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WSJ: NEGOCIATIONS A MIAMI - DES ANALYSTES POINTENT LES ASPECTS LES PLUS RISQUES POUR L'UKRAINE

2 Décembre 2025 16:03 (UTC+01:00)
WSJ: NEGOCIATIONS A MIAMI - DES ANALYSTES POINTENT LES ASPECTS LES PLUS RISQUES POUR L'UKRAINE
WSJ: NEGOCIATIONS A MIAMI - DES ANALYSTES POINTENT LES ASPECTS LES PLUS RISQUES POUR L'UKRAINE

Les pourparlers intensifs sur la crise ukrainienne, qui se poursuivent en Floride, sont jugés productifs par les participants, tout en laissant apparaître plusieurs points sensibles qui nécessiteront des discussions approfondies. Quels résultats peut-on attendre de ce processus, la paix en Ukraine est-elle envisageable à court terme, et quel est l’impact du scandale de corruption à Kiev sur les négociations ? Des experts ont partagé leurs analyses avec Minval Politika.

Eugène Preïgerman, politologue et directeur du Conseil des relations internationales « Minsk Dialogue », s’est montré prudent lorsqu’il a été interrogé sur le calendrier possible de fin de la guerre.

« Il est pour l’instant impossible de faire une prévision, car trop de facteurs variables sont en jeu, pouvant prolonger le conflit encore longtemps. La guerre pourrait tout aussi bien s’achever beaucoup plus vite que ce que beaucoup imaginent. Ce que l’on peut affirmer, en revanche, c’est qu’elle entre dans une phase finale : il devient évident pour tous que l’idée initiale de régler la situation sur le champ de bataille n’est plus viable ni pour l’Ukraine ni pour ses alliés européens. Si cette stratégie se poursuit, la position de l’Ukraine ne fera que se dégrader. On approche d’un point de non-retour. Le seul moyen de changer la donne militaire serait l’entrée en scène de certains pays de l’OTAN, mais cela déclencherait une autre guerre, avec une toute autre configuration », explique-t-il, ajoutant que Washington reconnaît également cette réalité.

Concernant les sujets sur lesquels un compromis est difficile à atteindre, Preïgerman souligne :

« Tout ce qui touche aux questions territoriales et aux garanties de sécurité de l’Ukraine : taille des forces armées, qualité et quantité des armements, garanties fournies par les pays de l’OTAN — dont les États-Unis —, perspectives d’adhésion à l’Alliance, aujourd’hui inexistantes, et éventuel déploiement de troupes occidentales sur le territoire ukrainien. »

Il ajoute également la question de la tenue de nouvelles élections en Ukraine.

« La semaine dernière, Poutine a longuement insisté sur le fait que la Russie considère le président Zelensky comme illégitime, estimant que sa signature ne garantit rien dans les conditions actuelles d’incertitude constitutionnelle liée à l’état de guerre. »

Selon Preïgerman, puisque Moscou maintient cet argument, les médiateurs américains comme la partie ukrainienne devront trouver une solution.

« Des options existent, mais elles demanderont des efforts. Si Kiev et Zelensky prennent une position trop rigide sur ce point, cela pourrait bloquer davantage les progrès des négociations », affirme-t-il.

Il évoque ensuite le scandale de corruption en Ukraine, qui éclate en pleine phase active de pourparlers :

« Que l’Ukraine soit confrontée à de graves problèmes de corruption, ce n’est un secret pour personne. C’est une sorte de carte de visite du pays depuis son indépendance. Il était étrange que certains aient voulu ignorer cette réalité alors qu’il était évident qu’elle referait surface tôt ou tard. »

« Aujourd’hui, cette affaire a entraîné la démission de plusieurs hauts responsables, perturbant l’architecture de gouvernance mise en place depuis le début de la guerre et ouvrant la voie à de fortes turbulences. Plus important encore, elle aggrave la crise politique. On voit déjà ses effets sur la légitimité du président Zelensky. Avec les négociations en cours et le plan proposé par Trump, ce thème permet certes de détourner l’attention de la crise interne, mais je pense que les dirigeants ukrainiens, Zelensky en tête, ne pourront éviter la question. La crise politique réactive tout le champ politique intérieur », ajoute-t-il.

