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PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE 2022 : PÉCRESSE OU LE PROJET « PIMENTÉ » D'UNE DROITE-EXTRÊME

9 Décembre 2021 10:49 (UTC+01:00)
PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE 2022 : PÉCRESSE OU LE PROJET « PIMENTÉ » D'UNE DROITE-EXTRÊME
PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE 2022 : PÉCRESSE OU LE PROJET « PIMENTÉ » D'UNE DROITE-EXTRÊME

Confrontée à la nécessité de pérenniser le soutien d'Éric Ciotti appuyé par un large soutien militant, Valérie Pécresse devra composer son programme en tendant l'oreille, mais aussi la main, à l'aile droite du parti.

Musulmans en France / Émile Mila

Valérie Pécresse est officiellement devenue la première femme candidate du parti gaulliste, samedi 4 décembre, pour la prochaine élection présidentielle française, après avoir remporté la majorité des votes des adhérents, lors du second tour de la primaire du parti, face à son adversaire Éric Ciotti.

Obtenant 69 326 votes (60,95 %), la présidente de la région Île-de-France a remercié les adhérents et militants du parti Les Républicains (LR) pour la confiance qu'ils lui ont accordée.

Le député d'Alpes-Maritimes, Éric Ciotti ayant obtenu 44 412 votes,(39,05 %), a félicité son adversaire à qui il a promis son soutien au cours de la campagne électorale du parti de droite et éventuellement du prochain quinquennat.

Jusqu'ici tout va bien

Remerciant son adversaire, la candidate désignée de LR n'a pas manqué d'exprimer sa reconnaissance à « l’avocat indéfectible, à la fois de l’ordre et de la liberté qui sont deux valeurs cardinales de notre famille politique » et a effectué, mardi 7 décembre, la première visite officielle de sa campagne électorale aux portes du massif du Mercantour, dans la commune natale d’Éric Ciotti.

En écho au message porté par son ancien adversaire avec lequel elle est venue sceller une alliance qu'elle voudrait durable, Valérie Pécresse a appelé les militants réunis ainsi que l'ensemble de l'électorat français à « dire stop au laxisme, à l’immigration incontrôlée et aux lois bafouées ». La candidate de la droite qui se veut « républicaine », a une fois de plus signalé qu'« Éric aura une place très singulière dans ma campagne ».

Déclarant que son adversaire devenu allié « va plus loin que moi sur certains thèmes », Valérie Pécresse s'est publiquement engagée à « regarder si mon projet peut être pimenté par un certain nombre de ses suggestions », c'est-à-dire de tenter de droitiser son programme pour répondre aux exigences de son allié de campagne - et plus si affinité - tout en continuant de satisfaire les attentes de l'aile modérée du parti refusant les idées de l'extrême droite, des alliés du centre de l'échiquier politique ainsi que des soutiens déçus du président Emmanuel Macron qu'elle avait indirectement accusé, jeudi 4 décembre, d'être un « président du zigzag et de la godille politique ».

Le risque de « zemmourisation » du programme LR

Exprimant son « total et entier soutien » à la candidate désignée du parti, le député des Alpes-Maritimes qui affiche, de longue date, une proximité idéologique assumée, avec le candidat d'extrême droite Éric Zemmour, sur les thèmes de l'immigration, de l'identité nationale, de l'Islam en France et de la sécurité, s'est engagé à se tenir aux côtés de Pécresse dans cette campagne « difficile et exigeante [...] pour apporter à cette France, une nouvelle espérance ».

Fort du soutien d'une base militante solide et active, Ciotti entend peser de tout son poids pour s'assurer que le virage à la droite-extrême de son parti s'inscrive de façon indélébile dans le programme de la candidate.

Le député des Alpes-Maritimes est notamment connu pour son écho politique apporté à la rhétorique de « choc des civilisations » entre un Occident qui serait censé retrouver ses « racines chrétiennes » et un Orient musulman qui serait invasif et destructeur, ainsi que l'Islam en France qui représenterait une menace pour la « survie de l'identité française ».

Ciotti : une rhétorique antimusulmane décomplexée

Animé de cette intime conviction, mais aussi de l'appât électoral que peut représenter la communauté franco-arménienne, ainsi que des liens tissés avec les réseaux nationalistes arméniens de l'Hexagone assemblés sous l'organisation faîtière du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), Éric Ciotti a toujours affiché une ligne hostile à la Turquie et l'Azerbaïdjan, deux pays qui ont pour moindre tort d'être peuplés majoritairement de Musulmans.

Après la défaite militaire de l’Arménie face à l’Azerbaïdjan à l'issue de la guerre de 44 jours à l'automne 2020, l'Azerbaïdjan avait restauré sa souveraineté sur ses territoires occupés pendant 30 ans par les séparatistes et colons arméniens soutenus par Erevan.

Au cours de cette seconde guerre du Karabakh, en dépit du droit international, de quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies (822, 853, 874 et 884, adoptées en 1993) et de deux résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant clairement la souveraineté azerbaïdjanaise sur ces territoires occupés et leur appel au retrait des forces arméniennes d'occupation ainsi qu'au retour de 750 000 Azerbaïdjanais expulsés de ces régions par les forces armées arméniennes, Éric Ciotti avait multiplié les déclarations hostiles à l’Azerbaïdjan et à son allié stratégique, la Turquie, le député des Alpes-Maritimes décrivant ces deux pays à majorité musulmane comme des forces d'invasion, en opposition directe avec l'irréfutable réalité des faits reconnus par les instances onusiennes, le droit international et la République Française soulignant l'inviolabilité des frontières de l'Azerbaïdjan.

