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Polina Desyatnichenko nous raconte ce qui l'a motivée à déménager du Canada en Azerbaïdjan pour étudier l'art du mugham et apprendre à jouer du tar (PHOTO/VIDEO)

29 Janvier 2021 07:00 (UTC+01:00)
Polina Desyatnichenko nous raconte ce qui l'a motivée à déménager du Canada en Azerbaïdjan pour étudier l'art du mugham et apprendre à jouer du tar (PHOTO/VIDEO)
Polina Desyatnichenko nous raconte ce qui l'a motivée à déménager du Canada en Azerbaïdjan pour étudier l'art du mugham et apprendre à jouer du tar (PHOTO/VIDEO)

Paris / Lagazetteaz

Le mugham est la richesse nationale de l'Azerbaïdjan, un art qui fascine les auditeurs. La puissance du mugham est si grand que, fasciné par sa beauté, il incite les chercheurs - ses et les musiciens de divers coins du monde à l'étudier. Polina Desyatnichenko est l'une d'entre elles. Elle est venue du Canada en Azerbaïdjan il y a quelques années en tant qu'ethnomusicologue.

Polina Desyatnichenko est chercheuse à l'Université de Harvard et a obtenu son doctorat à l'Université de Toronto en 2017. Elle a une grande passion pour l'étude de la culture musicale nationale de l’Azerbaïdjan et des techniques d'interprétation sur le tar.

Polina Desyatnichenko nous raconte où et quand elle a entendu le mugham azerbaïdjanais pour la première fois, ce qui l'a motivée à déménager de Toronto à Bakou pendant plusieurs années, et qui lui a appris à jouer du tar.

- Polina, quand et dans quelles circonstances avez-vous entendu le mugham pour la première fois ?

- J'ai été initiée à la musique azerbaïdjanaise avant même d'avoir entendu le mugham. Mon professeur de piano, Maya Jafarova, est azerbaïdjanaise et j'ai pris des leçons auprès d'elle lorsque j'étudiais au conservatoire. Elle m'a appris à interpréter des chefs-d'œuvre de grands compositeurs azerbaïdjanais - Gara Garayev, Vaguif Mustafazade, Adil Babirov. J'avoue que j'étais tellement fascinée par ces compositions.

Puis Maya Jafarova m'a présenté Ismail Hajiyev, un chef d'orchestre azerbaïdjanais qui vit à Toronto depuis longtemps. Avec leur aide, j'ai commencé à participer à de nombreuses activités de la diaspora azerbaïdjanaise à Toronto. Par la suite, Ismail Hajiyev m'a invitée à me produire avec son orchestre de chambre « Silk Road ». Un trio-mugham composé de Munis Sharifov, Sahib Pashazade et Gullu Muradova est venu d'Azerbaïdjan pour se produire. Vous savez, je me souviens très bien quand j'ai entendu du mugham pour la première fois, ils chantaient « Karabakh shikestesi » et la voix du khanendé m'a tout simplement époustouflée. Le style de performance était si expressif, émotionnel et pénétrant... J'ai beaucoup aimé la dynamique entre les instrumentistes et le chanteur, comment ils, en improvisant, ont hypnotisé le public. Le moment où j'ai entendu la performance de ce trio a été décisif pour moi, il a complètement changé ma vie et mon parcours créatif.

- Qu'est-ce qui vous a poussé à venir en Azerbaïdjan et à vivre ici pendant quatre ans ? L'adaptation a-t-elle été difficile ?

- Au début, j'avais prévu de venir pour un an ou deux ans au maximum. C'était nécessaire pour mes études sur le terrain liées à ma thèse de doctorat à l'Université de Toronto. J'ai rassemblé beaucoup de matériel, j'ai écrit mon travail avec succès, mais j'ai réalisé que ma recherche et mon voyage dans le monde du mugham venaient de commencer... Connaître le mugham est un voyage sans fin, et une fois que vous y êtes, il n'y a pas de retour en arrière. Quand je suis partie au Canada pour écrire mon travail, il me manquait terriblement. En Azerbaïdjan, j'avais des amis proches, des professeurs, et l'art du mugham m'a littéralement attirée. C'est pourquoi je retourne en Azerbaïdjan.

Quant à l'adaptation, je suis venue en Azerbaïdjan en tant que chercheuse en musique et mon but était de glaner des informations pour mon travail, ce qui signifie que je me suis préparée pendant longtemps, que j'ai lu beaucoup sur la culture, la musique, les traditions, la vie quotidienne, que j'ai essayé d'en apprendre le plus possible sur le pays.

Et, ce qui m'a tout de même impressionnée en Azerbaïdjan, ce sont les fortes traditions familiales. J'ai constaté ici que pour la plupart des gens, les valeurs familiales sont une priorité. Pour regarder les performances des artistes de mugham, j'assistais à des mariages azerbaïdjanais. J'étais également très intéressée par les coutumes du mariage, qui sont à la base de la culture azerbaïdjanaise.