Preïgerman rappelle qu’au début de la guerre, malgré les rivalités politiques et oligarchiques, une forte consolidation s’était formée autour du président : « Mais à présent, cette lutte se réactive. »

« Dans un pays en guerre, c’est toujours dangereux : cela fragilise les capacités de négocier, d’agir efficacement au front et de gérer les questions de sécurité. C’est particulièrement périlleux pour l’Ukraine, où coexistent différents centres de pouvoir et d’intérêts, engagés dans une lutte très dure. Cette configuration nuit à la capacité du pays à poursuivre la guerre comme à négocier de manière cohérente. Le processus est enclenché et progresse rapidement », conclut-il.

De son côté, Leonid Pasternak, analyste politique basé en Israël, estime que pour évaluer la proximité d’un accord de paix, il faut se référer à la vision globale de la sécurité de l’Ukraine présentée à Miami par le secrétaire d’État américain, Marco Rubio.

« Selon lui, la stratégie des États-Unis et de leurs alliés de l’OTAN consiste à garantir à Kiev un soutien militaire et à assurer un développement économique stable une fois le cessez-le-feu en vigueur. Ce sont des principes simples et évidents, mais pratiquement impossibles à mettre en œuvre dans les conditions politico-militaires actuelles », observe-t-il.

Il juge par ailleurs limitée l’efficacité de Steven Witkoff et des responsables américains sur le volet russe.

« L’administration Trump actuelle ne sait pas comment agir dans cette situation pour que la diplomatie produise au moins un résultat positif. Beaucoup de responsables ont été nommés non pour leurs compétences, mais pour leur loyauté envers le président. Les progrès dans les discussions avec Moscou sont faibles. Il n’y a pas de véritable transformation de la stratégie russe », déclare Pasternak.

L’analyste rappelle que le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien, Rustem Oumerov, affirme qu’une lueur d’espoir pour une « paix juste » est apparue après les rencontres en Floride.

« Mais une question se pose immédiatement : Kiev considère-t-il comme “juste” le statut que le plan Trump prévoit pour les régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia ? En réalité, ces territoires deviennent le cœur du compromis : les combats cesseraient, mais le contrôle resterait figé dans le statu quo », souligne-t-il.

Selon lui, les questions les plus sensibles pour parvenir à un compromis concernent les garanties de sécurité de l’Ukraine, le statut des territoires et la position de la Russie :

« Si Kiev renonce à l’adhésion à l’OTAN mais se tourne vers l’UE, quelles compensations seront accordées à l’économie ukrainienne et à sa population ?

Si Moscou accepte les conditions de paix proposées par Trump et reconnaît que les pays occidentaux assureront la sécurité de l’Ukraine, mais en dehors du cadre de l’OTAN, cela garantit-il une paix durable répondant aux exigences de la Russie ? Ou le Kremlin demandera-t-il d’autres concessions ? Washington envisage-t-il ce scénario ? »

Pasternak aborde lui aussi les faits de corruption en Ukraine :

« La corruption a toujours existé en Ukraine, comme dans d’autres pays européens. Mais aujourd’hui, alors que le pays dépend fortement de l’aide politico-militaire et financière de ses alliés, ces affaires portent un coup bien plus sévère à la réputation de l’État et de ses dirigeants. Je pense d’abord à la situation du président Zelensky. Andriy Yermak et Timur Mindich jouent un rôle plus secondaire dans ce scandale malgré leur importance. »

Il poursuit : « Le scandale autour d’“Energoatom” — les détournements présumés de millions de dollars, la fraude fiscale, et autres malversations — aura probablement un impact indirect sur les négociations de paix. Mais même si Yermak démissionne, le mécontentement interne et les critiques occidentales ne disparaîtront pas. Zelensky devra réagir de manière encore plus radicale. Dans le cas contraire, si la pression ne baisse pas, il lui sera difficile de prendre des décisions dans les discussions avec les États-Unis, l’UE et d’autres pays, qui considèrent la corruption comme un facteur hautement toxique », conclut Pasternak.


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