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POURQUOI LE RAPPROCHEMENT ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE CONTRARIE AUTANT CERTAINS ÉLUS FRANÇAIS ?

27 Décembre 2023 19:28 (UTC+01:00)
POURQUOI LE RAPPROCHEMENT ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE CONTRARIE AUTANT CERTAINS ÉLUS FRANÇAIS ?
POURQUOI LE RAPPROCHEMENT ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE CONTRARIE AUTANT CERTAINS ÉLUS FRANÇAIS ?

Paris / La Gazette

Depuis le 7 décembre, les relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, à couteaux tirés après presque 30 ans d’occupation et la libération-éclair par l’Azerbaïdjan des territoires occupés du Karabakh, sont en train de se normaliser.

Il faut dire que cette situation ne profitait à personne. Ni à l’Azerbaïdjan, qui voyait une partie de son territoire occupée par des forces étrangères malgré les protestations de l’ONU, ni à l’Arménie, amenée, sous la pression de nationalistes largement soutenus par la diaspora à l’étranger, à se ruiner pour un bout de terre situé loin de ses frontières. L’Arménie se trouvant ainsi en situation économique désastreuse faute de pouvoir échanger librement avec ses voisins, et devant soutenir un effort de guerre absurde.

La reprise de la ville de Khankendi fut pour les Azerbaïdjanais une victoire capitale, et pour le premier Ministre arménien Pachinyan, l’opportunité de se débarrasser de ce conflit et de passer à autre chose, notamment au rétablissement des relations avec ses proches voisins, l’Azerbaïdjan, la Turquie, et également toute la zone de l’Asie Centrale. Une chance de désenclavement pour un pays au bout du rouleau.

Le 7 décembre 2023, L'Administration présidentielle de la République d'Azerbaïdjan et le Bureau du Premier Ministre de la République d'Arménie publiaient une déclaration commune stipulant que « La République d'Arménie et la République d'Azerbaïdjan partagent l'opinion qu'il existe une chance historique de parvenir à une paix tant attendue dans la région. Les deux pays réaffirment leur intention de normaliser leurs relations et de parvenir à un traité de paix sur la base du respect des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale. Suite aux négociations entre l'Administration présidentielle de la République d'Azerbaïdjan et le Cabinet du Premier Ministre de la République d'Arménie, il a été convenu de prendre des mesures concrètes visant à renforcer la confiance entre les deux pays. »

Les premiers actes concrets ont été la libération simultanée de prisonniers militaires, et également le retrait de l’Arménie de la candidature à l’organisation de la prochaine COP 29 et son soutien à la candidature de l’Azerbaïdjan.

De même, la République d'Azerbaïdjan a soutenu la candidature arménienne à l'adhésion au Bureau de la COP du Groupe d'Europe orientale.

« La République d'Arménie et la République d'Azerbaïdjan poursuivront leurs discussions pour la mise en œuvre de mesures de confiance supplémentaires dans un avenir proche, et appellent la communauté internationale à soutenir leurs efforts qui contribueront à renforcer la confiance mutuelle entre les deux pays et auront un impact positif sur toute la région du Caucase du Sud. » a conclu le communiqué.

Tout le monde devrait donc se réjouir de la fin prochaine de cet affrontement fratricide qui a fait tant de dégâts de part et d’autre. Tout le monde ? Pas tout à fait.

Une paix qui ne fait pas plaisir à tout le monde

Il semble que certains élus français, qui ont soutenu mordicus, envers et contre toute réalité sur le terrain, les séparatistes arméniens du Karabakh soient particulièrement contrariés de cette démarche de paix qui anéantirait les prétextes invoqués pour justifier des mois de déclarations belliqueuses à l’égard de Bakou.

