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LE DÉBUT DU CONFLIT DU KARABAKH ET LES ÉVÉNEMENTS DE SOUMGAÏT

2 Mars 2022 13:28 (UTC+01:00)
LE DÉBUT DU CONFLIT DU KARABAKH ET LES ÉVÉNEMENTS DE SOUMGAÏT
LE DÉBUT DU CONFLIT DU KARABAKH ET LES ÉVÉNEMENTS DE SOUMGAÏT

Paris / La Gazette

Dr. Vazeh ASGAROV,
Docteur de l’Univesité de Strasbourg
Membre du conseil d'administration du Parti du Nouvel Azerbaïdjan
Directeur exécutif de l'Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ)

34 ans se sont écoulés depuis les événements de Soumgaït, la troisième ville d’Azerbaïdjan qui se situe au bord de la mer Caspienne à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale azerbaïdjanaise. Ces événements du 28 février 1988 faisaient partie des provocations organisées et menées contre l'Azerbaïdjan par le Comité de sécurité de l'État de l'URSS avec la participation des nationalistes arméniens.

Le but, comme toujours, était de manipuler l'opinion publique de la communauté internationale, afin de créer un sentiment anti-azerbaïdjanais. En présentant au monde un scénario sanglant dans lequel les azerbaïdjanais auraient opprimé les Arméniens et violé leurs droits, ils ont en réalité jeté les bases d'une nouvelle étape de la politique de génocide et d'agression contre les Azerbaïdjanais. Tous les témoignages concordent : l'organisateur des événements de Soumgaït était un Arménien, deux fois condamné, Eduard Grigoryan qui tua lui-même cinq Arméniens à Soumgaït. En bref, les troubles ethniques à Soumgaït ont été l'aboutissement d'une série d'habiles manipulations.

Artificiellement créé à la fin de 1987, le conflit du Haut-Karabakh fut compris dès les premiers jours par le peuple azerbaïdjanais comme une manoeuvre dirigée contre l’intégrité territoriale du pays et la violation des droits constitutionnels des citoyens. Le décret de la Présidence du Soviet suprême de l’URSS du 12 janvier 1989, sur le sujet de l’introduction d’un régime spécial à la région autonome, montrait l’intention de Moscou de soustraire le Haut-Karabakh à l’administration de l’Azerbaïdjan.

Les premiers 400 réfugiés azerbaïdjanais déportés d’Arménie se sont installés à Soumgaït, la troisième ville du pays. Après le meeting antiturc organisé le 19 février 1988 à Erevan, les exactions des nationalistes arméniens ont encore augmenté. Les lieux des prochaines manifestations furent fixés au Karabakh. Le but était de montrer au monde, par l'intermédiaire de la diaspora arménienne, que les Arméniens du Karabakh, privés de leurs droits, n'avaient d'autre issue que d'être rattachés à l’Arménie. C'est alors qu'ils fomentèrent le scénario de la tragédie à Soumgaït, en y impliquant les réfugiés installés depuis deux ans, après leur départ de l’Arménie. Le 29 février 1988, les violences interethniques embrasent Soumgaït pendant 3 jours et font 32 morts (26 Arméniens et 6 Azerbaïdjanais) et plusieurs blessés. Il y a pourtant deux choses qui auraient dû attirer l’attention : l’un des responsables de ces évènements, Eduard Grigoryan, était d’origine arménienne et 15-20 jours avant de ces évènements, la population arménienne de Soumgaït avait fermé leurs comptes de caisse d’épargne.

Plus tard, Levon Ter-Petrosyan, premier président de l’Arménie a déclaré dans une de ses interviews : « Après les événements de Soumgaït, le peuple azerbaïdjanais était en état de choc. Si les dirigeants du pays avaient saisi cette occasion pour décider de l'annexion du Haut-Karabakh à l'Arménie, le peuple azerbaïdjanais n'aurait pas pu protester ». Preuve que la tragédie de Soumgaït était nécessaire pour que les Arméniens puissent mener à bien leurs actions séparatistes.

Ariel Kyrou et Maxime Mardoukhaïev (1989 : 266) dans "Le Haut-Karabakh, vu du côté Azerbaïdjan", écrivent « Trois hommes ont été jugés dans un semi procès après une simili-enquête : deux Azéris et un Arménien, Grigorian, qui aurait tué cinq Arméniens ».

