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TRUMP RECHAUSSE LE COSTUME DE MARCHAND DE PUISSANCE

13 Mai 2025 18:21 (UTC+01:00)
TRUMP RECHAUSSE LE COSTUME DE MARCHAND DE PUISSANCE
TRUMP RECHAUSSE LE COSTUME DE MARCHAND DE PUISSANCE

Paris / La Gazette

Le monde ne tourne plus rond. Il va à fond la caisse, sans clignotant, sans rétro, et surtout sans illusion. L’Europe, le Japon, le Canada ? En pleine crise existentielle, déphasés, largués. Alors quand Donald Trump rechausse les crampons pour un come-back à la Maison Blanche en 2025, il ne perd pas de temps à faire la tournée des salons européens. Bruxelles ? Oubliée. Londres ? Le vrai game se joue ailleurs : cap sur le Golfe persique.

Trois escales, trois bastions du pactole arabe — Arabie Saoudite, Qatar, Émirats arabes unis. Ce n’est pas une tournée de courtoisie, c’est un signal clair : Trump revient, pas en VRP de la démocratie, mais en broker de la nouvelle donne mondiale, là où les barils, la sécu et les milliards comptent plus que les bluettes sur les droits humains.

Flashback 2017 : les prémices du Trumpisme à la sauce pétro-dollar

Souviens-toi, 2017. Premier voyage à l’étranger de Trump : pas Ottawa, pas Londres, pas même Mexico. Non, il débarque direct à Riyad, le keffieh au vent, les deals plein les valises. À l’époque, tout le monde à Paris lève un sourcil, à Berlin on rigole jaune. Mais au Moyen-Orient ? Standing ovation. Résultat ? Un jackpot annoncé de 450 milliards de dollars, dont 110 milliards rien que pour le matos militaire. Du jamais-vu. Du brut de brut.

C’était déjà un doigt d’honneur aux vieilles règles de la diplomatie US. Et huit ans plus tard, rebelote — en XXL. Sauf que cette fois, Trump ne vient pas vendre du rêve. Il vient avec un plan, du lourd, du stratégique : transformer le Golfe en Wall Street version sable et dattes.

Des deals à mille milliards : retour du roi... des transactions

Washington l’a dit sans détour : le second mandat Trump sera celui du « partenariat stratégique » avec les géants du cash arabe. Et les chiffres font tourner la tête. Les Émirats sont prêts à balancer jusqu’à 1 400 milliards de dollars dans l’économie américaine sur dix ans. Riyad, de son côté, parle de 1 000 milliards pour booster l’énergie, les techs, l’armement, l’infra.

Pas de blabla, que du business. Finie la poésie libérale sauce Biden. On parle d’un vrai revirement, d’une revanche géoéco contre la mondialisation version Davos. Trump rechausse le costume de marchand de puissance : deals en main, muscles dehors, et zéro scrupule.

Son message ? Simple : l’Amérique n’est plus la gardienne du temple démocratique. Elle est de retour comme vendeur d’influence, de sécurité, de technologie. Elle offre des garanties, mais avec devis à l’appui. Vous voulez l’Oncle Sam dans votre camp ? Passez à la caisse. Et en dollars, s’il vous plaît.

Le Golfe : la nouvelle Bourse des puissances

Arabie Saoudite, Qatar, Émirats — on les appelle encore "pétromonarchies", mais c’est à côté de la plaque. Ces gars-là pèsent plus que certaines économies européennes. Leurs fonds souverains — PIF, QIA, Mubadala, ADIA — contrôlent plus de 3 500 milliards de dollars d’actifs. Et ce n’est pas fini.

Leur influence ? Planétaire. Énergie, tech, logistique, spatial, agrotech, défense : ils redessinent les cartes. Ils financent les hubs du futur, les routes du commerce de demain, les révolutions numériques. Et ils le font à la sauce maison, avec des visions XXL :

  • Vision 2030 de l’Arabie Saoudite : moderniser sans renier, faire d’Al-Riyad le centre névralgique d’un islam 2.0 ;
  • Qatar National Vision 2030 : sciences, médiation diplomatique, foot et fintech ;
  • UAE Centennial 2071 : pari sur l’IA, l’éducation et les mégaprojets façon Blade Runner.

