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AVANT MÊME QU’ELLES AIENT EU LIEU, LA PRESSE FRANÇAISE A JUGÉ LES ÉLECTIONS AZERBAÏDJANAISES

7 Février 2024 21:21 (UTC+01:00)
AVANT MÊME QU’ELLES AIENT EU LIEU, LA PRESSE FRANÇAISE A JUGÉ LES ÉLECTIONS AZERBAÏDJANAISES
AVANT MÊME QU’ELLES AIENT EU LIEU, LA PRESSE FRANÇAISE A JUGÉ LES ÉLECTIONS AZERBAÏDJANAISES

« En Azerbaïdjan, un simulacre de démocratie à la gloire du président Aliev », Le Monde 5 février 2024
« En Azerbaïdjan, l’inamovible Ilham Aliev précipite sa réélection », Le Figaro, 6 février 2024
« En Azerbaïdjan, une présidentielle ultra-contrôlée pour un nouveau sacre d’Aliev », La Croix, 7 février 2024
« En Azerbaïdjan, une présidentielle ultra-contrôlée pour un nouveau sacre d’Aliev », L’Express, 7 février 2024
« En Azerbaïdjan, une présidentielle ultra-contrôlée pour un nouveau sacre d’Aliev », Courrier International, 7 février 2024

Ces appréciations à propos des élections présidentielles en Azerbaïdjan ont été publiées le 7 au matin, avant même que le scrutin ne commence. On peut naturellement s’étonner de la similitude des titres, que l’on retrouve d’ailleurs dans le contenu.
La raison ? C’est que ces articles ont été en réalité rédigés par l’AFP, l’Agence France Presse, qui vend aux journaux les textes qu’eux-mêmes n’ont pas le temps d’écrire. Cette pratique n’a rien de répréhensible en soi et existe depuis des années. Sauf qu’aujourd’hui, d’articles de complément, les dépêches de l’Agence France Presse tendent de plus en plus à se substituer au travail des journalistes que le rédactions n’envoient plus sur le terrain, faute de moyens, ou, et c’est plus problématique, parce qu’ils ne souhaitent pas que les témoignages rapportés par les envoyés spéciaux ne viennent contredire la ligne éditoriale de la publication.

C’est peut-être ce qui se passe à propos de l’Azerbaïdjan. S’il est tout à fait légitime de critiquer la politique d’un gouvernement étranger, ou la personnalité d’un chef d’État, ce qui l’est moins, c’est de le faire sans s’être rendu sur place. Sans avoir observé de ses propres yeux, sans avoir interrogé des témoins, bref, sans avoir fait son travail de journaliste.
Est-que ces élections ont été l’objet d’irrégularités, comme un bourrage d’urnes ? Est-ce que les électeurs n’avaient pas d’autre choix que de voter pour le président sortant ? A ces questions, on ne devait répondre qu’après avoir constaté les faits sur place. Sinon, on ne fait pas du journalisme, mais du roman.
Nous verrons bien. Mais attendons au moins que le scrutin soit clos !

La même question s’était posé lors de l'élection de Mirziyoyev en Ouzbékistan, avec un score de plus de 80% de voix. On avait ici crié au scandale (un peu moins fort, car Tachkent n’’est pas en conflit avec nos amis arméniens). Pourtant, aucun des 2 000 observateurs étrangers présents, y compris les élus français Renaissance, PS, et Rassemblement National, n’avaient relevé la moindre anomalie.

Il ne s’agit pas bien sûr de dresser le panégyrique de qui que ce soit, mais les critiques de la presse française ont un parfum méphitique de condescendance.
Ce qu’on oublie, parlant de l’Azerbaïdjan, c’est que cette république n’est indépendante que depuis 33 ans, et a subi pendant 70 ans la dictature soviétique qui l’a rendue exsangue et presque ingérable, puis une occupation pendant presque 30 ans de 20% de son territoire. Alors oui, il fallait un pouvoir fort afin de reconstruire à la fois l’économie et la cohésion nationale. Aurions-nous fait mieux ? Il est un peu facile de regarder de haut cette démocratie naissante, nous qui avons mis presque 1000 ans à donner le pouvoir au peuple. Il n’y a pas si longtemps, en 1958, le Général de Gaulle avait été élu (ce n’était pas encore le suffrage universel) avec près de 80% des voix. Ne fallait-il ps cela pour redresser la France d’après-guerre ?

Et même s’il subsiste en Azerbaïdjan des problèmes d’emploi, de salaire, comme chez nous d’ailleurs, ce serait aller un peu vite en besogne que d’oublier le redressement économique du pays, la résurrection de la production énergétique, la renaissance de Bakou, puis, surtout, la reconquête de l’intégrité territoriale du pays , la reconstruction des villes détruites du Karabakh et le retour des habitants expulsés en 1992. Alors s’étonner du score de Aliyev relève, un petit peu quand même, de l’ignorance du pays et du mépris de classe…

Jean-Michel Brun

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