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CORRIDOR DE LATCHINE : LA ROUTE DE L'INTOX

22 Janvier 2023 15:45 (UTC+01:00)
CORRIDOR DE LATCHINE : LA ROUTE DE L'INTOX
CORRIDOR DE LATCHINE : LA ROUTE DE L'INTOX

Paris / La Gazette

L'Arménie et l'Azerbaïdjan se sont fait la guerre il y a deux ans et ont signé un accord pour mettre fin aux hostilités, mais les tensions entre ces deux pays au sujet de la région du Karabakh persistent. L'épisode le plus récent concerne des écologistes azerbaïdjanais qui manifestent sur la route de Latchine - la seule route reliant l'Arménie au Karabakh, une région internationallement reconnue comme faisant partie de l'Azerbaïdjan. Les revendications des manifestants sont de mettre fin à l'exploitation minière illégale au Karabakh et d'empêcher le transfert de minéraux en Arménie de cette région azerbaïdjanaise.

La fiction dépasse la réalité

Les manifestations sont également liées à l'utilisation par l'Arménie de la route de Latchine pour transporter des fournitures militaires au régime séparatiste du Karabakh. En outre, le refus d'Erevan de débloquer des liaisons de transport à travers son territoire, conformément à la déclaration trilatérale du 10 novembre 2020, continue d'alimenter les tensions.

La route de Latchine est censée être sous la protection des soldats de la paix russes qui sont stationnés sur le territoire azerbaïdjanais depuis novembre 2020 à la suite de l'accord signé entre l'Azerbaïdjan, la Russie et l'Arménie pour mettre fin, à la déuxième guerre du Karabakh. Ils sont également chargés d'assurer la sécurité des points d'entrée et de sortie de cette route. Dans un contexte plus large, cependant, le rôle des quelque 2 000 soldats de la paix russes est resté vague après leur déploiement. L'absence de rôles, de responsabilités et d'activités clairement définis dans l'accord 2020 devient maintenant un problème. Le rôle des forces de maintien de la paix a également été critiqué par l'Arménie, tout récemment lors de la réunion du cabinet le 22 décembre, lorsque le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a déclaré que Moscou ne remplissait pas ses obligations dans le cadre de l'accord de novembre 2020.

Le ministère des Affaires étrangères de Bakou a nié que la fermeture de la route de Latchine ait créé une crise humanitaire.

Le ministère a insisté sur le fait que la route était toujours ouverte aux forces de maintien de la paix russes, à la Croix-Rouge et aux véhicules médicaux, ajoutant que le gouvernement d'Azerbaïdjan était prêt à répondre à tous les besoins humanitaires de ses résidents arméniens.

Les manifestations persistent sur cette route terrestre depuis le 12 décembre 2022. Bien que l’Arménie insiste sur un certain « blocus » sur cette route, le Centre d'analyse des relations internationales de l’Azerbaïdjan, également connu sous le nom d'Air Center, a révélé le nombre total de véhicules qui ont circulé sur la route Latchine-Khankendi dans les deux sens depuis la mi-décembre 2022.

Selon un rapport publié par le Centre, du 15 au 31 décembre, un total de 205 véhicules appartenant à la mission temporaire russe de maintien de la paix et au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont utilisé la route pour se déplacer dans les deux sens. Au cours de la période considérée, le trafic le plus élevé sur la route a été observé le 28 décembre (41 voitures), le 29 (31 voitures), le 27 (19 voitures) et le 30 (17 voitures). Le flux de véhicules s'est ralenti la veille du Nouvel An, le 31 décembre, lorsque seulement deux véhicules ont circulé sur cette route.

Ce centre a également signalé que le nombre de véhicules passant par la route Latchine-Khankendi a presque doublé depuis début janvier. Ainsi, le nombre total de voitures ayant emprunté cette route au 17 janvier s'élevait à 386. La route a servi à 42 véhicules de la mission russe de maintien de la paix et du CICR le 11 janvier, tandis que 37 voitures, 33 voitures et 32 voitures ont circulé sur la route les 12, 14-15 et 16 janvier, respectivement. Les 3, 5, 6, 9, 13 et 17 janvier, le trafic comprenait plus de 20 véhicules par jour.

Mais les autorités et les médias arméniens ainsi que les médias étrangers comme en France ne cessent de présenter ces manifestations des écologistes azéris comme une tentative de bloquer la route qui relie l'Arménie aux Arméniens de souche vivant dans la région du Karabakh. Cependant, le gouvernement et les médias azerbaïdjanais ont présenté des preuves démontrant que la route Latchine-Khankendi(principale ville de la région du Karabakh) est librement utilisée par les casques bleus russes pour les cargaisons humanitaires, ainsi que pour les ambulances et les civils, y compris les membres des familles des casques bleus.

