RENAULT-NISSAN : RACHIDA DATI CONTRE-ATTAQUE

Paris / La Gazette
Accusée de "corruption" dans l'affaire Renault-Nissan, Rachida Dati contre-attaque et porte plainte contre l'actuel président de Renault
Rachida Dati est, depuis 2001, mise en examen pour « corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public » dans le cadre de l'enquête sur des contrats noués par une filiale de Renault-Nissan alors que Carlos Ghosn était PDG du groupe.
La ministre de la culture, et ancienne ministre de la justice a en effet perçu 900 000 euros d’une filiale de Renault-Nissan, entre 2020 et 2012. A cette période, Rachida Dati était avocate et députée européenne. Était-ce illégal ? Oui s’il s’agit d’un emploi de complaisance ayant pu masquer un lobbying au Parlement européen, ce qui est interdit pour les eurodéputés . Non s’il s’agit d’honoraires liés à sa qualité d’avocate.
Or, à cette époque, Rachidta Dati avait effectivement été engagée par le groupe, tout comme le criminologue Alain Bauer, également inquiété dans cette affaire. Pourquoi alors cette mise en examen ?
Petit retour sur l’origine de l’affaire.
Renault-Nissan, ton univers impitoyable...
Carlos Ghosn, alors PDG de Renault-Nissan, a été arrêté à l’aéroport de Tokyo le 19 novembre 2018 et inculpé de de plusieurs chefs d’accusation. Il est notamment accusé par les responsables de Nissan, et anciens collaborateurs proches de Ghosn, de ne pas avoir déclaré plus de 80 millions de dollars (70 millions d'euros) de rémunérations additionnelles versées de manière différée par Nissan pour la période 2010-2018 et d'avoir fait passer dans les comptes de Nissan des pertes sur des investissements personnels.
Le constructeur japonais l’écarte immédiatement de la présidence et Renault le remplace le 24 janvier par Jean-Dominique Senard au poste de président et par Thierry Bolloré au poste de directeur général.
Carlos Ghosn dément les accusations portées à son encontre et se dit victime d'une trahison de la part de dirigeants de Nissan opposés à ses projets de renforcement de l'alliance avec Renault. La soumission à un constructeur français aurait froissé la fierté de samourais de ses collaborateurs nippons. Le 29 décembre, après une libération sous caution, il s’enfuit de manière rocambolesque à Beyrouth, caché dans un flight-case de musicien.
Dès ce moment, les nouveaux dirigeants ont engagés un certain nombre d’enquête pour vérifier – ou tenter de prouver - les éventuelles transactions frauduleuses de Carlos Ghosn. Tous les contrats conclus par celui-ci sont systématiquement entachés de soupçons. Nissan fait notamment pression sur Renault pour qu’il examine les paiements effectués à des conseillers extérieurs français. Or l’alliance Renault-Nissan (RNBV), domiciliée aux Pays-Bas, a précisément versé des honoraires à Rachida Dati et Alain Bauer. En réalité, Nissan veut démontrer que les fonds de RNBV ont servi davantage les intérêts de Renault que ceux de l'alliance, afin de prouver un complot du Français pour s’emparer purement et simplement du fleuron japonais de l’automobile.
Or, Claudine Pons, conseillère en communication, Alain Bauer, consultant sur les questions de sécurité, ont effectivement été engagés par Renault pour conseiller l’entreprise après la fameuse affaire des fausses accusations d'espionnage contre des dirigeants de Renault en 2011. Quant à Rachida Dati, elle a été officiellement engagée comme conseillère juridique à la suite de son départ du gouvernement en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Nissan, de son côté, affirme, par la voix de son porte-parole Travis Parman, n’avoir pas été informé de cette relation entre RNBV et Rachida Dati.
Dommage collatéral
En réalité, rien ne permet de soupçonner la moindre infraction légale de la part de Rachida Dati. L’audit diligenté par la nouvelle direction de Renault, confirme que les comptes présentaient bien une ligne d'honoraires à des consultants, non détaillés, pour un montant qui dépassait 20 millions d'euros en 2015 "C'était une convention d'avocat qui répondait aux règles des avocats", rappelle Me Olivier Pardo, avocat de Rachida Dati.
Celle-ci quant à elle, confirme que ces rémunérations ont été déclarées en toute transparence aux impôts, à la Haute autorité, et au Parlement européen.
Aucune accusation n’a donc été formulée contre l’actuelle ministre de la culture jusqu’à ce qu’une plaignante, Danièle Baduel, porte plainte contre Rachida Dati, en faisant état de "soupçons" sur "l'usage inconsidéré des fonds de Renault" par son ancien PDG. "Les contrats sont douteux de par leurs montants, effectués au profit d'une filiale n'ayant aucune salarié", avait assuré son avocat, Me Jean-Paul Baduel, qui n’est autre que le mari de la plaignante – aujourd’hui décédée. L’avocat, grand amateur de coups médiatiques, aurait fait acheter à son épouse une action de Renault-Nissan, afin de lui permettre de mener cette action en justice. Rachida Dati avait d’ailleurs annoncé porter plainte elle-même contre l’avocat.
Rachida Dati porte plainte
Tout cela, le nouveau président du conseil d'administration de Renault, Jean-Dominique Senard, ne pouvait l’ignorer. Selon Rachida Dati, la raison de la procédure dont elle est objet paraît évidente : Après la chute de Carlos Ghosn, le nouveau président avait besoin d’apparaître comme le « chevalier blanc » de l’entreprise, et prouver que toutes les dépenses et tous les contrats engagés par son prédécesseur étaient entachés d’irrégularités. Rachida Dati et Alain Bauer se sont ainsi trouvés dans la position de victimes de dommage collatéral de l’affaire Gohn. Mais accuser quelqu’un alors que l’on sait qu’il est innocent est un délit, et Jean-Dominique Senard avait forcément connaissance de la régularité du contrat passé entre RNBV et Rachida Dati.
Voilà pourquoi l’ancienne ministre de la justice a décidé de poursuivre Jean-Dominique Senard pour entrave à la justice et omission de témoigner en faveur d'un innocent.
Rachida Dati a donc saisi le tribunal correctionnel de Nanterre via la procédure dite de "citation directe" afin de faire comparaître Jean-Dominique Senard le 23 mai. Dans cet acte, l'avocat de la ministre accuse le président de Renault d'avoir "dissimulé et fait dissimuler à la justice française des documents essentiels de nature à innocenter madame Rachida Dati d'infractions qui lui sont reprochées".
La citation note que "le but recherché par Jean-Dominique Senard était d'accabler Carlos Ghosn dans une volonté générale de dénigrement et de critique des choix de son prédécesseur", avec "une volonté claire d'omerta, destinée à accabler artificiellement madame Rachida Dati pour atteindre Carlos Ghosn".
Cette affaire où se mêlent trahisons multiples, mégalomanie d’un dirigeant, rivalités personnelles, fiertés nationalistes, polituque et argent, n’est pas une bonne affaire non plus pour de Jean-Dominique Senard. Même s’il se dit « serein face à cette nouvelle action, qui n’est fondée ni en droit ni en fait », selon les mots de son avocat, Me Antonin Levy, le fait de s’être impliqué, volontairement ou non, dans les basses manœuvres du couple défait Renault Nissan, n’est pas de bonne augure à la veille des prochains changements annoncés à la tête de Renault.
Quant à Rachida Dati, elle ne souffrira probablement pas, au contraire de cet acharnement judiciaire, elle qu’un récent sondage Ipsos - La Tribune du Dimanche place largement en tête des prochaines élections municipales de Paris