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Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ) : Un exemple de deux-siècles multiculturalisme d’Azerbaïdjan

24 Janvier 2021 21:18 (UTC+01:00)
Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ) : Un exemple de deux-siècles multiculturalisme d’Azerbaïdjan
Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ) : Un exemple de deux-siècles multiculturalisme d’Azerbaïdjan

Paris / Lagazetteaz

La création des colonies allemandes en Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan se trouvait géographiquement sur la Route du Soi et attirait toujours l’attention des commerçants et des voyageurs. Outre cela, ayant les voisins proches et puissants comme la Russie, l’Iran et la Turquie, il présentait aussi un terrain de bataille pour ces pays qui avaient les conflits entre eux. L’intérêt de la Russie à conquérir ces territoires est apparu sous Ivan le Terrible (1530-1584) et a été gardé parfaitement sous Pierre le Grand (1672-1725). Cette campagne militaire permet de comprendre l’importance stratégique élévé du Caucase dans l’affrontement millénaire en Europe. Pierre le Grand et ses généraux constatent la nécessité de la conquête de la chaîne montagneuse Caucasienne. La Grande Guerre du Caucase durait 70 ans, de 1802 à 1872.

Au début du XIX siècle, on assiste à la migration des Russes, des Arméniens, des Allemands, des Kurdes et par la suite des Ukrainiens, des Biélorusses et des Tatars en Azerbaïdjan. En général, l’histoire des migrants allemands en Russie, Aussiedler, a commencé sous la reigne de Catherine II entre 1762 et 1763. Depuis le XVIème siècle, les rives de la moyenne Volga, arrachées aux Tatars, restaient inhabitées. L’impératrice de la Russie, ayant profité de l’occasion et a ordonné l’installation des migrants allemands sur ces territoires. Il a été créé deux zones de peuplements. La première est dans la rive de la Volga, celle de région de Saratov. La deuxième se composait d’une série de colonies à Saint-Pétersbourg, en Transcaucasie, en Ukraine, en Volhynie et en Bessarabie. Ayant accepté l’invitation de Catherine II de venir s’installer sur les rives de la Volga, quelques dizaines de milliers d’Allemands, devenus plus de deux millions un siècle plus tard, pénétrèrent en Asie centrale et nottament sur le territoire de l’actuel Kazakhstan.

Cette immigration des Allemands vers la Russie a été liée à la guerre menée par Napoléon en Europe qui a dévasté et fragmenté l’Allemagne à des dizaines de royaumes. La diversité de point de vue de la religion, créant différentes sectes, a aggravé la situation particulièrement dans le sud des États allemands, surtout dans le royaume du Wurtemberg et a causé le départ de la minorité de cette région vers l’Est, principalement vers le Caucase. D’autre cause de l’émigration des Allemands était la raison de la confession. Ayant des idées fanatiques et estimant qu’il y a des pensées antéchrists en Europe de l’Ouest et que le peuple s’est éloigné de Dieu, ces Allemands préféraient émigrer. Ils étaient sûrs que le dernier jour approchait et pour cette raison il fallait se rapprocher à Jérusalem, la ville choisie par le Dieu même. Une autre cause était l’instabilité politique et économique en Allemagne où il y avait existaient plus de 30 royaumes.

