LA TRAHISON ET LES DIRIGEANTS ARMÉNIENS. UNE FATALITÉ ?

Paris / La Gazette
Le nationalisme est exclusif et ne connaît pas la loyauté, il conduit souvent à une sorte d’aveuglement passionnel capable d’entraîner les masses à sa suite, au prix de conséquences parfois funestes.
Par Cyprien Raspiller
Récemment, Mr Mourad Papazian, responsable communautariste arménien en France, a tenu des propos embarrassants pour le pouvoir français et notamment le ministère des Affaires Etrangères. Affilié à la Fédération Révolutionnaire Arménienne ( FRA-Dachnaksoutioun), son mouvement n’était pas le bienvenu dans l’Arménie du Premier ministre Nikol Pachynian, à tel point qu’il en avait été refoulé en 2023 à la frontière aéroportuaire à Erevan et renvoyé en France par le premier avion.
Portée devant les tribunaux d’Arménie, l’affaire s’est conclue par un désaveu de la décision administrative et Mr Papazian est désormais de retour en Arménie. Ces derniers jours, Mr Papazian a fait des déclarations publiques à Erevan, en un moment d’instabilité interne causée par la restitution de quatre villages azerbaïdjanais envahis, occupés et vidés de leur population depuis les années 1990. La teneur de ses propos consistait en une volonté de rapprochement de l’Arménie avec la Russie. Proche du pouvoir en France, le voilà qui tient un discours radicalement contraire à celui de son pays d’accueil ! Que peuvent penser les autorités françaises de ce revirement ?
Que penser également de l’attitude d’un Patrick Devedjian, ancien militant radical dans les mouvements nationalistes français des années 1960 qui, en sa qualité d’avocat, prit fait et cause pour les terroristes arméniens de l’ASALA, les qualifiant de « résistants » alors qu’ils avaient perpétré une série d’attentats meurtriers sur le sol français. Des déclarations sur la « légitimité » du terrorisme arménien suivront.
Plus profondément dans l’Histoire et bien antérieurement aux massacres d’Anatolie en 1915, nous pourrions évoquer le cas de Sargis Duzian, descendant d’une dynastie arménienne illustre et richissime de l’Empire Ottoman au 18ème siècle qui fut élevée aux plus hautes charges administratives dans le domaine des finances publiques. Sargis Duzian deviendra lui-même directeur du Trésor. Attaché à sa communauté, il sera accusé de vastes détournements de fonds publics avant d’être exécuté en 1819 avec tous les hommes de sa famille.
Dans ces mêmes années, en 1826, la guerre se ranime entre la Russie tsariste et la Perse impériale. L’archevêque arménien de Tbilissi (en Géorgie) Nersès V d’Achtarak encouragera ses congénères et coreligionnaires de Perse à se ranger du côté russe. Après la victoire du Tsar, cela conduira au transfert de 90.000 Arméniens de Perse dans la région caucasienne, et notamment au Karabagh. Nous en connaissons les suites tragiques…
Alors loyauté, fiabilité arméniennes ? On les croit ici auréolés à jamais du statut de victimes innocentes, quasiment un peuple souffrant marqué par la sainteté. Non ! Et ces quelques cas parmi d’autres incitent à la tentation, qui est grande, d’extrapoler et d’en faire un trait de son caractère national.
Photo : Ara Toranian, Emmanuel Macron, Mourad Papazian