Dire que le conflit du Haut-Karabakh a commencé après les évènements de Soumgaït ne correspond pas à la vérité. Le conflit a réellement débuté à la fin des années 1980 avec l’expulsion de la population azerbaïdjanaise de l’Arménie et l’assassinat de deux Azerbaïdjanais à Askeran (Karabakh). Mais ni la presse azerbaïdjanaise, ni la presse internationale n’ont rien communiqué à ce moment, ce qui a laissé le champ libre aux nationalistes arméniens qui utilisèrent en toute impunité menaces, chantages et intimidations. En revanche, sur les incidents de Soumgaït les médias internationaux s'en donnèrent à coeur joie pour présenter les azerbaïdjanais comme un peuple agressif et inhumain. Pour le meurtre de 26 Arméniens à Soumgaït, 96 personnes furent condamnées à la peine de mort. Mais l’opinion publique ne fut pas informée de la mort atroce des 317 Azerbaïdjanais assassinés en Arménie pendant cette période.

En mai 1989, Ziya Buniyadov, historien et président de l’Académie nationale des sciences d'Azerbaïdjan, a proposé une version tout à fait différente du "pogrom Soumgaït". Dans son article intitulé « Pourquoi Soumgaït ? », il conclut que les Arméniens eux-mêmes ont projeté le massacre dans le but de discréditer l’Azerbaïdjan et de stimuler le mouvement arménien nationaliste en faisant croire que la tragédie de Soumgaït avait été planifiée par les nationalistes arméniens. Quelques heures avant le début de l'opération, les reporters photographiques arméniens et les équipes de tournage de la télévision avaient d'ailleurs été secrètement amenés sur les lieux pour apparaître ensuite comme les "témoins" des événements. Et c'est Grigoryan en personne qui commanda le premier assaut..

Ariel Kyrou et Maxime Mardoukhaïev (1989 : 266) ajoutent « des leaders de l’Union pour l’autodétermination nationale de l’Arménie, comme Paruyr Hayrikyan, exilé aux États-Unis après son expulsion d’URSS, m’ont certifié qu’ils avaient de nombreuses preuves que les premiers meurtres n’avaient pas été commis, ou tout de moins dirigées par des Azéris, mais par des agents du KGB ».

Lors de son interview, Victor Ilyukhin, le vice-président du comité de la Douma de la Fédération de Russie souligne que « les évènements de Soumgaït ont été provoqués par les Arméniens, à la même période que l’expulsion des Azerbaïdjanais d’Arménie. De très nombreux Azerbaïdjanais ont été expulsés, sans même leur permettre de prendre des documents et des objets de première nécessité. C’était d’une grande cruauté ».

À la question : à qui profitait le pogrom des Arméniens à Soumgaït? Il répondit : "c’était avantageux pour l’Arménie, pour un aventurier comme Levon Ter-Petrosyan. Ils ont préparé la « carte de Soumgaït », au moment où il était la question de séparer le Karabakh de l’Azerbaïdjan… Bref, ils ont joué un grand spectacle sur une grande tragédie."

À partir de 1988, les évènements n’étaient plus conduits par les Azerbaïdjanais, mais par les séparatistes arméniens. Au mois de mars 1988, un décret spécial sur le développement socioéconomique de la région du Haut-Karabakh a été adopté en URSS. La démarche fut la suivante : oukase du Présidium du Soviet suprême de l’URSS, le 12 janvier 1989, sur l’introduction de la forme particulière de gestion pour ôter l’autorité de l’Azerbaïdjan sur la région autonome du Haut-Karabakh, puis transfert de la gestion au Comité de l’administration particulière dirigée par le représentant du Centre, ce qui signifiait la sécession du Haut-Karabakh. L’administration soviétique s'efforçait de présenter l’image d’une normalisation de la situation dans la région. En même temps, elle faisait silence sur la tragédie du peuple azerbaïdjanais. Sur cette question la position neutraliste de l’administration azerbaïdjanaise était une trahison de son peuple.
En février 1988, lors d’une réunion du Soviet régional de la Région Autonome du Haut-Karabakh (RAHK), sans la participation des députés azerbaïdjanais, il fut décidé de séparer la RAHK de l’Azerbaïdjan et de la rattacher à l’Arménie. Le 1er décembre 1989, le Soviet suprême du RSS d’Arménie adapotait un décret sur l’annexion du Haut-Karabakh.