L'appel de Ciotti à la France pour entrer en guerre dans le Caucase

Le 14 mai 2021, Ciotti écrivait sur son compte Twitter : « Le territoire arménien est désormais attaqué en son cœur par l’Azerbaïdjan et l’ogre turc Erdogan qui rêve de renouer avec le passé conquérant de l’Empire Ottoman. Nous ne pouvons pas fermer les yeux, plus que des mots nous attendons des actes, l’Arménie ne doit pas tomber ! ». Le député appelait la France à s'engager dans la guerre aux côtés de l’Arménie.

Cet activisme de l'élu des Alpes-Maritimes, notamment sur Twitter, jouit d'un soutien sans faille des réseaux séparatistes arméniens de France. Ainsi, le compte « KaloManoukian » connu pour son activisme hostile à l'Azerbaïdjan et à la Turquie, n’avait pas manqué de soutenir Éric Ciotti quelques jours avant la primaire : « Soutien à notre ami Eric Ciotti pour ce congrès des républicains. Un grand ami de l’#Arménie, de la cause arménienne et un défenseur des #ChretiensdOrient », notait le twittonaute, également adepte, de la rhétorique de la guerre des religions.

À l'instar de Valérie Boyer, la sénatrice LR qui fait carrière politique sur le dos des Arméniens de France et le mensonge d'une Arménie chrétienne attaquée par ses voisins musulmans, Ciotti a également soutenu, à travers une résolution déposée à l'Assemblée nationale française, la reconnaissance par la France de l'autoproclamée « République » du Haut-Karabagh qui n'a aucune réalité sur le terrain et qui n'est pas même reconnue par l'Arménie.

L'erreur du choix communautariste de la candidate LR

Sous l'influence de ses conseillers pro-arméniens et d'un électoralisme ayant pris des allures communautaristes, Valérie Pécresse, en tant que présidente de la région Île-de-France, a, elle aussi, adopté la rhétorique séparatiste des réseaux nationalistes arméniens de France.

« J’ai réaffirmé hier aux présidents du @ccaf_france Ara Toranian & Mourad Papazian le soutien total de la région Île-de-France au peuple arménien. Le cessez-le-feu au #HautKarabagh ne règle pas la situation. Il faut reconnaître son indépendance! », déclarait Valérie Pécresse, le 11 novembre 2021, en s'adressant à son conseiller franco-arménien Patrick Karam, vice-président de la région Île-de-France et président de « Coordination des Chrétiens d'Orient en Danger ».

Sur son compte Twitter, l'association garde encore épinglée une publication de son président, datant du 25 juin 2021 :

"Merci à Ara Toranian, directeur du site et du journal @armenews_NAM et co-président du @ccaf_france, pour son hommage à l'action de @vpecresse qui a toujours soutenu avec détermination la cause arménienne comme les #ChretiensdOrient et son appel fort à voter pour notre liste", déclarait le conseiller pro-arménien de la candidate LR, et vice-président de la région IDF, utilisant ouvertement ses activités associatives au profit de la campagne électorale qu'il menait avec Valérie Pécresse pour les élections régionales de 2021.

Le 19 novembre 2021, lors de la séance plénière du Conseil Régional d'Île-de-France, Valérie Pécresse proposait un motion appelant l'Exécutif français à une reconnaissance officielle, de la prétendue « République du Haut-Karabakh ». La motion fut adoptée par l'ensemble des partis politiques présents, avec la perspective des élections régionales qui allaient se jouer quelques mois plus tard et du gain électoral que pourrait leur proférer de porter écho au communautarisme arménien de France.

Dans le même élan, la région Île-de-France annonçait une nouvelle aide financière à hauteur de 75 000 euros versée à l'UGAB France à destination des populations arméniennes du Haut-Karabakh, sans évoquer le cas des 750 000 Azerbaïdjanais, qui avaient été expulsés du Karabakh et des régions voisines envahies par les forces arméniennes lors de la première guerre du Karabakh (1988-1994) où des centaines de civils, victimes des bombes arméniennes durant la guerre de 44 jours (27 septembre – 9 novembre 2021).

Un choix stratégique à faire pour Valérie Pécresse

Entre la nécessité de satisfaire les exigences de l'aile modérée de LR, refusant les idées de l'extrême droite, de ses alliés centristes, ainsi que des soutiens déçus du président Emmanuel Macron d'une part, et la contrainte de répondre aux attentes de l'aile conservatrice du parti empruntant des idées d'Éric Zemmour et du Rassemblement national (RN) d'autre part, avec le risque, à défaut d'apporter les réponses adéquates, de perdre des alliés de poids et des voix dans les deux bords, la première femme candidate du parti gaulliste devra opérer un choix stratégique dans les idées qu'elle choisira d'incarner et le programme qu'elle décidera de formuler.

Un facteur, qui est rarement pris en compte par la presse française, réside également dans les intentions de vote des Français de confession musulmane. Même s’ils sont, comme le reste des français, partagés entre les diverses sensibilités politiques, ils présentent néanmoins une communauté de sentiments sur la nécessité d'être respecté dans leurs droits qui leur sont garantis, notamment par la Constitution française et la Déclaration des Droits de l'Homme.

La stigmatisation rampante, au cours des deux décennies passées, des Musulmans en France par les politiciens et les journalistes inspirés singulièrement des incessantes diatribes de polémistes telles qu'Éric Zemmour à l'encontre des Français et étrangers de confession musulmane, n'a pu qu'accroître leur détermination à élire un président ou une présidente qui sache leur démontrer son respect. À bon entendeur... Salam.

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