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QUE VEUT VRAIMENT ÉDOUARD PHILIPPE ?

29 Octobre 2021 18:49 (UTC+01:00)
QUE VEUT VRAIMENT ÉDOUARD PHILIPPE ?
QUE VEUT VRAIMENT ÉDOUARD PHILIPPE ?

Le samedi 9 octobre, à 200 jours de la présidentielle, lors de laquelle il a promis de soutenir Emmanuel Macron, Edouard Philippe lançait son propre parti, devant un parterre de parlementaires de la majorité, et d’élus locaux.

L’ancien premier ministre a révélé le nom de son parti : « Horizons » pour « voir plus loin… jusqu’en 2050 »

« Il ne faut pas regarder juste devant soi, juste à côté » a-t-il précisé dans son discours. « il faut forcément voir loin ». Horizon 2050… ou 2027, selon la plupart des analystes.

La question étant de savoir si le maire du Havre ne cache pas des ambitions plus proches.
Officiellement, il n’y a pas, pour Edouard Philippe, la moindre ambigüité, qu'il s'attache à lever en martelant sans discontinuité : « Mon objectif est que Macron soit réélu ». « Je ne suis candidat à rien pour 2022 » s’est-il défendu dans une interview donnée au Journal du Dimanche. Il affirme ne pas même vouloir se présenter aux législatives, souhaitant rester maire du Havre « le plus beau des mandats », dit-il.

L’ancien premier ministre considère que la réélection du Président de la République n’est pas acquise. Cette réélection devra selon lui passer par un élargissement de sa base électorale. Autrement dit, rassembler tous ceux qui s’estiment dans la ligne de la récente droitisation de la politique macronienne depuis le départ d’Edouard Philippe de Matignon, mais sans vouloir adhérer au mouvement En Marche. Comment ? en créant un grand parti, « avec des statuts, une charte des valeurs ». Ce sera donc « Horizons ».

Environ 3000 personnes, selon les organisateurs, sont venus assister à la naissance du nouveau parti. Les chefs des trois groupes parlementaires de la majorité à l’Assemblée, Christophe Castaner (LREM), Olivier Becht (Agir) et Patrick Mignola (MoDem) avaient fait le déplacement, ainsi qu’une soixantaine de parlementaires, 160 maires, 600 élus locaux (dont les maires de Fontainebleau, Frederic Valletoux, et de Reims, Arnaud Robilet).
Edouard Philippe mise d’ailleurs sur les maires qui « auront une responsabilité particulière dans l’élaboration de notre stratégie et de nos propositions », pour ancrer solidement son parti dans le territoire. Une assemblée des maires élira d’ailleurs le vice-président du parti.


Un paysage politique en recomposition

Evidemment, et compte tenu de la popularité de l’ancien Premier Ministre, l’initiative, même si elle est largement officiellement saluée à droite et au centre, fait grincer des dents en coulisses. Elle menace en effet directement Les Républicains qui jouent sans doute leur survie en 2022.

« Si Macron repasse, on aura une situation très compliquée à droite » dit-on dans l’entourage de Xavier Bertrand qui s’inquiète de voir Edouard Philippe « déshabiller Pierre pour habiller Paul », et siphonner les élus LR. Par ailleurs, on est persuadé, à LR, que Horizons présentera des candidats qui viendront concurrencer le vieux parti, risquant de le mettre en danger de mort.

Côté majorité présidentielle, on s’affiche rassurants : La nouvelle formation a vocation à être « sous la tente », a assuré le patron de LREM, Stanislas Guerini. Pourtant, l’ancien premier ministre n’avait pas fait le déplacement du 2 octobre au campus d’Avignon, où se réunissaient les soutiens à la politique du Président de la République.
« Il va devoir se positionner », prévient Olivier Becht, dont la parti Agir pourrait bien se faire aussi aspirer par le nouveau mouvement.

Pourtant, le virage à droite du gouvernement s’est opéré après le départ d’Edouard Philippe, notamment avec la nomination au poste-clé du Ministère de l’Intérieur de l’ancien militant d’Action Française Gerald Darmanin. Alors, pourquoi avoir quitté le gouvernement le 3 juillet 2020, pour créer un parti de droite quinze mois plus tard ?
Là où la majorité et la droite semblent ne plus très bien savoir où elles vont, Edouard Philippe affiche clairement ses priorités : le poids de la dette, la réduction des effectifs de la fonction publique, le relèvement de l’âge de la retraite à 67 ans.