Huit élus, parmi lesquels Anne Hidalgo et Xavier Bertrand, signent dans le journal « La Tribune Dimanche» du 17 décembre 2023, une déclaration protestant contre le choix de l’Azerbaïdjan (décidé avec le soutien de l’Arménie) pour accueillir la COP 29. Reprenant leur leitmotiv selon lequel la libération des territoires azerbaïdjanais, occupés depuis presque 30 ans, seraient « un coup de force militaire de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie et le Haut-Karabakh », ils ajoutent que la tenue de la COP 29 à Bakou « serait en effet inévitablement utilisée par le régime pour se blanchir de ses agressions et de ses atteintes au pluralisme et aux droits de l’homme »,« blanc-seing donné au régime dictatorial du clan mené par Ilham Aliev » et concluent que ce choix serait « le rendez-vous de la honte et du déshonneur »

Sur le fond, ainsi que l’a rappelé l’ambassadrice Leyla Abdullayeva dans son droit de réponse à la Tribune, « la décision d'organiser la COP29 à Bakou a été prise à l'unanimité, y compris avec le soutien de la France et de l'Arménie - même, qui a retiré sa candidature au profit de l'Azerbaïdjan ». Quant aux qualificatifs peu amènes employés par les signataires à propos du régime azerbaïdjanais, l’Ambassadrice fait remarquer que « L'Azerbaïdjan est un État jeune - indépendant seulement depuis 1991 - engagé dans un réel processus démocratique, réellement laïc, attaché à l'égalité homme-femme (les femmes y ont d'ailleurs eu le droit de vote 26 ans avant les Françaises) et en plein développement économique. À ce titre, bien que producteur d'hydrocarbures, l'Azerbaïdjan est engagé dans un ambitieux programme de production d'énergie décarbonée. L'Azerbaïdjan, plus grande économie de la région, est donc un partenaire de confiance et un membre fiable de la communauté internationale. »

Effectivement, l’Azerbaïdjan, conscient des limites de l’utilisation des hydrocarbures développe un programme ambitieux d’énergies alternatives. Les villes détruites par l’occupation, sont reconstruite sur le modèle de « smart cities », faisant largement appel aux nouvelles technologies ciblées sur la préservation de l’environnement.

Alors, pourquoi continuer à chercher à attiser les haines entre deux pays qui ont décidé de reconstruire des relations de confiance et ainsi d’apporter une paix durable dans la région ?

Naturellement, les arrière-pensées électorales ne sont pas étrangères aux positions de ces élus qui, pour la plupart, gèrent des régions où s’est concentrée la diaspora arménienne, et ont parfois servi de refuge à des membres éminents de la mafia. En tous cas, des boute-feux dont le bien-être de leur compatriotes vivant dans la République d’Arménie, n’est pas la préoccupation principale. Les raisons de cet acharnement contre la normalisation des relations dans le Caucase sont toutefois un peu plus complexes. Qui sont en effet les signataires de cette tribune ?

Anne Hidalgo, une maire de Paris sur la sellette.

Maire depuis 2014, Anne Hidalgo a été réélue « par défaut » en 2020 à la suite d’une catastrophique campagne électorale du mouvement macroniste. On se souvient de l’élimination arbitraire, par l’équipe d’Emmanuel Macron, de Cédric Vilani qui emmènera avec lui une partie des électeurs En Marche, puis de la grotesque affaire de la sextape de Benjamin Grivaud, qui finira de disqualifier le parti présidentiel, lequel perdra une élection théoriquement imperdable, car les Parisiens sont, à ce moment majoritairement opposés à Anne Hidalgo.

Sa gestion financière catastrophique qui passe, pendant son mandat précédent, de 3,4 à 7,7 milliards d'euros de dette, notamment dûe à des travaux pharaoniques pour imposer des pistes cyclables peu utilisées, la suppression des voitures en libre-service Autolib créé par son prédécesseur Bertrand Delanoe, lequel ne lui adresse plus la parole, son changement de partenaire erratique pour le service de velos de location, et la saleté grandissante de la « Ville Lumière », exaspèrent les Parisiens, qui n’en peuvent plus de croiser quotidiennement des milliers de rats.

Depuis, d’autres soucis ont entaché le nouveau mandat d’Anne Hidalgo : les incertitudes concernant l’organisation des Jeux Olympiques, et son voyage en Polynésie notamment.

