KARABAKH : L'OCCASION D'UNE PAIX DURABLE ENTRE L'AZERBAÏDJAN ET L'ARMÉNIE

Paris / La Gazette
Le 15 novembre, lors d'une audition devant la commission des affaires étrangères du Congrès américain concernant l'avenir du Karabakh, James O'Brien, secrétaire d'État adjoint aux affaires européennes et eurasiennes, a fait une déclaration qui a suscité une vive inquiétude en Azerbaïdjan.
Abordant les différends entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et l'évolution de la situation dans le Caucase du Sud, M. O'Brien a affirmé : "Un avenir construit autour de l'accès de la Russie et de l'Iran en tant que principaux acteurs de la sécurité de la région, le Caucase du Sud, est instable et indésirable, y compris pour les gouvernements de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie. Ils ont la possibilité de prendre une décision différente maintenant". Cette déclaration intervient à la suite d'une série de développements indiquant une évolution vers un nouvel ordre de sécurité dans le Caucase du Sud.
À la suite des revers militaires de la Russie en Ukraine et de ses difficultés économiques internes, son influence sur le Caucase du Sud a chuté à des niveaux historiquement bas. Notamment, aucun développement majeur entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan depuis le milieu des années 20 n'aurait été souhaité par le Kremlin. Moscou a assisté à l'érosion progressive de ses bastions régionaux, son projet de longue date, la "carte Karabakh", disparaissant au fur et à mesure que la région revenait sous le contrôle de Bakou. La Russie a été contrainte d'entamer un retrait progressif de sa mission de maintien de la paix dans la région, marquant ainsi la fin d'un projet vieux de deux cents ans.
Cette évolution a coïncidé avec la montée de l'influence d'autres acteurs extérieurs dans la région, en particulier la Turquie et les puissances occidentales. De nombreux observateurs ont pronostiqué une escalade militaire dans la région en raison de ces changements de pouvoir. Ces attentes n'étaient pas sans fondement, car la région est considérée comme extrêmement importante sur le plan de la sécurité par la Russie et l'Iran, qui s'opposent catégoriquement à l'"empiètement" d'autres puissances dans cette zone et menacent souvent de conséquences potentiellement graves si cela se produisait.
Pourtant, la revitalisation de la plateforme de coopération régionale 3+3, qui comprend l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, ainsi que trois puissances voisines (la Turquie, l'Iran et la Russie), est apparue comme une tentative de gérer pacifiquement ce changement de pouvoir régional. La convocation de la réunion ministérielle du cadre 3+3 le 23 octobre dernier, après un retard de deux ans, bien que toujours sans la participation de la Géorgie - comme c'était le cas jusqu'à présent dans la formule 2+3 - peut être considérée comme la première manifestation majeure de cette tentative.
Coïncidant avec l'introduction de l'approche "solutions régionales aux problèmes régionaux" par l'Azerbaïdjan et la Turquie, le cadre 3+3 pourrait caractériser le nouvel ordre de sécurité émergeant dans la région. Il s'agirait d'un ordre qui n'est dominé par aucun autre acteur extrarégional et qui donne plus de poids aux États locaux. Les trois pays de la région, à savoir l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, ont la possibilité de diversifier leur politique étrangère et d'empêcher la domination d'une puissance extérieure sur eux.
Cette structure de sécurité permet à la Russie, à l'Iran et à la Turquie de s'assurer que leurs intérêts et leurs préoccupations seront respectés par ces trois pays locaux. Ainsi, la région obtient une chance unique de reléguer l'hégémonie russe dans le passé et devient un pont entre l'Orient et l'Occident. Les projets de Corridor médian, également connue sous le nom de la Route transcaspienne de transport international (TITR), et de corridor du Zangazur témoignent de cette transformation de la région en un pont entre différents centres de pouvoir.
La déclaration susmentionnée de l'ambassadeur O'Brien suggère que les États-Unis perçoivent ces développements dans le Caucase du Sud d'une manière différente, et d'une manière qui pourrait conduire à des résultats dangereux pour les trois pays du Caucase du Sud. Il est important de noter que le fait de refuser à la Russie et à l'Iran tout accès à l'espace de sécurité régional du Caucase du Sud, comme le prévoit M. O'Brien, pourrait les contrarier de manière significative, ce qui pourrait provoquer des actions de représailles à la première occasion.
Par conséquent, Bakou et, dans une mesure croissante, Tbilissi, s'efforcent de maintenir un équilibre délicat entre les grandes puissances concurrentes. Ils cherchent à éviter de s'aliéner l'une ou l'autre partie en évitant de s'aligner excessivement sur une seule puissance. Dans ce contexte, la politique étrangère du Premier ministre arménien, Nikol Pachinyan, diverge de celle des deux voisins de l'Arménie. M. Pachinyan adopte une approche risquée et aventureuse en contrariant la Russie sans obtenir de garanties de sécurité réalistes de la part de l'Occident. Ses actions d'aujourd'hui risquent de détériorer les relations entre l'Arménie et la Russie, voire de dégénérer en un conflit militaire aux conséquences graves pour l'ensemble de la région du Caucase du Sud. Auparavant, seul le peuple arménien faisait les frais des politiques aventureuses de M. Pachinyan, mais les Azerbaïdjanais et les Géorgiens risquent également d'en pâtir s'il continue à mener sa politique étrangère de manière imprudente.