Le Karabakh, un contexte oublié

On rappelle, qu'en vertu de la déclaration trilatérale de cessez-le-feu du 10 novembre 2020, le couloir de Latchine, bien que contrôlé par les "Forces russes de maintien de la paix" fait partie intégrante du territoire azerbaïdjanais, de même que le Haut-Karabakh. Et même si le statu-quo permet, autour de Khankendi, le maintien d'une administration arménienne protégée par les forces russes, cela n'autorise nullement celle-ci à exploiter le sol azerbaïdjanais, et encore moins à y établir une "république", d'ailleurs reconnue par personne, y compris l'Arménie, et encore moins encore à y faire transiter des armes et des produits illicites.

Le rétablissement de l'entière souveraineté de l'Azerbaïdjan sur ses propres terre serait la meilleure solution, à la fois pour l'Azerbaïdjan qui a souffert pendant 30 ans de l'occupation arménienne, pour l'Arménie, qui mérite d'entretenir des relations normales et apaisées avec ses voisins, et pour les Arméniens d'Azerbaïdjan, qui ne demandent, finalement qu'à être traitées comme les autres ethnies présentes dans le pays. Mais les activistes arméniens ne l'entendent pas de cette oreille, et c'est leur vision irrédentiste qui continue à tracer leur feuille de route.

La route de l'intox

Ils sont appuyés en cela par la diaspora, notamment en France, où elle est puissante, et par les politiques qui pour des raisons qui n'ont pas forcément à voir avec les réalités de la politiques locale, soutiennent cette feuille de route, parfois d'ailleurs fort maladroitement. Par exemple, un tweet de la députée européenne Nathalie Loiseau reprend une communication du site Renew Europe, censée démontrer la situation dramatique des Arméniens du Haut-Karabkh, et qui est illustrée par une photo d'Aghdam "L'Hiroshima du Caucase", ville azerbaïdjanaise entièrement détruite pendant l'occupation arménienne.

Cette intox est en réalité préjudiciable à tout le monde, y compris pour la présence de la France dans le Caucase, où elle ne jour désormais plus aucun rôle, ni politique, ni économique.

Martin RYAN, un entrepreneur français établi en Azerbaïdjan, a adressé une lettre à Mme Anne GENETET, députée Asie – Océanie – Europe orientale de la 11ème circonscription des Français de l'étranger, sur son inquiétude à l'égard de l'image de son pays hors de ses frontières :

« Entrepreneur français spécialisé dans l’import et la distribution de produits alimentaires, je suis établi depuis 2019 en Azerbaïdjan, un pays qui fait partie de votre circonscription. Comme beaucoup de mes compatriotes qui y résident de façon permanente, je participe, à mon niveau, au rayonnement de la France et je suis très soucieux de son image à l’étranger.

Depuis maintenant plus de deux ans, dès l’instant où l’Azerbaïdjan a pris la décision de libérer ses territoires occupés illégalement pendant 30 ans par les forces armées arméniennes fin septembre 2020, des éléments radicaux de la diaspora arménienne en France mènent sans relâche une véritable campagne anti-Azerbaïdjan et diffusent une propagande mensongère destinée à influencer nos responsables politiques et notre diplomatie. Ces mêmes éléments n’hésitent pas à intimider et à menacer physiquement des élus, des journalistes et tout autre soutien affiché de près ou de loin à l’Azerbaïdjan, et ce, dans l’impunité la plus totale.

A l’instar de la très grande majorité de la classe politique de notre pays, vous êtes, hélas ! Madame la Députée, de par vos prises de position sur le sujet et vos initiatives récentes, en particulier le vote d’une proposition de résolution anti-Azerbaïdjan votée à l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier, l’un des relais de cette propagande en France ; vous contribuez ainsi à exposer et à fragiliser vos propres administrés résidant en Azerbaïdjan et à compliquer le travail de nos diplomates sur place, où l’image de la France s’est considérablement dégradée.

Ces deux dernières années, nous avons été plusieurs Français établis en Azerbaïdjan à avoir déjà fait part de nos inquiétudes à nos responsables élus, et à les avoir notamment alertés sur les dangers que représentent des prises de positions partiales sur le conflit, qui compromettent nos bonnes relations et nos intérêts nationaux sur place. Rappelons que la France a pourtant signé avec l’Azerbaïdjan une charte d’amitié en 1993.

J’en profite pour vous renvoyer tout particulièrement à une lettre ouverte que nous avons adressée au Président de la République, publiée par le site de la revue Causeur le 28 mai 2021, hélas ! restée sans suite, mais qui rend toujours parfaitement compte de la situation sur place.

Aujourd’hui, Madame la Députée, je voudrais donc simplement vous rappeler que le premier devoir d’un élu de la République française est celui de défendre les intérêts des citoyens français, où qu’ils se trouvent, et non ceux d’un pays étranger, fût-il ami, ni ceux d’autres groupes de pression communautaires. A l’instant où j’écris ces lignes, vous effectuez une visite en Arménie, qui fait également partie de votre circonscription. Nous vous attendons donc désormais à Bakou, où vous pourrez rencontrer vos administrés et potentiels électeurs qui sauront vous faire bon accueil et avec lesquels vous pourrez ainsi réfléchir à des initiatives véritablement constructives pour le développement de la paix dans la région."

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