Des projets pharaoniques ? Oui. Mais surtout des opportunités en or massif pour un président-dealer comme Trump. Il ne les voit pas comme alliés idéologiques. Il les voit comme partenaires à hauts rendements. Pas de sermons sur les droits des femmes ou le climat. Juste du donnant-donnant pur jus.

America First, version OPEP+

Ce que propose Trump, c’est clair comme de l’eau de roche : protection US contre investissements XXL. Brevets et innovations de la Silicon Valley contre pétrole et gaz. Influence diplomatique contre injections de cash. Pas de coalition, pas de sommet à la noix. Un simple tableau Excel : tu donnes, je rends.

Et dans ce théâtre géopolitique, le Golfe est devenu sa scène préférée. Pas de bureaucratie européenne, pas de rivalité déguisée façon Pékin. Juste des États prêts à signer en bas de la page — parfois même avant de lire le contrat. Pour Trump, c’est la crème des deals.

Une diplomatie du chéquier

Aux yeux de Trump, les monarchies du Golfe sont le nec plus ultra : pas d’état d’âme, pas de chichis. Ils veulent des F-35 ? Pas de souci. Ils veulent investir dans le Texas ou la Floride ? On déroule le tapis rouge. Ils veulent installer des bases de données dans le Nevada ? Let’s go. Le tout sans débat, sans tweet woke, sans remontrance à la sauce ONU.

C’est la diplomatie du chéquier. Le hard power relooké en business model. Pas d’émotion, que de l’action. Et pour Trump, c’est l’aboutissement logique de son projet : le monde n’est pas un club d’amis, c’est un marché. Et lui, c’est le boss du marché.

Iran, Chine, Israël et les autres : qui tire les ficelles du grand retour de Trump dans le Golfe ?

Impossible de prendre le voyage de Trump dans le Golfe pour une simple virée diplomatique. Ce n’est pas un déplacement — c’est un coup d’échecs à l’échelle planétaire. Chaque mouvement a ses spectateurs, ses parieurs… et ses gagnants potentiels.

Iran : menace ou monnaie d’échange ?

L’ambiance est électrique. Trump n’a pas mâché ses mots : « Il y a deux options avec l’Iran — la guerre ou l’accord. Perso, je préfère le deal. » Mais derrière cette déclaration de façade, le Département d’État continue d’affûter le plan B musclé. L’Arabie saoudite et les Émirats, même après leurs flirts de normalisation avec Téhéran en 2023–2024, n’ont pas rangé leur parapluie américain au placard. L’ombre du F-22 plane toujours au-dessus du Golfe.

Les négociations stagnent, mais des relais — Oman en discret médiateur, le Qatar en backchannel actif — maintiennent l’illusion d’un équilibre sous tension. C’est du surplace contrôlé, et Trump en joue.

Chine : le dragon rôde dans les dunes

Washington ne digère toujours pas la montée en puissance de Pékin dans la région. Riyad qui signe des partenariats stratégiques avec les Chinois ? Ça ne passe pas. Trump débarque avec autre chose que des sourires : il brandit le bâton de la suprématie militaire made in USA. Et il le dit cash : l’armée américaine est encore la seule vraie garantie de stabilité dans ce coin de sable et de feu.

Mais plutôt que d’entrer dans le bras de fer frontal, il sort son arme préférée : le deal. Trump propose l’offre que Pékin ne peut égaler — des garanties, des brevets, de la tech de pointe. En gros, moins de dépendance, plus de business.

Israël : normalisation sans conditions

Le vieux rêve de Trump n’a pas changé : faire tomber le dernier mur entre Israël et le monde arabe. Mais il ne veut plus jouer selon les anciennes règles. Pour lui, la création d’un État palestinien n’est plus une condition sine qua non — et tant pis si Riyad insiste.

