Lagazette

Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs »

8 Mai 2021 20:30 (UTC+01:00)
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs »
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs »

Paris / Lagazetteaz

- Comment tu t'appelles ?

- Albert.

- Quelle est ton nationalité ?

- Juif.

- Qu'est-ce qui motive les Juifs à défendre les terres azerbaïdjanaises ?

- Je suis né dans ce pays et j'y vis.

- Quel est, selon toi, ton devoir en tant que citoyen ?

- Protéger les terres.

- Combien de temps vas-tu te battre ?

- Jusqu'à la fin de la guerre…

Il a été tué héroïquement le 8 mai 1992, alors qu'il défendait la ville azerbaïdjanaise de Choucha contre les agresseurs arméniens. Tout le monde se souvient bien de ces mots du courageux commandant de char, Albert Agarunov, présentés dans une vidéo sur lui. Il les avait prononcés quelques jours avant sa mort héroïque. Son exploit restera à jamais gravé dans nos cœurs.

Cette fois, notre invité était le frère d'Albert Agarunov, Rantik, venu d'Israël pour rendre hommage au héros à l'occasion de l'anniversaire de sa mort. Rantik Agarunov vient souvent à Bakou, surtout le 25 avril, jour de l'anniversaire d'Albert, pour se recueillir devant sa tombe à l'Allée des Martyrs, et maintenant devant le monument commémoratif érigé en mémoire du héros en 2019. Rantik Agarunov prend une part active à la vie sociale des natifs d'Azerbaïdjan en Israël. Dans ce numéro, il a partagé des souvenirs de son frère, de son enfance et de son adolescence.

« Tant d'années ont passé et il est toujours très difficile de parler de mon frère. Mais il est encourageant de savoir que son âme se réjouit maintenant au ciel, car après une trentaine d"années d'occupation arménienne, les terres azerbaïdjanaises, et bien sûr la ville de Choucha, ont été libérées. Albert aimait l'Azerbaïdjan plus que sa vie !

Nous étions 10 dans la famille - 8 frères et deux sœurs, il était le plus jeune, un "sonbeshik" (benjamin), comme on dit en Azerbaïdjan, le préféré de la famille. Son père, Agarun Agarunov, travaillait dans les champs pétrolifères de Surakhani (à Bakou), et sa mère, Lio Izyayevna, était une femme au foyer et avait le titre de "Mère héroïne", nous élevant - dix enfants ! Bien sûr, c'était très difficile, les frères portaient les vêtements et les chaussures les uns des autres, et ce n'était pas une honte, ils n'ont jamais rouspété sur leur sort. De plus, à Amirjan (bourgade de Bakou), comme dans tout l'Azerbaïdjan, tous les gens, quelles que soient leur nationalité et leur religion, vivaient en harmonie, s'entraidaient en toutes choses. Il y avait deux ou trois familles juives à Amirjan, mais nous ne nous sentions jamais seuls, tout le monde était comme une famille ! Et Albert était le préféré non seulement de notre famille mais aussi de tout le village », dit Rantik Agarunov.

Albert avait étudié à l'école secondaire n°154 (à Bakou), qui a ensuite été nommé en son honneur. Il avait 5 ans de moins que Rantik.

« Albert était un garçon très gentil, l'âme de toute société, il aimait faire des blagues, il était très sociable, aidait toujours ses amis et ses voisins, tout le monde l'aimait beaucoup. Bien sûr, comme tous les garçons, il avait eu des bagarres, mais nous - les sept frères - ne l'avions jamais offensé, même s'il pouvait se défendre comme un vrai homme. Et il était le plus grand de la famille, mésurait plus de 1 m 80 cm. Il se passait aussi des choses entre mes frères, nous nous disputions et faisions la paix, mais mes parents ne nous punissaient jamais, nous instruisant de la sagesse de la vie. Albert aimait jouer au football, était très doué, dès l'âge de sept ans il avait également fréquenté l'école de musique d'Amirjan, pouvait jouer de presque tous les instruments, particulièrement bien la trompette, l'accordéon et le piano. Il était le seul de notre grande famille à être musicien ! Il organisait des concerts à la maison et dans la cour en tant qu'homme-orchestre », Rantik Agarunov partage ses souvenirs.

