LE RÔLE MAJEUR DES AZERBAÏDJANAIS DANS LA VICTOIRE CONTRE LE NAZISME ET LEUR PARTICIPATION DANS LES MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE EN FRANCE

Paris / La Gazette
Au moment où l'on fête les 80 ans de la victoire contre le nazisme, il est bon de rappeler le rôle des partisans azerbaïdjanais au sein de la résistance française.
« Unis contre le nazisme ! », c’est sous ce slogan qu’est sont organisés à Paris, à l’occasion du 80ème anniversaire de la victoire sur le nazisme, une série d’événements commémorant la mémoire des héros azerbaïdjanais qui ont participé à la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le peuple azerbaïdjanais a joué un rôle-clé dans l’issue de cette guerre, la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité. On connaît bien sûr le rôle irremplaçable qu’a joué le pétrole azerbaïdjanais dans la victoire de l’Union soviétique, mais la contribution la plus importante a été le sacrifice héroïque des fils et des filles de l’Azerbaïdjan.
En 1941, plus de 600 000 citoyens de la RSS d’Azerbaïdjan, sur une population d’un peu plus de 3 millions d’habitants, ont été mobilisés. Si l’on prend on compte nos compatriotes qui ont opéré sur le front intérieur, on peut estimer que la quasi-totalité du pays a été mobilisée. Comme l’a souligné le premier président de l’Azerbaïdjan, Heydar Aliyev : ‘‘Pendant la Seconde Guerre mondiale, le peuple azerbaïdjanais a fait preuve d’une bravoure et d’une détermination exceptionnelles sur tous les champs de bataille, tant sur le front qu’à l’arrière. Dans la courte période qui a suivi le début de la guerre, 87 bataillons de combat et 1 124 unités d’autodéfense ont été formés sur le territoire de la République d’Azerbaïdjan. Entre 1941 et 1945, près de 640 000 garçons et filles de la République sont partis au front”.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, des centaines de fils et de filles azerbaïdjanais ont participé aux mouvements de résistance anti-nazie en Europe. On sait que lors de la défaite des troupes soviétiques en 1941-42, les soldats et officiers soviétiques capturés par l’Allemagne nazie ont été placés dans des camps en fonction de leur répartition nationale. Certains prisonniers de ces camps formèrent plus tard secrètement des organisations antifascistes, puis s’échappèrent des camps et rejoignirent des groupes de partisans. Des dizaines de milliers de citoyens soviétiques ont pris les armes en Europe, notamment en France, en Italie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie, en Albanie, en Roumanie et dans d’autres pays, et ont uni leurs forces aux citoyens de ces pays dans la lutte contre le nazisme.
Les Azerbaïdjanais qui ont combattu en France et ont participé directement à la libération de la France de l’invasion nazie sont devenus le sujet de nos recherches ces dernières années. Quand on évoque les héros azerbaïdjanais de la résistance française, le premier nom qui vient à l’esprit est Ahmadiyya Jabrayilov, surnommé « Kharko », et connu en France sous le nom de Akmed Michel. Il fut l’un des seuls partisans azerbaïdjanais à avoir eu l’occasion de visiter les lieux où il avait combattu, de rencontrer ses anciens amis résistants en France et même de participer à des réunions au Sénat. Ahmadiyya Jabrayilov faisait partie de la délégation qui a accueilli le président français Charles de Gaulle à l’aéroport lors de sa visite à Moscou en 1966. Il assisté, en qualité d’invité d’honneur, à la célébration du 100e anniversaire de la naissance de Charles de Gaulle en 1990. Un monument commémoratif a été érigé près de la ville française de Montauban à la mémoire d’Ahmadiyya Jabrayilov, afin d’immortaliser un participant légendaire de la Résistance française, et les partisans azerbaïdjanais qui ont combattu dans les rangs du troisième régiment de Hussards du maquis de Cabertat.
De nombreux autres héros comme Ahmadiyya ont participé à la libération de la France de l’occupation nazie. Ils ne sont peut-être pas encore connus du grand public, mais il est de notre devoir de faire en sorte que leur noms restent dans l’histoire et de chérir leur mémoire. L’un de ces héros est Idris Hashimov, membre actif du groupe « France Libre » de Charles de Gaulle. Il fut envoyé en Ukraine pour son service militaire en 1941 et fut capturé lors de l’invasion de l’Ukraine par l’armée allemande. Hashimov, qui s’est échappé de captivité à plusieurs reprises et a été capturé à nouveau par les Allemands, s’est évadé d’Allemagne en mars 1943 et a regagné la France. Il devient alors l’un des fondateurs des FFI « Forces Françaises de l’Intérieur ». Au milieu de l’année 1943, Idris Hashimov devient lieutenant supérieur dans cette unité militaire, déjà devenue bataillon. Il participe à la libération de villes comme Lyon, Dijon et Rodez. Au milieu de l’année 1944, les Forces Françaises de l’intérieur fusionnent avec le mouvement des « Français libres » dirigé par le général Charles de Gaulle et, sous la direction de celui-ci, ces mouvements participent activement à la libération de la France de l’occupation nazie, jusqu’en mai 1945. Après la guerre, Hashimov retourne dans son pays natal, l’Azerbaïdjan, mais doit faire face à la persécution et à la pression des autorités soviétiques. Il travaille comme enseignant, d’abord à Latchine, puis dans le village reculé de Shurnukhu, situé à la frontière azerbaïdjano-arménienne. Idris Hashimov nous a légué un précieux héritage sous la forme d’informations sur les héros azerbaïdjanais qui ont combattu à ses côtés en France. C’est sur la base de ses mémoires que nous avons obtenu des informations sur plus de 30 combattants azerbaïdjanais figurant sur une liste dressée par son fils.