Ce décret était contraire aux Constitutions de l’URSS et de l’Azerbaïdjan, selon lesquelles le territoire d’une République soviétique ne pouvait être modifié que par un accord mutuel des républiques intéressées. La politique tendancieuse de Moscou à l’égard de l’Azerbaïdjan a causé la colère et des protestations massives. Pour contrôler la situation, Moscou choisit l’intervention militaire. La nuit du 19 au 20 janvier 1920, l’armée soviétique, sans déclarer l’état d’urgence, massacra au moins 137 personnes à Bakou et on releva des centaines de blessés, de disparitions et d’arrestations.

Durant les années 1987-1991, dans le cadre de ce conflit du Haut-Karabakh, on mit en place une politique d’expulsion complète de toute la population azerbaïdjanaise d’Arménie ; près de 200 000 Azerbaïdjanais furent expulsés. Si au début de XXe siècle, les Azerbaïdjanais représentaient presque la moitié de la population de l’actuel territoire arménien, aujourd’hui selon une statistique non officielle, il n’y aurait plus un seul Azerbaïdjanais en Arménie, hormis les prisonniers. Le nombre actuel des Arméniens habitant en Azerbaïdjan est de plus de 20 000 personnes. Une fois les territoires arméniens vidés, la prochaine étape était celle du Karabakh. Entre 1992 et 1994, eut lieu le sanglant conflit arméno-azerbaïdjanais du Karabakh.

A la suite des évènements de Sumgaït, les dirigeants du gouvernement azerbaïdjanais de l'époque, non seulement gardèrent le silence sur le travail de l'équipe pour enquêter sur les causes réelles des événements de Soumgaït, mais en falsifièrent les résultats. Une commission composée de représentants de l'ancien bureau du procureur de l'URSS et du KGB, écarta les conclusions de l'enquête pour rejeter l'entière responsabilité des événements sur les Azerbaïdjanais. Malheureusement, les représentants des forces de l'ordre d'Azerbaïdjan, qui faisaient partie de l'équipe d'enquête, au lieu de protester, participèrent au simulacfre de procès qui s'ensuivit. 3 000 habitants innocents de Soumgaït se sont rainsi etrouvés derrière les barreaux. 400 d'entre eux ont été traduits en responsabilité administrative et 94 personnes ont été traduites en responsabilité pénale.

Eyruz Mammadov, l'un des principaux enquêteurs sur les événements de Soumgaït, a déterminé que les provocateurs à Soumgaït étaient le Comité de sécurité de l'État de l'URSS, les agences de renseignement arméniennes et les groupes extrémistes du parti Dashnaktsutyun. Fait étrange, quelques jours avant les événements de Soumgaït, 36 employés du KGB de l'URSS étaient arrivés de Moscou. Lorsque les groupes extrémistes arméniens entrèrent dans la ville pour passer à l'action, les agents de Moscou interdirent aux autorités locales d'intervenir.

Les services spéciaux arméniens avaient donné à cette opération menée en collaboration avec le Comité de sécurité de l'État de l'URSS le nom de code de « Nalyotchik » ("voleur"). Par la suite, le procès d'Ahmad Ahmadov, arrêté en lien avec les événements de Soumgaït, se déroulera, de façon tout à fait illégale, à Moscou, et non en Azerbaïdjan. L'équipe d'enquête n'ayant pas officiellement identifié les causes de l'incident, les circonstances du crime, les véritables organisateurs et tueurs, 93 Azerbaïdjanais seront condamnés à des peines de 2 à 15 ans de prison. Ahmad Ahmadov, qui fut reconnu coupable d'avoir organisé les événements, fut condamné à mort par la Cour suprême de l'URSS le 18 novembre 1988.

La guerre du Haut-Karabakh, appelée aussi première guerre du Karabakh, est le conflit armé qui a eu lieu entre février 1988 et mai 1994 dans l’enclave ethnique du Haut-Karabagh, en Azerbaïdjan du sud-ouest, entre les Arméniens et la république d’Azerbaïdjan.

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