Selon lui, les plats préférés de son frère étaient le Dolma (des feuilles de vigne farcies à la viande, au riz et aux légumes) et le Dushbere, que sa mère cuisinait parfaitement. Et sa matière préférée à l'école était l'histoire.

« Albert était un élève moyen, mais il ne séchait jamais les cours d'histoire. Nous avions tous notre professeur préféré, Tamilla Mustafayevna. Quand Albert est mort, elle était déjà à la retraite, elle pouvait à peine bouger, mais elle est quand même venue de la ville, a beaucoup pleuré, s'est souvenue de lui... Et, bien sûr, Albert aimait ses leçons de travail, car il faisait toujours quelque chose de ses mains, dans ses jeunes années,apprenant lui-même à devenir mécanicien automobile à un jeune âge, aidant les voisins et les parents à réparer leurs voitures. C'est pourquoi, après avoir terminé la 8e année, il était allé étudier à l'école professionnelle n°101, et avait obtenu la profession de mécanicien-conducteur automobile. De plus, il voulait absolument aider sa famille financièrement. Il avait donné son premier salaire à sa mère lorsqu'il avait commencé à travailler à l'usine de construction de machines de Dzerzhinsky », témoigne Rantik Agarunov.

En 1987-1989, Albert fait son service militaire à Akhalkalaki, obtient le grade de sergent, devient commandant de char et reçoit les insignes « Gardes » et « Excellent de l'armée soviétique ».

« En 1988, lors d'un tremblement de terre à Leninakan, son unité est envoyée dans cette ville, où il prend une part active au sauvetage de la population locale et à l'élimination des conséquences de la catastrophe. Lorsque nous avons rendu visite à Albert pendant son service militaire, ses commandants insistaient toujours sur son courage et ses grandes qualités humaines. Avant même de s'engager dans l'armée, lui et son ami, de nationalité Lezgin, étaient allés s'inscrire à l'école militaire de Chernihiv en Ukraine. Albert était entré, mais pas son ami. Ainsi, pour le bien de son ami, il avait refusé d'étudier et était rentré chez lui avec lui. Après la démobilisation, il travaille comme tourneur dans une usine, faisant des plans pour l'avenir, mais l'agression arménienne a changé tous ses plans. Vous savez combien c'était difficile pendant ces années-là, et en 1991, nous avions déjà des documents pour déménager en Israël. J'avais une famille, des enfants. Mais il est venu et a dit : "Je me suis engagé comme volontaire, je vais défendre ma patrie ! Chassons les agresseurs et allons en Israël". Pour lui, les événements du Karabagh étaient une douleur personnelle, nous avons tous accepté sa décision et l'avons soutenu, en reportant son départ. Nous sommes partis en Israël seulement trois ans après sa mort héroïque. Mon frère aîné Ilyar a donné le nom d'Albert à son fils », a déclaré Rantik Agarunov.

En décembre 1991, Albert Agarunov est nommé commandant de char et envoyé sur le front de Choucha. Il a combattu au sein du 777e bataillon à vocation spéciale en direction de Khankendi, Dashalty, Jamilli, la ville de Choucha, et a également formé ses camarades soldats au maniement du char T-72. Il était commandant de char et artilleur, il était connu sur toute la ligne de front : il avait détruit 9 chars, 7 BMP et d'autres équipements ennemis. Le nom d'Albert terrifiait les agresseurs arméniens, qui avaient désigné un grand prix monétaire « pour sa tête ». Agarunov avait sa propre méthode de combat de chars, qu'on appelait au front le « sandwich juif » - il attendait que deux véhicules blindés ennemis s'approchent l'un de l'autre et les formait d'un seul obus.

« Pendant les combats, Albert ne rentre que deux fois à la maison, nous rassurant, nous disant que tout allait bien. La dernière fois, c'était le jour de son anniversaire, le 25 avril 1992, son 23e anniversaire. Nous avions beaucoup d'invités, la table était dressée, et le téléphone a sonné. Maman a répondu au téléphone, ils ont appelé du Ministère de la Défense et ont dit beaucoup de mots aimables sur Albert, l'ont remercié d'avoir élevé un tel fils. Lorsque ma mère a commencé à demander à Albert pourquoi il avait de tels mots de gratitude, il a commencé à plaisanter. Il n'a rien dit à ses parents, il s'est occupé d'eux. Je me souviens très bien de ses derniers mots. On s'est embrassés et j'ai dit : "Prends soin de toi, mon frère", et il a répondu : "Ne t'inquiète pas, mon frère. Tout ira bien, les Arméniens ne prendront jamais Choucha". Il avait donc confiance en lui et en ses compagnons d'armes. Mais tout le monde sait dans quelle situation difficile se trouvait l'Azerbaïdjan à cette époque. Avant la prise de Choucha, sur les trois chars qui défendaient la ville, seul le char d'Albert Agarunov était réellement prêt au combat, détruisant les hommes et les véhicules blindés de l'ennemi », raconte le frère du héros.

