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LE FORUM DE LA DIPLOMATIE D’ANTALYA ET LE CHOIX DE LA TURQUIE

6 Mars 2024 23:04 (UTC+01:00)
LE FORUM DE LA DIPLOMATIE D’ANTALYA ET LE CHOIX DE LA TURQUIE
LE FORUM DE LA DIPLOMATIE D’ANTALYA ET LE CHOIX DE LA TURQUIE

Paris / La Gazette

Le week-end dernier, j'ai eu l'occasion de suivre le Forum de la Diplomatie d'Antalya organisé par le ministère turc des Affaires étrangères. Au cours de ce forum, où de nombreuses questions relatives aux priorités de la politique étrangère turque ont été débattues, le problème de la reconstruction du système international à une époque d'instabilité régionale et de défis mondiaux a été le thème principal pour moi.

Nous vivons une période où le système international "fondé sur des règles" établi par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale n'a ni résolu les problèmes ni assuré la stabilité. Dans le forum où la prise de conscience de ce problème fondamental a été mise en avant, la discussion réaliste sur les possibilités et les limites de la diplomatie a montré que la Turquie est à la recherche d'un leadership bien ancré. Contrairement à de nombreuses réunions internationales où un paradigme général prédéterminé est présenté aux participants, nous avons vu que le cadre conceptuel a été créé par les contributions des participants eux-mêmes. Cette approche montre que le leadership fort de la Turquie est à la fois humble et axé sur la résolution des problèmes avec la participation des parties prenantes.

CRISE DU SYSTÈME

On peut dire que les conséquences de la crise du système international sont devenues le thème commun des sessions du Forum. L'exemple le plus concret, le plus actuel et le plus brûlant de cette crise systémique est, bien sûr, Gaza. Nous constatons que les grandes puissances utilisent leur droit de veto dans le système international en fonction de leurs propres intérêts et en privilégiant clairement Israël. Au lieu d'insister sur l'application cohérente des normes du système international, qui sont censées être universelles, la légitimité du système est détruite lorsque certains pays comme Israël sont considérés comme des "exceptions". Cependant, le fait que cela ne suffise pas à créer un nouvel ordre est peut-être l'un des points les plus cruciaux de cette crise. Dans un système où les puissants peuvent faire tout ce qu'ils veulent, la thèse selon laquelle les parties prenantes doivent respecter les règles de la paix et de la stabilité internationales en dépit de leurs propres intérêts nationaux n'a plus aucun sens.

Il était important que le Forum comprenne des sessions sur la solution de nombreuses zones de crise, ainsi que des recherches conceptuelles critiques mais constructives centrées sur la crise systémique. Les sessions organisées par le Centre d'études stratégiques (SAM) ont notamment donné lieu à des discussions conceptuelles sur des questions telles que l'occidentalisme, le racisme et l'islamophobie, ainsi qu'à une évaluation de l'application concrète d'outils diplomatiques tels que les garanties dans le contexte de la Bande de Gaza. Cette approche reflète la critique de longue date de la Turquie à l'égard du système, tout en se concentrant sur la recherche de solutions. Il est clair que la géopolitique régionale ne permet pas d'attendre l'émergence d'un nouvel ordre plus stable. Les crises régionales brûlantes et les projections de défis mondiaux créent une dynamique qui pousse constamment la Turquie vers un leadership actif.

L'APPROPRIATION RÉGIONALE

L'évaluation correcte de la position de pays comme la Turquie dans le système international et la formulation d'une politique étrangère déterminent en conséquence les limites de leur leadership stratégique. En tant que leader régional, nous avons déjà vu les efforts de la Turquie pour rassembler les pays arabes et musulmans dans une politique commune sur Gaza, ainsi que ses propositions concrètes pour l'établissement d'un État palestinien. Consciente d'être l'une des parties prenantes régionales du système international, la Turquie n'a pas hésité à adresser les critiques les plus fondamentales à ce système. L'approche de la Turquie, qui consiste à repousser les limites des possibilités du système tout en réfléchissant à des solutions différentes et originales, a conduit à une politique étrangère efficace sur les questions régionales et mondiales.

La Turquie est un pays qui doit, d'une part, faire face à des problèmes extrêmement complexes et, d'autre part, saisir des opportunités stratégiques qui ne sont pas à la portée d'autres pays. La gestion des questions générées par cette géopolitique rend nécessaire une politique étrangère dynamique. Le cadre conceptuel de cette politique étrangère doit être solide et ses recommandations pratiques doivent être applicables. Il est clair que le forum de la diplomatie d'Antalya sera l'une des plateformes où le leadership intellectuel et stratégique de la Turquie sera "produit et découvert" dans les années à venir. Ce sera un gain stratégique si l'approche formulée par le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan, à savoir "l'appropriation régionale", devient une continuité dans la politique étrangère turque. Il est possible d'évaluer cette approche comme une objection à une approche qui se contente de présenter des "documents de position" sur les plateformes internationales et de laisser les questions régionales et mondiales critiques aux négociations diplomatiques entre les grandes puissances. Plutôt que de se contenter de se plaindre en renvoyant les problèmes et les solutions à d'autres, la politique étrangère turque préfère consciemment agir avec les parties prenantes pour créer différents terrains d'entente et alliances.

Par Kadir Ustun

(Source Yeni Safak)

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