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Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise : L’installation des Arméniens en Azerbaïdjan (Exclusif)

27 Juillet 2020 08:54 (UTC+01:00)
Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise : L’installation des Arméniens en Azerbaïdjan (Exclusif)
Vazeh ASGAROV, Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise : L’installation des Arméniens en Azerbaïdjan (Exclusif)

Paris / Lagazetteaz

L’Azerbaïdjan se trouvait géographiquement sur la route du soi et attirait toujours l’intention des commerçants et des voyageurs. Outre cela ayant les voisins proches et puissants comme la Russie, l’Iran et la Turquie il présentait aussi un terrain de bataille pour ces pays ayant les conflits entre eux. Au début du XIX siècle, on assiste à la migration des Russes, des Arméniens, des Allemands, des Kurdes et par la suite des Ukrainiens, des Biélorusses et des Tatars en Azerbaïdjan.

L’Azerbaïdjan est un pays multiethnique et c'est pourquoi le gouvernement semble avoir pris les mesures nécessaires pour que la garantie de l’égalité soit établie entre tous les citoyens. En même temps, l’État veille à ce que les personnes appartenant à des minorités nationales puissent participer pleinement à toutes les activités du pays. Même si la notion de « minorité nationale » n’est pas définie dans la législation nationale, le gouvernement de la République azerbaïdjanaise reconnaît des droits aux communautés minoritaires, car toute personne a le droit de déterminer librement son appartenance à quelques minorités nationales que ce soit. Une partie de la population de l'Azerbaïdjan occupée par la Russie, à l'exception des Azerbaïdjanais, comprend un certain nombre de minorités nationales : les Lezguis dans la plupart des régions du nord, les Persanes - tout au long de la côte de la mer Caspienne, le plus souvent talysh, kurde, turkmène et des nomades dans le sud et les Arméniens au Karabakh, dont le nombre a considérablement augmenté après la conquête de la Russie résultat de l'immigration de masse de la Perse et de la Turquie. Selon le recensement de 1999, la population de la République azerbaïdjanaise est composée pour 82,7 % d'azerbaïdjanais et pour 17,3 % de diverses minorités ethniques (Lesguins, Avars, Talychs, Tsakhours, Kurdes, Oudes, Russes, Ukrainiens, Arméniens, Tatars, Géorgiens, Biélorusses etc.).

Les khanats Azerbaïdjanais à la moitiédu XVIIIème siècle

Source : Les cartes historiques de l'Azerbaïdjan (1994), Bakou, Atlas.

J’aimerais exposer l’arrivée des Arméniens sur les territoires azerbaïdjanais. Après l’occupation des nouveaux territoires, le gouvernement russe appliquait le système traditionnel en déplaçant la population. L’arrivée des migrants russes, allemands, arméniens en Azerbaïdjan était le début de cette opération. Ces migrants prenaient possession des terres confisquées aux khans, beys, s’établissaient sur ces concessions et pendant six ans ne payaient pas d’impôt.

L’histoire de la migration arménienne vers le Caucase nous amène à l’époque de Pierre le Grand. Avec l’occupation de Bakou et de Derbent, il autorisa aux Arméniens à s’installer dans ces villes. À l’époque des khanats, dans les villes de Guba et Shéki, on assiste à forte immigration des Arméniens. À la fin du XIXème siècle, pendant les deux guerres russo-iraniennes et russo-turques, l'Empire russe a conquiert l'Azerbaïdjan du Nord et la Géorgie. Les khanats locaux azerbaïdjanais, y compris celui d’Erevan et les royaumes géorgiens étaient supprimés. Ils ont été inclus dans l'Empire russe du Caucase. Sur les territoires des khanats Nakhitchevan et Erevan a été créé l’oblast(région) arménien afin de crétiniser le peuple musulman, augmenter la proportion de chrétiens et bien entendu rendre un soutien fiable à l’empire.

Carte ethnique de la province d'Iravan, la carte a été préparé en 1902 sur la base des résultats du dénombrement des populations de 1886.

Source : E.I. Kondratenko - Collecte de données statistiques sur le territoire transcaucasien. Tiflis, 1902

Pour réaliser ces objectifs, l'Empire russe, dans le premier tiers du XIXème siècle, de façon organisée, commençait au transfert des Arméniens de l’Iran et de la Turquie vers le nord de l'Azerbaïdjan. À la fin du XIXème siècle, la migration des Arméniens vers le Caucase du Sud est considérablement augmentée. Le processus s'est poursuivi jusqu'au début du XXème siècle. En conséquence, si dans le premier tiers du XIXème siècle, il y avait 51 300 Arméniens, constituant 9,4 % de la population, en 1916, leur nombre accroît à la différence de 1 208 615, soit 33 % de la population. Ainsi, dans moins d’un siècle le nombre d’Arméniens dans le pays a augmenté de plus de 24 fois. Ce processus était lié avec la politique de la Russie impériale. L’empire les installait essentiellement dans les goubernia de Bakou, d’Elizavetpol (actuel Gandja) et d’Erevan. D’après la statistique de 1897, les Arméniens présentaient 59,8 % de la population locale dans la région d’Erevan causant à la création de la République d’Arménie un peu plus tard.