Lorsqu’on parle des héros azerbaïdjanais du mouvement de résistance français, il faut souligner le rôle des partisans azerbaïdjanais au sein de la Résistance dans le sud du pays, notamment dans la libération de la ville de Rodez, en août 1944, au cours de laquelle les partisans azerbaïdjanais ont combattu aux côtés des Français. Au printemps 1944, des Azerbaïdjanais prisonniers de guerre à Rodez ont réussi à s’échapper et à rejoindre les résistants français. Un nom de code spécial « AZRodez » a même été donné à cette opération. Selon les mémoires du résistant Nuru Abdullayev, on trouve, parmi les Azerbaïdjanais qui ont participé aux de l’organisation secrète, les noms de Mirzakhan Mammadov, Mammad Akhundov, Feyzulla Gurbanov, Rza Rzayev, Danil Abdullayev, Khalaf Hajiyev, Arshad Huseynov, Omar Omarov, Huseyn Safarov. Les habitants de la ville de Rodez, totalement libérée de l’occupation nazie le 23 août 1945, ont rendu hommage à la mémoire des Azerbaïdjanais tombés pour le France, et les ont enterrés au cimetière de Rodez au cours d’une émouvante cérémonie.
Selon certains rapports, au cours de l’été 1944, des Azerbaïdjanais détenus dans des camps de prisonniers dans plusieurs villes du sud de la France, notamment Mende, Chanac et Villefort, ont réussi à s’évader et à rejoindre des groupes de partisans soviétiques. Lorsque les nazis ont appris que les partisans azerbaïdjanais préparaient un soulèvement, ils ont condamné à mort un groupe de prisonniers azerbaïdjanais. Alors qu’ils étaient emmenés pour être fusillés, une bagarre simulée entre partisans a permis à 7 d’entre eux de s’échapper. Les SS fusillèrent alors en représailles 90 prisonniers de guerre azerbaïdjanais dans la ville de Montpellier les 19 et 20 août 1944, accusés d’avoir tenté de rejoindre les partisans français.
Les recherches de notre compatriote et éditeur Nijat Kazimov, qui vit en France, ont permis de faire émerger de nouvelles informations sur les Azerbaïdjanais qui ont perdu la vie en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles ont notamment révélé que, selon des documents allemands, 10 Azerbaïdjanais faisaient partie des 394 soldats soviétiques capturés par l’Allemagne nazie pendant la guerre et détenus dans la forteresse de Mutzig, une base militaire souterraine près de Strasbourg en Alsace. Il leur a été proposé de rejoindre la légion allemande, mais les prisonniers azerbaïdjanais ont rejeté cette offre et ont été exécutés. Deux de ces 10 combattants, Molla Huseynov et Mukhlis Mammadzadeh, ont aujourd’hui leurs tombes au cimetière militaire de Strasbourg.
Certaines des informations sur les participants azerbaïdjanais au mouvement de résistance français sont encore incomplètes, et une partie d’entre elles, basées sur des déclarations de témoins, doivent être confirmées par documents conservés dans les archives. Les informations dont nous disposons actuellement sur les héros azerbaïdjanais de la Résistance se limitent souvent à leurs noms et, bien sûr, nous pensons qu’il est de notre devoir d’Azerbaïdjanais de mener des recherches dans les archives françaises c’est travail de mémoire essentiel, mais ce n’est pas une tâche facile.
Nous exprimons notre gratitude à l’Institut d’histoire et d’ethnologie A.A. Bakikhanov, au professeur Mais Amrahova, docteur en histoire, et à l’éditeur Nijat Kazimov, qui a mené des recherches dans les archives françaises.
Bien entendu, ces enquêtes devraient se poursuivre dans les années à venir, afin de documenter les récits de guerre des Azerbaïdjanais en France, une histoire encore méconnue du grand public qui mérite d’être mise en lumière.
Leyla Abdullayeva, Ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la République d’Azerbaïdjan en République française, mai 2025
Photo de titre : Idris Hashimov
Idris Hashimov
Daniel Abdullayev
Musayev Gulbala
Khalaf Hadjiyev
Ahmadiya