La création de la zone des colonies pour les Allemands au Caucase a commencé au début du XIXème siècle. Après la Première Guerre russo-iranienne (1804-1813), la première étape d’installation a débuté dans les territoires occupés. Le gouvernement russe profitant de l’occasion installait les migrants au Caucase, dans les nouveaux territoires occupées. La première troupe des migrants allemands est arrivée en 1817 par l’ordre du général Yermolov. La plupart des arrivants étaient des originaires du royaume du Wurtemberg. Entre 1817-1818, au total huit colonies ont été créées dans le Caucase, dont deux colonies à Ellenendorf (actuellement Gôygol) et Annenfeld (Chamkir) installés en Azerbaïdjan. 127 familles à Ellenendorf et 67 familles à Annenfeld ont été emménagées. Plus tard, ont été créé encore quatre autres colonies: Georgsfeld, Alekseevka, Grinfeld, Eygenfeld. Vers la fin du XIXème siècle encore un village allemand Cinarli (Tchinarli) a été installé en Azerbaïdjan (Ibrahimov, 1995). D’après Hadjar Verdiyeva (1999), dans les années suivantes le gouvernement russe avait encore l’interet de continuer l’installation allemande. Par contre, les terrains n’étaient pas suffisants. Dans ce cas, le gouvernement a décidé en 1818, l’installation des Allemands sur les territoires d’Elisavetpol (Gandja). Il faut aussi remarquer qu'au début, les émigrés refusaint de s’installer parmi les non-chrétiens.

Au début du XXème siècle, on assiste à la création de deux villages allemands ; Traubenfeld en 1912 dans l’actuelle région de Tovuz et Elizavetinka en 1914 dans l’actuelle région d’Agstafa dans les provinces occupées par la Russie. Les huit colonies allemandes en Azerbaïdjan étaient étroitement liées économiquement et culturellement. La grande majorité des migrants étaient des agriculteurs, qui restaient fidèles à l’agriculture traditionnelle allemande. Pendant la Première Guerre mondiale, la Russie sent une nécessité de russifier les noms des villages allemands. En 1915, les villages comme Ellenendorf deviennent Elenino et Allenfeld devient Annino (Zeynalova, 2002). Le 28 mai 1918 a été proclamée la République Démocratique d'Azerbaïdjan (RDA). Dans le Parlement de la RDA, la communauté allemande a été aussi représenté par Lorenz Kuhn. Le 9 juin 1919, les Allemands d’Azerbaïdjan ont célébré le 100e anniversaire de la création de la première colonie en Azerbaïdjan avec des festivals folkloriques et des expositions (Zeynalova, 2002).

L’augmentation de la population germanique dans ces régions devenait nombreux et s’effectuait en plusieurs étapes jusqu’en 1917 (Huseyn-zade, 2007). Vers la moitié de XX siècle, la situation des Allemands de l’URSS s’aggrave complétement. Plus précisément, à partir de 1939, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la situation politique dans le monde influença beaucoup sur la situation des immigrants allemands de Russie. Après l’attaque de l'Allemagne fasciste sur l'Union soviétique et s’inquiétant de la collaboration avec l’Allemagne nazie, Staline ordonna le déplacement massif des Allemands de la Volga, dont près d'un million, vers l'Est et s’installent après la guerre dans l’Oural, en Sibérie et au Kazakhstan (Dits, 2000).

En octobre 1941, ils ont été déportés en Asie centrale, et ainsi se sont achevés les 122 ans d'histoire des colonies allemandes dans ce pays. La situation a changé seulement, après la mort de Staline en 1953. Les Allemands de l’Union soviétique, comme d'autres peuples victimes de représailles en URSS, ont été réhabilités. Certains d'entre eux sont retournés sur les lieux de résidence, y compris en Azerbaïdjan, mais certains ont émigré vers l'Allemagne.