Naturellement, Eric Zemmour espère bien profiter lui aussi de la déconfiture de la droite.
Certains députés manifestent ouvertement leur sympathie envers le polémiste, et Eric Ciotti affirmait même avoir l’intention de lui donner son vote en cas de duel avec Macron.
Le polémiste non encore officiellement candidat a d’ailleurs calculé ainsi son électorat : un tiers pris à LR, un tiers au RN, et un tiers de ralliement d’abstentionnistes.

Un sondage publié le 22 octobre donnait à l’extrême droite (Marine le Pen et Eric Zemmour) plus de 30% d’intentions de vote. Du jamais vu en France à moins de 6 mois des présidentielles. Mais il s’agit peut-être d’une fausse bonne nouvelle pour l’extrême droite que le duel Le Pen - Zemmour risque d’affaiblir. La candidate du RN a d’ailleurs déclaré que la candidature Zemmour était un billet de première classe pour la victoire de Macron.



Edouard Philippe, le nouveau leader de la droite ?

Depuis sa déroute aux présidentielles de 2017, le Parti LR a toujours du mal à se trouver un leader capable d’incarner ses valeurs. Xavier Bertrand n’est pas considéré comme assez charismatique, Michel Barnier souffre d’un manque de notoriété, notamment auprès des jeunes, François Baroin a déclaré forfait.
Edouard Philippe en revanche jouit d’une étonnante popularité que ne semble pas avoir affecté son passage mouvementé à Matignon. Au contraire, celui-ci lui a conféré une crédibilité que ses concurrents n’ont pas.

En lançant son propre parti, le maire du Havre offre une stature et un visage aux ex-LR de la majorité présidentielle.
D’emblée, Horizons dispose de solides bastions locaux autour de grandes mairies : Nice (Christian Estrosi), Reims (Arnaud Roibilbet) Toulon (Hubert Falco) Angers (Christophe Bechu , SG d’Horizons) et naturellement Le Havre.

Edouard Philippe peut encore amener à lui les députés LR qui ne se sont pas opposés à la déclaration de politique générale de son successeur à Matignon. 13 s’étaient abstenus et 2 avaient voté pour. Côté UDI également, 11 se sont abstenus et 16 ont voté pour.

Visiblement Edouard Philippe est en capacité de grignoter la droite encore un peu plus.



Edouard Philippe : le Joker pour Emmanuel Macron ?


L’idée de vouloir créer un nouveau parti pour incarner les valeurs du centre droit, et peut-être de se projeter sur les présidentielles à venir n’est pas nouveau. François Bayrou l’avait fait , avec une impressionnante poussée dans les sondages, en 2007, mais cela avait fait long feu.

« Soutenir le Président, en gardant sa liberté de dire quand ça ne va pas, marier liberté et loyauté » cela n’est pas nouveau non plus. Emmanuel Macron avait affirmé le faire en 2017 à l’égard de François Hollande, avec les conséquence que l’on connaît.

Mais cette fois, pas de trahison, puisque Edouard Philippe « pense et espère qu’Emmanuel Macron sera candidat ». D’’ailleurs « personne ne doute de son engagement dans la majorité présidentielle » cherche à rassurer - ou se rassurer - Christophe Castaner. Pas certain que la confiance règne réellement.

Avec la création du parti Horizons, le mouvement d’Emmanuel Macron s’éloigne encore plus de son idéal de mouvement informel et ouvert, déjà mis à mal par une restructuration technocratique et complexe après la déroute des municipales.

Concurrencer LR, rivaliser avec LREM, et pourquoi pas avec Emmanuel Macron lui-même ? C’est ce que redoutent certains macronistes qui se souviennent de la forfaiture de "l’ami de 30 ans de Chirac", Edouard Balladur, et aussi bien sûr des présidentielles de 2017.


En tous cas, si Emmanuel Macron est réélu en juin il faudra qu’il compte avec Edouard Philippe, « L’homme politique préféré des français » selon plusieurs récents sondages. Il sera difficile pour lui de ne pas lui être reconnaissant de son soutien,

Et que se passera-t-il si, lorsque la peur du cataclysme épidémique ne fera plus son effet, Emmanuel Macron perd le soutien des Français, lassés de deux ans de conflits et de privations ?

Rappelons-nous l’élection de 2017. Une droite moribonde qui laisse la place à l’extrême droite, un président auquel les Français, à tort ou à raison, ne croient plus.
En quelques semaines, poussé par un monde économique qui s’inquiète, le fidèle Macron comprend que l’intérêt national doit l’emporter sur la loyauté.

Que se passera-t-il en 2022 ?

Comme le disait Pierre Dac : « Il est bien difficile de faire des prophéties, surtout quand il s’agit de l’avenir »…

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