UNE AFFAIRE DE STATUES
Paris / La Gazette
En France, les statues ne se valent pas
Depuis quelques semaines, l’histoire de la statue de la Princesse Natavan à Evian a envenimé les relations entre la France et l’Azerbaïdjan. Dans son obsession à soutenir « quoiqu’il en coûte », les indépendantistes arméniens, la France a laissé se commettre un acte de vandalisme aussi odieux que stupide. La belle princesse francophone blessée a finalement quitté le jardin où elle n’était plus la bienvenue pour retourner chez elle, laissant Alexandre Dumas, son ami, se retourner, lui, dans sa tombe.
Mais c’est une autre sculpture qui vient d’illustrer l’étrangeté de l’humanisme à la française. Célébrer une poétesse francophile non, glorifier un assassin, oui.
Ce 15 mars, une statue représentant Soghomon Tehlirian a été inaugurée, dans le quartier arménien de Beaumont dans le 12e arrondissement de Marseille.
Qui était Soghomon Tehlirian ? le 15 mars 1921, il assassine à Berlin l’ancien ministre de l’intérieur ottoman Talaat Pacha, accusé d’être l’instigateur du « génocide arménien » de 1915. Tehlirian avait, un an auparavant, assassiné de la même façon que l’Arménien loyaliste Haroutiun Mugerditchian. Ces actes s’inscrivaient dans le cadre de l’Opération Nemesis, menée par la Fédération révolutionnaire arménienne Dachnaktsoutioun à l’encontre des anciens dirigeants turcs.
Après son procès, et jusqu’à sa mort en 1960, il a été honoré comme un « héros de la justice arménienne ». Pendant près de dix décennies, des activistes arméniens ont commis des attentats contre des personnalités ou représentations turques dans le monde, y compris en France où l’ambassadeur de Turquie fut assassiné en 1975, et qui connut un attentat meurtrier en 1983 à l’aéroport d’Orly, action revendiquée par l’Armée Secrète de Libération de l’Arménie, dont l’un des porte-parole était Ara Toranian, aujourd’hui l’un des leaders de la diaspora arménienne en France et proche d’Emmanuel Macron.
L’affaire du « génocide arménien » mériterait une analyse historique poussée qui dépasse le propos de cet article. Il n’en reste pas moins qu’entre un activiste meurtrier et une artiste littéraire, le choix fait par la France reste problématique. Etonnant aussi la présence, lors de cette organisation, aux côtés des membres les plus influents du Dashnak, de la sénatrice Valérie Boyer, qui ne rate jamais une occasion pour exprimer ses positions violemment islamophobes. Un prétexte peut en cacher un autre. Par ailleurs, l'inauguration fut précédée d'une procession d'enfants brandissant le drapeau de l'imaginaire république d'Artsakh.
De même que l’on peut s’interroger une fois de plus sur la multiplication des manifestations en faveur des Arméniens, qui ne sont d’ailleurs en aucune façon condamnables en soi. Sauf qu’il faudrait être d’une coupable naïveté pour ne pas s’apercevoir qu’elles sont en réalité une façon de soutenir les séparatistes du Karabakh qui représentent la faction la plus extrémiste et incontrôlable de la classe politique arménienne, mettant en danger le caractère démocratique même de la jeune république.
Ce mardi 12 mars, à Paris, la présidente du groupe d’amitié France-Arménie de l’Assemblée nationale, Anne-Laurence Petel, a notamment organisé un petit-déjeuner consacré au développement de la coopération économique entre la France et l’Arménie. Rien à redire non plus a priori, sauf que Anne-Laurence Petel n’est pas n’importe qui. Membre du parti présidentiel Renaissance, elle s’était fait remarquer lors de la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle, en qualifiant le jeune de « délinquant », reprenant mot pour mot les arguments de l’extrême droite, alors que l’enquête prouvait que le policier n’était pas en état de légitime défense. Cette proximité entre le soutient à l’Arménie et l’extrême-droite raciste et islamophobe ne peut que nuire à tout le monde : aux relations entre la France et le Caucase, et aux Arméniens eux-mêmes qui se passeraient volontiers de cet amalgame.