À partir des années 1980, en profitant de la loi du droit au retour, la plupart des Allemands de la Volga émigrent pour la patrie de leurs ancêtres. Les flux migratoires se sont inversés depuis cette date et continuent en quelques étapes. En 1989, il y avait en URSS 2,9 millions de personnes d’origine allemande. Cette nationalité apparaissait sur la cinquième ligne du passeport de la RSFSR (La République socialiste fédérative soviétique de Russie) – là où d’autres se déclaraient Ukrainiens, Tatars, ou encore Juifs (annexe p. 370). Une grande partie des émigrés russes était en réalité des Aussiedler. Les départs des Allemands de l’URSS prenaient une grande ampleur à compter de 1986 grâce à la nouvelle loi sur l’entrée et la sortie du pays, adoptée par M. Gorbatchev [Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique], le 28 août 1986, et facilitant la réunification des familles. En examinant la population du Kazakhstan entre 1979 et 1994, on voit que les chiffres de la population d’origine allemande ont considérablement évolué à la fin du XXème siècle (Annexe p. 371). Le flux de migrants a été croissant dans la première moitié des années 1990, avec un maximum de 213 000 nouveaux arrivants en Allemagne en 1994, puis a diminué et s’est stabilisé autour de 90 000 nouveaux migrants par an aujourd’hui (Verdiyeva, 2009). Puis, en accord avec la loi fédérale de révision des réglementations concernant les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, entrée en vigueur le 1er janvier 1993, l’Allemagne s’engageait à accueillir 225 000 entrées chaque année d’Europe de l’Est, dont la majorité absolue est constituée. Conformément à cette loi, ils peuvent revenir dans le pays de leurs ancêtres librement et sans obstacle jusqu’en 2011. En 1996, le test linguistique a été imposé et a fait échouer bon nombre de candidats à l’immigration. En 2000, le plafond a été réduit de 200 000 à 100 000 (Alicheva-Himy, 2008).

Actuellement en Azerbaïdjan vivent plus de 700 Allemands, surtout à Bakou. Ils ont créé un centre culturel et historique nommé Vozrojdenie (Revival). L’église allemande a été restaurée à Bakou. Cette minorité de l’Azerbaïdjan conserve ses traditions mentalité, son identité ethnique, sa culture matérielle et spirituelle (Verdiyeva, 2009). Le Gouvernement d’Azerbaïdjan est très attentif envers « ses Allemands ». En 1997, l'Institut d'Archéologie et d'Ethnographie d'Azerbaïdjan et l'Institut germanique et de l'Europe de l'Est (Allemagne) ont organisé en Azerbaïdjan la première conférence internationale sur « Les Allemands Caucasiens — les Allemands dans le Caucase jusqu'à la Première Guerre mondiale ». Les actes ont été publiés à Bakou en 2001.

Pour l'heure, l’Azerbaïdjan est un pays multiethnique. C'est pourquoi le gouvernement semble avoir pris les mesures nécessaires pour que la garantie de l’égalité soit établie entre tous les citoyens. En même temps, l’état veille à ce que les personnes appartenant à des minorités nationales puissent participer pleinement à toutes les activités du pays. Même si la notion de « minorité nationale » n’est pas définie dans la législation nationale, le gouvernement de la République azerbaïdjanaise reconnaît des droits aux communautés minoritaires, car toute personne a le droit de déterminer librement son appartenance à quelques minorités nationales que ce soit.

Dr. Vazeh ASGAROV,

Docteur de l’Univesité de Strasbourg

Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ)

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Boblographie:

1. ALICHEVA-HIMY Bakyt (2008), Les Allemands du Kazakhstan retour dans la Urheimat ou « Patrie historique », Regarde sur l’Est.
2. ASGAROV Vazeh (2014) L'immigration des Azerbaïdjanais: L'immigration générale des Azerbaïdjanais, histoire et perspectives: le cas de la France", 2014 PAF, 424p.
3. EMINOV Zakir (2005), Azərbaycanın əhalisi: İqtisadi, sosial və demografik problemlər, Bakı.
4. ГУСЕЙН-ЗАДЕ Рауф (2007), IRS Наследие, № 25.
5. ISMAYILOV Israfil (1997), Dünya Azərbaycanlıları XX əsrdə, Baki, Oçerk.
6. VERDIYEVA Khadjar, (1999), La politique de la migration de l'empire russe dans le nord de l'Azerbaïdjan, Bakı, Altay.
7. ЗЕЙНАЛОВА Судаба (2008), Немцы на Кавказе, Баку, Мутарджим

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