GUERRE EN UKRAINE - L'OCCIDENT ET LA GYMNASTIQUE DE L'AMBIGÜITÉ

Paris / La Gazette
Face à Vladimir Poutine, le monde occidental semble se trouver balancé entre deux courants : d'une part le punir, le considérant comme l'ennemi de l'ensemble du monde civilisé et d'autre part, continuer à collaborer avec lui , estimant que le risque est trop grand de se mettre à dos une puissance dont il a besoin, en matière énergétique, économique et diplomatique. Le choix semble être de faire les deux à la fois...
En décembre 2021, le Kremlin a présenté aux pays de l'OTAN les « propositions de garanties de sécurité », qui étaient en fait un ultimatum : interdiction pour les pays post-soviétiques d'adhérer à l'OTAN, retour des forces de l'Alliance aux frontières de mai 1997 et plusieurs autres conditions. Pour de nombreux analystes, il apparaît clairement que la Russie veut réintégrer, par la force ou sous la menace de la force, toutes les anciennes républiques soviétiques, et reprendre le contrôle des États baltes et de l'Europe de l'Est. Les fantômes de l'ancienne grandeur et puissance de l'Union soviétique continuent à nous hanter.
Après le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreux pays, au nom du respect du droit international, se sont unis dans un même soutien à l'Ukraine. Mais il est clair que le niveau d'opposition à la Russie varie d'un pays à l'autre. Certains affichent une position intransigeante à l'égard du Kremlin, tandis que d'autres apparaissent plus hésitants, et mettent en avant leur intérêt national.
Actuellement, le CIO est en débat à propos de l'acceptation ou non, aux jeux de Paris de 2024, des athlètes russes et biélorusses. Les partisans du boycott jugent qu'il serait immoral que des représentants d'un pays agresseur, dont on ne compte plus les victimes civiles, participent à la compétition et y soient honorés. D'autres considèrent que les athlètes ne sont pour rien dans la politique de leur dirigeant, et que ce serait même une double peine que de les privés de compétition. Ceux-là préconisent une participation individuelle, sans drapeau national. D'autres enfin estiment que c'est précisément l'esprit olympique, tel qu'il a été défini par Pierre de Coubertin, que d'exclure toute référence à la politique, et que l'arène sportive doit être un hâvre de paix. Les JO de Berlin en 1936 ont mis, c'est vrai, cette théorie plutôt à mal.
Sur le plan politique, la France défend, et a toujours défendu l'Ukraine, lui envoyant notamment un armement sophistiqué, même si son aide n'est pas comparable à celles de la Pologne ou de la Grande-Bretagne.
"En même temps", Emmanuel Macron s'est déclaré inquiet d'une éventuelle défaite de la Russie. Une opinion qu'il a exprimée dans une interview au Journal du Dimanche à la suite de la récente Conférence de Munich sur la sécurité : « Je ne pense pas, comme certains, qu'il faut défaire la Russie totalement, l'attaquer sur son sol. Ces observateurs veulent avant tout écraser la Russie. Cela n'a jamais été la position de la France et cela ne le sera jamais », a-t-il déclaré.
Plus tôt, le président français avait déclaré que l'UE devait trouver la force et le courage de construire un dialogue avec la Russie, sans lequel il ne peut y avoir de paix en Europe. S'il a annoncé qu'il pourrait déchoir le dirigeant russe Vladimir Poutine de son titre de Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur, Emmanuel Macron n'a toujours pas ris cette décision hautement symbolique. Le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale l'obligera peut-être à le faire.
La France et la Hongrie se sont opposées à la proposition de la Commission européenne d'imposer des sanctions au secteur nucléaire de l'économie russe dans le cadre du prochain paquet de sanctions contre la Russie, rapporte Politico. L'énergie nucléaire est une composante-clé de l'économie et de la sécurité énergétique de la France. La Russie a par ailleurs toujours été l'un des principaux partenaires de la France dans ce domaine.
Concernant la fourniture d'armes à l'Ukraine, l'Union Européenne a débloqué la somme de 2 milliards d'Euros pour permette à Kiev d'acheter des armes. Mais le commissaire européen, de nationalité française, Thierry Breton, y a mis la condition que cette somme ne pourrait être affectée qu'à l'achat d'armes de fabrication européenne. Certains observateurs se demandent s'il s'agit réellement de favoriser les industries européennes ou, par un moyen détourner d'empêcher les organisations turques de soumissionner pour ces contrats.
Mais la France est loin d'être la seule à pratiquer la gymnastique de l'ambigüité. Alors que certains pays européens continuent de se fournir en énergie russe par l'intermédiaire d'autres pays, comme l'Inde, Les États-Unis, pourtant fers de lance du soutien à l'Ukraine, ne se cachent plus de commander directement du pétrole à la Russie, afin de ne pas mettre en péril leurs propres réserves.
Real Politik, quand tu nous tient...