- Si je ne me trompe pas, vous aviez l'intention d'écrire un livre après avoir soutenu votre thèse. A-t-il déjà été publié ?

- Après ma thèse, j'ai obtenu un poste de chercheur à l'Université de Harvard, et c'est ce travail qui est lié à la publication de mon livre sur le mugham. Je travaille actuellement sur ce livre. Il est en anglais et si vous le traduisez en français, le titre sonne comme « Mugham - perle de la culture musicale de l'Azerbaïdjan post-soviétique. Aspects créatifs, ethno-psychologiques et sociaux de son existence ».

- Veuillez nous dire pourquoi vous avez choisi le tar, et non, par exemple, le kamancha ou un autre instrument national azerbaïdjanais ?

- Le tar a un timbre inhabituel et hypnotisant. Parfois, quand j'écoute l'instrument, j'ai l'impression qu'il lit de la poésie. L’on peut entendre des dictons philosophiques, des significations profondes... Le tar combine l'émotion, la passion, et en même temps il a de la retenue, de l'austérité. Ce n'est pas sans raison que les gens pleurent lorsqu'ils écoutent une performance sur le tar, surtout lorsque les cordes jaunes sont jouées. La performance sur le tar a de nombreux coups intéressants, cet instrument est riche de sa production sonore. Il y a un coup appelé « jirmag » (« cırmaq »), lorsque vous jouez une note avec un doigt un peu plus haut que celui que vous tenez, comme si vous la grattiez. On a l'impression de se gratter le cœur.

J'ai également été époustouflée par la puissance du tar à transmettre des compositions de Bach, Mozart et Beethoven. Et aussi, en étudiant le tar, j'ai recueilli beaucoup d'informations pour ma thèse de recherche sur le mugham en général.

- Qui vous a appris à jouer du tar, était-ce facile à apprendre ?

- J'ai eu beaucoup de chance car j'ai eu l'occasion d'étudier le mugham avec les plus grands artistes du tar en Azerbaïdjan - Ramiz Guliyev, Aslan Maharramov, Elkhan Mansurov, Valeh Rahimov, Vamig Mammadaliyev et Elkhan Muzaffarov.

Mon premier professeur, Mohammad Amanallahi, est tariste de Tabriz, l'élève de Ramiz Guliyev, il vit près de Toronto, et avant de venir en Azerbaïdjan, j'ai été formée par lui pendant plusieurs mois. Aujourd'hui, mes principaux pédagogues sont Elkhan Mansurov et Vamig Mammadaliev en Azerbaïdjan. Elkhan Mansurov est le successeur de l'école de Bahram Mansurov. Ce style d'interprétation exige une très bonne technique et la maîtrise de différents coups. En fait, l'essentiel n'est pas la vitesse, mais plutôt l'expressivité...

Avec Vamig Mammadaliyev, j'étudie la manière des taristes Ahmed Bakikhanov et Hadji Mammadov. Le style de Vamig Mammadaliyev réunit ces deux écoles. Ce style est plus virtuose en termes de vitesse et est plus populaire de nos jours.

- Pour chaque musicien, son premier instrument est très important. Pourriez-vous nous parler de votre premier tar ? Comment l'avez-vous obtenu et combien d'instruments avez-vous pour l'heure dans votre collection ?

- En effet, mon premier instrument m'est trop cher. Je l'ai acheté le premier jour de mon arrivée en Azerbaïdjan. J'avais déjà établi des contacts avec des musiciens et des professeurs locaux avant de mon arrivée à Bakou, et quand je suis venue ici, je suis immédiatement allée à l'école de musique Bulbul, dans la classe d'Aslan Maharramov. Sur ses conseils, j'ai acquis mon premier tar. Je me souviens très bien des premiers jours, semaines et mois en Azerbaïdjan. J'étudiais pendant six ou sept heures par jour avec Aslan Maharramov et Ramiz Guliyev. J'étais obsédée par le désir d'apprendre à jouer de cet instrument magique, j'ai sacrifié du temps pour atteindre mon but. Et tout cela avec mon premier tar. Maintenant, j'ai déjà trois instruments.

- Partagez vos impressions sur Bakou - certains appellent cette ville « Dubaï européen », d'autres « Paris caucasien », et comment la décririez-vous ?

- Bakou est en effet l'une des plus belles villes du monde. Elle allie traditions et modernité, ce n'est pas sans raison qu'on l'appelle un pont entre l'Ouest et l'Est. Je suis follement amoureuse de cette ville, beaucoup de mes plus chers souvenirs de cœur sont associés à Bakou. J'aime le boulevard, la mer Caspienne, l'architecture inspirante de la Vieille ville (Itchericheher), le Centre Heydar Aliyev, la Salle philharmonique... Chaque coin de Bakou a quelque chose d'inhabituel et de nombreux endroits ont une saveur historique unique.

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