Pour Anne Hidalgo, il était essentiel de faire diversion et de trouver un combat autour duquel elle pourrait rassembler des soutiens. Ne pouvant, en tant que socialiste, enfourcher le cheval de l’immigration, ce sera la défense du nationalisme arménien, largement soutenu par l’électorat arménien de Paris. Ainsi Anne Hidalgo se rendra, en compagnie des élus LR, en Arménie, et multipliera les déclarations en faveur de la « république » du Haut Karabakh.

On comprend dès lors que la normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et la reconnaissance, par celle-ci, de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, ne soit pas pour elle une bonne nouvelle.

Celui qui veut bouter les musulmans hors des Hauts-de-France

Xavier Bertrand est président du Conseil régional des Hauts de France. Depuis plusieurs années, il a entamé une sorte de « guerre sainte » contre ce qu’il appelle « l’islam politique ». En réalité, c’est contre les musulmans dans leur ensemble que Xavier Bertrand mène sa bataille. Une bataille commencée par la mise sous tutelle de la mosquée de Villeneuve-d’ascq, puis, aux côtés de Gerald Darmanin, l’expulsion de l’imam Iquioussen, dont les prêches, comme l’attestent les nombreuses videos circulant sur le net, appellent pourtant au respect des lois, des autres religions, et de la laïcité. C’est enfin les tentatives de supprimer les subventions au Lycée musulman Averroes de Lille, d’abord retoquées par le Conseil d’État, puis réitérées ces derniers jours, malgré le fait que les financements de l’établissement aient été déclarés et autorisés par l’État et que les dernières inspections n’ont relevé à son égard que l’excellence de l’enseignement de ce lycée, qui avait été déclaré le meilleur de France.

Ce que le président de la région cherche, c’est tout simplement l’invisibilisation de l’islam en France. Il n’est pas étonnant dans ces conditions de le voir étendre son obsession de « l’ennemi de l’intérieur » à la politique internationale et de le retrouver, dans cette tribune, aux côtés de Bruno Retailleau qui considère le conflit Azerbaïdjan-Arménie comme un conflit civilisationnel. Ce qui est plus surprenant de la part d’un Xavier Bertrand qui s’est toujours positionné comme le chantre de la laïcité, c’est de le voir soutenir un pays qui possède une religion d’État, l’Arménie, contre le premier pays totalement laïque de la région, l’Azerbaïdjan.

Où est l’esprit de Noël ?

Bref, la nouvelle donne que constitue le rapprochement entre les deux pays du Caucase du sud prive les va-t-en-guerre d’un alibi civilisationnel pour justifier leur propre ligne de politique intérieure. Une mauvaise nouvelle également pour les nationalistes arméniens de la diaspora qui avaient trouvé un moyen de rassembler la communauté autour d’un ennemi commun, tout en restant bien sûr physiquement à l’abri des armes et du sang.

Malgré les gesticulations d’une partie de la classe politique française, le chemin vers la paix et l’équilibre de la région est désormais tracé. Les résolutions de l’ONU, même si cela a dû l’être par la force, sont désormais respectées, et les deux pays peuvent enfin retrouver la fraternité qui n’aurait jamais dû être brisée, s’ils n’avaient pas été, depuis des siècles, le jouet des puissants empires voisins.

On aurait aimé entendre ces politiciens qui se réclament tant de « l’esprit de Noël », se réjouir des démarches de paix des deux pays et leur souhaiter le succès dans cette entreprise.

La position officielle de la France semble en revanche aller exactement dans ce sens. La France a d’ailleurs voté, aux côtés de l’Arménie et de l’AzerbaÏdjan, en faveur de l’organisation de la COP 29 à Bakou. On attend maintenant un geste fort de la part du président Macron pour mettre un terme à ces positions xénophobes à l’égard de l’Azerbaïdjan.

Il est étonnant de constater combien il est aisé, pour les nations, de s’entendre, dès l’instant où les autres ne s’en mêlent pas. Comme le disait Jean-Paul Sartre dans Huis clos : « L’enfer, c’est les autres ».

Jean-Michel Brun

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