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BATAILLE AUTOUR DU BURKINI À GRENOBLE

26 Mai 2022 22:39 (UTC+01:00)
BATAILLE AUTOUR DU BURKINI À GRENOBLE
BATAILLE AUTOUR DU BURKINI À GRENOBLE

Paris / La Gazette

Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu mercredi une très controversée disposition autorisant le port du burkini dans les piscines de la ville, au coeur d'un bras de fer entre le maire écologiste Eric Piolle et une grande partie de la classe politique.

L'exécution de l'article 10 du nouveau règlement des piscines de Grenoble autorisant l'usage de maillots de bains de type burkini est « suspendue » par ordonnance.i

Le tribunal se prononçait suite au dépôt par le préfet de l'Isère d'un « référé laïcité » réclamant sa suspension. Cette disposition a été introduite par la loi séparatisme votée en août 2021 et concerne les actes qui portent « gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public ».

Le tribunal a estimé que l'article en cause permettrait aux usagers de « déroger à la règle générale d'obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s'affranchir de cette règle dans un but religieux », et ses auteurs ont par là-même « gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public ».

Ce nouveau règlement, qui ouvre la porte au burkini mais aussi à la baignade seins nus pour les femmes et aux maillots anti-UV pour tous, avait été adopté le 16 mai à une courte majorité par le conseil municipal, certains alliés du maire écologiste se désolidarisant du projet.

Le texte devait formellement entrer en vigueur le 1er juin. L'ouverture estivale des piscines municipales de Grenoble est quant à elle prévue du 13 juin au 30 août.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est immédiatement félicité sur Twitter de cette « excellente nouvelle ».

« Suite à notre recours, le tribunal administratif suspend la délibération de la mairie de #Grenoble autorisant le +burkini+ dans les piscines municipales grâce aux outils de la loi séparatisme voulue par @EmmanuelMacron ! », a-t-il salué.

Alain Carignon, chef de file de l'opposition municipale qui avait elle aussi déposé un recours devant le tribunal administratif, a également salué une décision qui « marque un coup d'arrêt aux dérives séparatistes et à la volonté d'une partie de la majorité municipale derrière son maire de favoriser l'islamisme dans l'espace public au détriment de la cause des femmes ».

« Pas d'intérêt général »

Les juges des référés ont rendu leur jugement dans la soirée après avoir entendu pendant environ une heure trente les arguments des différentes parties, la préfecture de l'Isère d'une part, la Ville de Grenoble, l'Association Alliance Citoyenne et la Ligue des Droits de l'Homme d'autre part, lors d'une audience tenue plus tôt dans l'après-midi.

Le port du burkini est revendiqué depuis plusieurs années par Alliance Citoyenne, qui s'est fait connaître en organisant depuis 2019 plusieurs opérations coup de poing dans les piscines grenobloises pour faire passer son message.

Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur et qui représentait la préfecture à l'audience, a dénoncé une réglementation qui « méconnaît l'intérêt général » et relève de ce fait d'un « détournement de pouvoir ».

« Une fois que le burkini ne sera pas interdit, il deviendra une ardente obligation, alors que c'est une frange très minoritaire qui le revendique », a-t-elle argué, dénonçant des « pressions » d'Alliance Citoyenne sur M. Piolle.

« On ne peut s'empêcher de penser que cette délibération est tombée à point nommé pour des motifs politiques qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général, qui seul peut justifier d'une modification de ces règles », selon elle.

Suite à la suspension, la droite et l'extrême droite ont demandé à nouveau jeudi davantage d'"encadrement", via une loi, sur le port du burkini dans les piscines.

Me Aude Evin, représentant la ville de Grenoble, a indiqué que le nouveau règlement n'autorise pas le burkini, qui n'y est d'ailleurs nulle part nommé, « mais se contente de ne pas l'interdire ». Or, « seule la loi est susceptible de restreindre l'exercice d'une liberté ».

Elle a également balayé les accusations de « clientélisme électoral » portées contre M. Piolle, estimant que « l'on s'égare hors du droit », ainsi que les risques supposés de d'atteinte à l'ordre public créés par le burkini.

L'affaire du burkini a déclenché une bataille politique et médiatique, fortement teintée d'inspirations électorales, à quelques semaines du premier tour des législatives. Le burkini est d'ailleurs été autorisé à Rennes, sans que cela ne soulève de tempête. Il faut dire que l'arrêté a été pris en 2018, loin des échéances électorales.

Eric Piolle a immédiatement annoncé que la ville ferait « appel devant le Conseil d'État ». Il avait d'ailleurs prévenu qu'il était disposé à aller-, s'il le fallait, jusqu'à la cour européenne des droits de l'homme.

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