Pendant la guerre russo-iranienne, beaucoup des Arméniens de Perse et de Turquie désiraient se regrouper et chercher un soutien auprès de l’Empire russe. Vaqif Arzumanli et Nazim Mustafa (1998) soulignent : après les deux guerres russo-perse (1826-1828) et russo-turc (1828-1829), 130 000 Arméniens d’Iran et de Turquie étaient installés essentiellement dans les khanats Irəvan (Erevan), Nakhitchevan et Karabakh, Gandja (Elizavetpol). Cette politique ne semblait pas sans raison. L’idée était de séparer les deux peuples turcophones et musulmans à la fois.

Ariel Kyrou et Maxime Mardoukhaïev (1989 : 264) écrivent à ce propos : le tsar invite les Arméniens à quitter l’Iran et surtout la Turquie pour s’installer dans son empire, aux frontières des deux pays qu’ils venaient de quitter. Aux frontières de l’Islam. Ils seront 135 000 à répondre à son appel entre 1828 et 1878. Un grand nombre d’Arméniens choisiront le Haut-Karabakh... tandis que, à partir du XIXème siècle, des Azéris furent le joug russe puis soviétique vers l’Azerbaïdjan du Sud, en Iran.

En analysant les faits, on voit que l’installation des Arméniens dans ces territoires avait quelques causes importantes. Premièrement, ils étaient les chrétiens de l’Orient bien adaptés et vivaient dans les territoires musulmans sous le nouveau pouvoir de l’Empire russe. Deuxièmes, ils connaissaient les langues orientales, les traditions musulmanes et leur vie. Troisièmes, les arméniens avaient l’expérience de vivre sous les différents empires et l’adaptation à une autre confession et à la politique des autres ne posaient aucune difficulté.

La population arménienne dans les villages de Nakhitchevan.

Village

Les Arméniens locaux

Azerbaïdjanais locaux

Arméniens déportés

Nehrem

-

193

93

Qaraxanbeyli

-

81

26

Tumbul

9

62

12

Yarinca

13

48

14

Kultepe

-

113

37

Qazanci

10

58

-

Benenyar

-

72

12

Erezin

-

61

7

Guznut

-

75

19

Nakitchevan ville

114

392

285

Nakitchevan région

290

1632

943

Source : VaqifArzumanli, Nazim Mustafa (1998) Les pages noires de l¶histoire, Bakou, Qartal p. 26

Le chercheur russe Chavrov écrivait en 1911 : aujourd'hui 1 million sur 1 million 300 mille des Arméniens n’est pas la population locale, ils y sont installés par nous (Musayeva, Mamedov, 2003). Le XVème arrêt du traité de Turkmentchay disait : Sa Majesté le Chah… accorde le pardon parfait et total à tous ses résidents et ses fonctionnaires de la province appelaient l’Azerbaïdjan. Ces résidents possédaient un an, compté de la date du traité, pour transporter leurs biens sans payer d’impôt et cinq ans pour la vente de leurs immobiliers. Par contre, le XIVème arrêt du traité de Turkmentchay disait que la Russie interdisait aux réfugiés iraniens de s’installer dans certains territoires de l’Azerbaïdjan. L’article disait : Sa Majesté, empereur de toute la Russie, de sa part donne la promesse de ne pas permettre dans aucune loi aux réfugiés persans de s'installer ou de résider dans les khanats de Karabakh et de Nakhitchevan et d’Erevan et sur la rive droite de l'Araxe. Dans le courrier envoyé à Paskevitch, Griboïedov montre que pendant le transfert des Arméniens à Nakhitchevan, il y a eu beaucoup de désaccord et de tension de la population posant le problème entre les gens. Et pour prouver ce mécontentement, il présentait le schéma des Arméniens déportés (Annexe 373).

À l’heure actuelle, d’après le chiffre non officiel, en Azerbaïdjan réside près de 30 000 Arméniens, et ils n’ont pas de problèmes d'intolérance religieuse et ethnique.

Dr. Vazeh ASGAROV,

Docteur de l’Univesité de Strasbourg

Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise

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