LA RUSSIE SUSPEND SA PARTICIPATION À L'ACCORD SUR LES EXPORTATIONS DE CÉRÉALES DE L'UKRAINE
Paris / La Gazette
Moscou a suspendu sa participation à un accord historique qui permettait des exportations vitales de céréales depuis l'Ukraine, accusant les attaques de drones contre les navires russes en Crimée.
La Russie a fait cette annonce après que son armée a accusé Kiev, plus tôt dans la journée de samedi, d'une attaque « massive » de drones contre sa flotte de la mer Noire, que l'Ukraine a qualifiée de « faux prétexte » et que l'ONU a demandé instamment le maintien de l'accord.
Le président américain Joe Biden a qualifié la décision de « purement scandaleuse », tandis que le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré que Moscou « militarisait la nourriture ».
L'accord, qui autorise déjà l'exportation de plus de neuf millions de tonnes de céréales ukrainiennes, devait être renouvelé le 19 novembre.
Une source de sécurité turque a déclaré à l'AFP qu'Ankara n'avait pas été « officiellement notifié » de la suspension de la Russie, tandis que l'Ukraine et l'ONU ont fait pression pour que l'accord reste en vigueur.
« J'appelle tous les États à exiger que la Russie cesse ses jeux de la faim et s'engage à nouveau à remplir ses obligations », a déclaré sur Twitter le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié la démarche russe d'« intention absolument transparente de la Russie de renvoyer la menace d'une famine à grande échelle en Afrique et en Asie ».
« Rien qu'aujourd'hui, plus de deux millions de tonnes de nourriture se trouvent dans la mer. Cela signifie que l'accès à la nourriture a en fait empiré pour plus de sept millions de consommateurs », a-t-il déclaré dans son discours du soir.
Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, a déclaré : « Il est vital que toutes les parties s'abstiennent de toute action qui mettrait en péril l'Initiative en faveur des céréales de la mer Noire, qui constitue un effort humanitaire essentiel ».
Sébastopol, située en Crimée annexée par Moscou, a été prise pour cible à plusieurs reprises ces derniers mois. Elle sert de quartier général à la flotte de la mer Noire et de centre logistique pour les opérations en Ukraine.
L'armée russe a affirmé avoir « détruit » neuf drones aériens et sept drones maritimes, lors d'une attaque dans le port tôt samedi.
« À la lumière de l'acte terroriste mené par le régime de Kiev avec la participation d'experts britanniques contre des navires de la flotte de la mer Noire et des navires civils impliqués dans la sécurité des corridors céréaliers, la Russie suspend sa participation à la mise en œuvre de l'accord sur l'exportation de produits agricoles depuis les ports ukrainiens », a annoncé le ministère russe de la Défense sur Telegram.
Les forces de Moscou ont affirmé que des « spécialistes » britanniques, basés selon elles dans la ville d'Ochakiv, dans le sud de l'Ukraine, avaient aidé à préparer et à former Kiev à l'exécution de la frappe.
Dans une nouvelle attaque contre le Royaume-Uni, que Moscou considère comme l'un des pays occidentaux les plus hostiles, la Russie a indiqué que la même unité britannique était impliquée dans des explosions sur les gazoducs Nord Stream le mois dernier.
La Grande-Bretagne a fermement réfuté ces deux affirmations, déclarant que « le ministère russe de la Défense a recours à la colportage de fausses affirmations d'une ampleur épique ».
La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a dit samedi que Moscou soulèverait la question des explosions et de la prétendue attaque de drone au Conseil de sécurité de l'ONU.
Le ministère britannique de la Défense a remarqué que cette « histoire inventée en dit plus long sur les discussions qui se déroulent au sein du gouvernement russe que sur l'Occident ».
Le coordinateur des Nations unies pour l'initiative céréalière de la mer Noire, Amir Abdulla, a indiqué que la Russie l'avait informé plus tôt dans la journée de samedi de « ses préoccupations quant à la sécurité des mouvements des navires marchands » dans le cadre de l'accord.
La Russie avait récemment critiqué l'accord, affirmant que ses propres exportations de céréales avaient souffert des sanctions occidentales.
Mikhail Razvozhayev, gouverneur de Sébastopol nommé par Moscou, s'est lamenté que l'attaque de drones de samedi était « la plus massive » que la péninsule ait connue.
Les attaques contre la Crimée, annexée par Moscou en 2014, se sont multipliées ces dernières semaines, alors que Kiev mène une contre-offensive dans le sud pour reprendre le territoire envahi par Moscou depuis des mois.
Les autorités installées par Moscou à Kherson, juste au nord de la Crimée, ont juré de transformer la ville en forteresse, se préparant à un assaut inévitable.
Début octobre, le pont de Moscou reliant la Crimée au continent russe -- inauguré personnellement par le président Vladimir Poutine en 2018 -- a été endommagé par une explosion que Poutine a imputée à l'Ukraine.
La flotte russe stationnée dans le port avait également été attaquée par un drone en août.
Les allégations de la Russie samedi sont intervenues alors que l'armée ukrainienne a fait état de combats dans les régions de Lougansk et de Donetsk dans l'est, notamment près de Bakhmout -- la seule zone où les forces de Moscou ont progressé ces dernières semaines.
Les séparatistes pro-russes qui combattent aux côtés de Moscou ont également annoncé un nouvel échange de prisonniers avec Kiev, affirmant que 50 d'entre eux rentreront chez eux de chaque côté.