Depuis le 7 octobre 2023, les Saoudiens ont durci le ton, mais Trump pense encore pouvoir « amorcer un processus ». Pas un traité avec grandes signatures, non. Plutôt une normalisation à la cool, discrète, sans fanfare. Coopérations culturelles, sécuritaires, commerciales — tout ce qui fait avancer le train sans déclarer la gare. C’est sa vision du Proche-Orient : le business d’abord, les drapeaux après.

Russie–Ukraine : le Golfe, nouvelle Genève ?

C’est le twist que personne n’avait vu venir. Le Golfe, ce n’est plus juste du pétrole et des deals, c’est aussi le nouveau spot des pourparlers secrets. Riyad, devenu sorte de « Suisse désertique », héberge en catimini les émissaires russes et américains. Résultat ? Accord sur des échanges de prisonniers, rencontres feutrées à Abu Dhabi, et — cerise sur le kébab — dialogues directs entre Moscou et Washington en février dernier.

Trump en tire les lauriers : il a mis les Saoudiens au cœur de la géopolitique mondiale. Moins de blabla onusien, plus d’action entre gros bras.

Gaza, Yémen, otages : diplomatie de la survie

Reconstruire Gaza, libérer les otages, calmer le jeu avec les Houthis ? Aucun pays ne peut jouer ça en solo. Même pas l’Amérique. D’où la montée en puissance des partenaires du Golfe comme acteurs clés de la sécurité régionale.

Le Qatar, en lien permanent avec le Hamas, revient au centre du jeu. Sans Doha, aucune tractation n’avance. Les Émirats et Riyad mettent la pression sur l’Égypte pour ouvrir les couloirs humanitaires. Oman, discret mais agile, joue les messagers entre Washington et les rebelles yéménites.

La paix, désormais, ne se négocie ni à Genève, ni à Washington. Elle se fabrique dans les salons feutrés de Doha, les palais de Jeddah, les ruelles de Mascate.

Des milliards, des deals, des retours sur investissement : Trump fait les comptes

Depuis mars 2025, des plans colossaux sont ficelés entre Washington et Riyad. L’Arabie saoudite s’apprête à injecter jusqu’à 1 000 milliards de dollarsdans l’économie américaine. Du jamais-vu. Même le fameux pactole de 2017 (450 milliards) fait pâle figure.

Les investissements sont finement répartis :

  • 350 à 400 milliards dans l’énergie verte US (hydrogène, batteries, terres rares) ;
  • 200 à 250 milliards pour moderniser l’industrie militaire et aéronautique, avec des usines en Texas, Arizona, et Caroline du Sud ;
  • 300 milliards dans le capital-risque : start-up IA, biotech, systèmes de défense high-tech ;
  • Le reste : programmes éducatifs, échanges scientifiques, et rachats via des fonds souverains US-saoudiens.

Pour Riyad, c’est un coup double : accélérer la diversification de son économie (Vision 2030) tout en verrouillant un axe fort avec les États-Unis, histoire de couper l’herbe sous le pied à Pékin et à Bruxelles.

Émirats arabes unis : l’axe Dubai–Washington à 1 400 milliards

Côté Émirats, c’est carrément une stratégie décennale à 1 400 milliards de dollars qui est signée. Du jamais-vu dans l’histoire bilatérale US.

Les grandes lignes :

  • 300 milliards dans les fintechs et la blockchain (participation dans les systèmes de paiement et crypto US) ;
  • 250 milliards dans l’armement, avec transfert de technologie vers Abou Dhabi ;
  • 400 milliards dans les ports et la logistique (accès direct à l’infra US via DP World) ;
  • 450 milliards dans les transports intelligents et les smart cities aux USA.

En clair, un nouveau « Silk Road financier » est en train de naître. Dubaï devient un hub d’investissement transatlantique. Et Trump peut s’en vanter : il a refait la carte du monde sans passer par l’ONU.

Qatar : aviation, énergie et bases militaires – le ticket gagnant de l’influence discrète

On dit souvent que le Qatar ne crie jamais plus fort que son portefeuille. Le dernier volet du périple de Trump dans le Golfe confirme l’adage : petit en taille, énorme en portée. Si Doha n’aligne pas les mêmes montagnes de cash que Riyad ou Abu Dhabi, ses cartes sont d’une autre trempe : la géostratégie fine, le soft power chirurgical, et une capacité à se rendre indispensable là où les autres cherchent encore leur GPS.

