans l’équilibre de la région, voisin ou proche de la Russie, de l’iran , de la Turquie et de l’Europe. Donc en revanche, nous, ce qu’on a fait, c’est proposer une autre résolution. Ce n’est pas une résolution en faveur de l’Azerbaïdjan, c’est une résolution en faveur d’un équilibre, c’est être équitable et juste pour trouver le chemin de la paix, en disant les choses les plus objectives possibles. Parce qu’il n’y avait plus d’espace médiatique et politique pour expliquer les choses. Tout le monde avait oublié le guerre de 1994, tout le monde avait oublié que la France avait signé quatre résolutions de l’ONU en faveur des frontières internationalement reconnues de l’Azerbaïdjan. Tout ça a été oublié, parce que ce n’est pas quelques chose qui n’était pas connue des Français, qui a n’a pas été partagée, qui n’a pas été expliqué. Et, tout ça, il fallait donc le redire. C’était très difficile de trouver un espace pour le redire. Mais je pense qu’il faut continuer, il faut continuer aussi à montrer que l’Azerbaïdjan est un pays laïc, multiculturel qui protège les cultures et les cultes. L’Ambassadrice arménienne, dans une audience, a dit que les Azerbaïdjanais allaient détruire les monuments culturels et cultuels et avait tué 600 000 arméniens en Azerbaïdjian et c’est pour ça que j’ai décidé d’échanger avec l’Ambassadeur azerbaïdjanais pour comprendre, dialoguer et je lui ai dit l’importance de faire remonter les informations. Je lui ai expliqué que la meilleure manière, c’est d’accepter une enquête internationale de l’UNESCO, qui pourrait venir voir, qui pourrait montrer les choses de manière objective et vous pourrez retrouver un chemin pour montrer que vous n’êtes pas ce qu’on prétend que vous êtes.

Donc, le gouvernement azerbaïdjanais a accepté cette enquête, et je pense que ça peut être un moyen très fort de montrer la réalité , que les choses se renversent pour montrer ce qu’est vraiment l’Azerbaïdjan en terme de pays séculaire. En plus, pendant le conflit, il y avait le rabbin, qui représente la communauté juive à Bakou, qui disait «en Azerbaïdjian « on peut vivre ensemble », mais personne ne l’entendait.

Moi, je pense que l’enquête de l’UNESCO est très importante, parce qu’elle doit permettre de montrer les choses de manière objective, il sera plus difficile de dire des mensonges de part et d’autre. Il faut continuer à coopérer, il faut que nous puissions témoigner, pour dire ce que l’on a vu. Nous allons visiter demain les territoires libérés. Ça sera pour montrer l’état des lieux après l’occupation. Nous pourrons alors voir ce qu’il en est.

Comment évaluez-vous la contribution de l’Azerbaïdjan apportée au multiculturalisme ?

Je pense que c’est un exemple important de multiculturalisme, de protection des cultures et des confessions. À Bakou, les synagogues, l’église arménienne, les mosquées sont voisines... La Fontation Heydar Aliyev a restauré l’église arménienne, finance de la restauration d’églises du XIIIe siècle en France, a développé un accord avec le Vatican, et tout ça préexistait au dernier conflit. Donc, c’est un État multiculturel, multiconfessionnel, et qui protège les minorités.

Comment voyez-vous le rôle du Groupe de Minsk de l’OSCE en période post-conflit ?

Le Groupe de Minsk doit jouer le rôle qui lui est imparti, la neutralité, l’équilibre et l’équité. C’est un lieu qui doit montrer le chemin de la paix, construire les conditions pour que les peuples puissent vivre ensemble. Il faut apaiser les relations.

Propos receuillis par Samid NASIROV

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