Malgré la défense héroïque de la garnison de la ville, qui ne comptait pas plus de 500 hommes, les troupes armées arméniennes, souvent supérieures en nombre et techniquement équipées, ont réussi à capturer la ville azerbaïdjanaise de Choucha.

D'un rapport sur les opérations de combat : «…dirigé par le commandant de section, le quartier-maître Albert Agarunov, resté seul avec Aghababa Huseynov, le char de tête, manœuvrant habilement, arrive en position de tir et d'un tir à bout portant abat un char ennemi. Peu après, l'équipage d'Agarunov frappe le deuxième char de l'ennemi. Changeant de position, Agarunov remarque les corps de ses compagnons d'armes tués dans la bataille sur le sol devant son char. Albert sort du véhicule de combat pour les porter sur le côté. Atteignant les tués, il commence à les porter, et à ce moment-là il est touché par une balle du sniper arménien ».

Après sa mort héroïque, les tankistes azerbaïdjanais ont appelé leurs véhicules de combat "Albert". Lorsqu'il est décidé d'enterrer Albert à l'Allée des Martyrs de Bakou, son père dit aux commandants d'enterrer son fils avec les combattants azerbaïdjanais, car il avait combattu pour l'Azerbaïdjan. Pendant les funérailles, les prières étaient récitées simultanément par un rabbin et un mollah.

« Je me souviens qu'une semaine après sa mort, les voisins sont venus nous voir, demandant à mon père la permission d'organiser un mariage auquel de nombreux invités avaient déjà été conviés. Le père a donné son accord, mais, imaginez que ce mariage ait eu lieu sans musique ! Papa est mort un an après la mort d'Albert, fin mai 1993. Et maman, qui a vécu jusqu'à 88 ans, s'est souvenue et a pleuré son fils jusqu'à sa dernière heure. Nous sommes reconnaissants au peuple azerbaïdjanais pour avoir honoré la mémoire d'Albert, nous honorons tous les martyrs et sommes fiers de leur héroïsme, nous nous réjouissons de la grande Victoire [de l'Azerbaïdjan] sur les occupants. Et en Israël, on accorde un grand respect à la mémoire d'Albert et on organise des événements en son honneur », confie Rantik Agarunov.

Albert Agarunov a vécu une vie courte mais glorieuse et héroïque, sa mémoire est toujours honorée en Azerbaïdjan. Il existe une plaque commémorative à l'entrée de la maison de ses parents à Amirjan. C'est ici que Rantik et ses frères et sœurs séjournent lorsqu'ils viennent en Azerbaïdjan, et ils sont toujours bien accueillis par les voisins. Un coin du héros a été ouvert dans l'école où Albert avait étudié, et son buste a été placé devant le bâtiment. Il existe un musée consacré à Albert Agarunov à l'école juive Chabad Or-Avner. L'une des rues du village de Krasnaya Sloboda, lieu d'implantation compacte des Juifs des montagnes, porte le nom d'Albert Agarunov. À ce jour, plusieurs films documentaires ont été tournés sur lui. Le char T-72, numéroté 533, sur lequel Agarunov avait combattu, est exposé au Musée de l'histoire militaire d'Azerbaïdjan à Bakou.

« Albert a toujours voulu voir l'Azerbaïdjan libre et indépendant. Et son rêve est devenu réalité ! », s'exclame Rantik Agarunov.

Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Slider Image 1
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Le frère du commandant de char Albert Agarunov à propos de l'enfance et de la jeunesse du héros national de l'Azerbaïdjan : « Il était le préféré de sept frères et deux sœurs » - Gallery Image
Loading...
L'info de A à Z Voir Plus