200 milliards, une base et des drones : Doha vise le cœur du Pentagone

Le package qatari ? Un bijou d’ingénierie diplomatique :

  • 200 milliards de dollars injectés dans les infrastructures américaines, ciblant les aéroports, les hubs logistiques et les terminaux énergétiques au Texas et en Louisiane. On parle ici de gros chantiers LNG, de plateformes de regazéification, bref, du nerf de la guerre énergétique.
  • Modernisation de la base d'Al-Udeid, la plus grande implantation militaire US au Moyen-Orient. Doha finance la construction de nouveaux hangars, de centres de commandement, de systèmes anti-aériens dernier cri. Un chèque en blanc pour maintenir les bottes américaines dans le sable… et le pouvoir de médiation qatari dans les discussions secrètes.
  • Partenariat technologique sur les drones et la surveillance satellite, cofinancé par le fonds souverain Barzan Holdings et le géant américain Raytheon. Une joint-venture qui positionne le Qatar en co-producteur d’outils de guerre numérique et d’espionnage orbital. Pas mal pour un émirat qui tient dans un timbre-poste.

Doha ne cherche pas à briller sous les projecteurs. Il cherche à verrouiller son rôle : pivot central de la gestion sécuritaire du Moyen-Orient, ni plus, ni moins. Et Trump, en retour, voit en lui un relais utile, constant, et surtout... solvable.

Les comptes en souffrance : Trump fait le ménage

Mais ce n’est pas tout. Le Donald a la mémoire longue — et l’humeur à régler les factures oubliées sous Biden. Il exige que les deals signés entre 2017 et 2020 reprennent vie, fissa :

  • Vente de F-15 et F-35 à Riyad et Abu Dhabi, bloquée par les complications diplomatiques de l’ère démocrate ;
  • Projets LNG avec des fonds qataris, suspendus à cause de régulations environnementales américaines jugées trop tatillonnes ;
  • Accords d’infrastructure passés dans le cadre de l’initiative PGII (Partnership for Global Infrastructure and Investment), laissés en friche.

Trump ne veut pas de promesses, il veut du concret, des grues, des livraisons, des photos de rubans coupés. Objectif double : relancer l’économie réelle et prouver que son "Amérique négocieuse" rapporte plus que les sermons de la gauche mondialisée.

L’événement éco-diplomatique de l’année

Ce voyage n’est pas une tournée protocolaire. C’est une OPA géopolitique. Trump ne vient pas faire des alliances, il vend un produit : l’Amérique comme actif stratégique. Et les investisseurs du Golfe, eux, ne s’y trompent pas.

C’est inédit : jamais Washington n’a noué une telle chaîne d’accords interconnectés, liant pétrole, tech, défense, finance et logistique. Un axe Golfe–Midwest est en train de naître, entre les raffineries de Houston, les chaînes d’assemblage du Sud, les start-ups de Boston et les pétrodollars de la péninsule arabique.

Le Golfe : nouveau cerveau de la stratégie américaine

Un premier déplacement présidentiel, c’est toujours une déclaration d’intention. Dans le cas de Trump, c’est un cri de ralliement. Il tourne la page de l’atlantisme, de la diplomatie des grandes valeurs, des coalitions coûteuses en idéaux. Il choisit une diplomatie des deals — où le profit prime sur le prêche, et le partenariat remplace l’allégeance.

Le Golfe est le terrain parfait pour ce nouveau chapitre : riche, influent, cash-friendly. Ici, pas de débats sur les droits LGBTQ+, pas de débats sur la neutralité carbone. Mais des interlocuteurs prêts à signer, à construire, à avancer.

Si ce voyage se conclut comme prévu, le monde se réveillera dans une autre réalité : le Golfe comme centre névralgique des décisions globales, les États-Unis comme vendeur d’équilibres, et Trump… comme le médiateur commercial du XXIe siècle. Une fusion entre PDG de superpuissance et courtier mondial. Et le tout, sans une seule visite à Bruxelles.

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