CAUCASE DU SUD : L’IRAN MENACE DE NOUVEAU L’AZERBAÏDJAN POUR SES LIENS AVEC ISRAËL
Paris / La Gazette
Les services de propagande de la République d’Iran viennent de diffuser un clip qui met en scène des enfants, vêtus de treillis, chantant, en azéri : « Nous punirons l’Azerbaïdjan qui coopère avec Israël contre l’Iran ». Cette vidéo est tournée devant le pont de Khudaferin (ou Khodaafarin), qui relie l’Azerbaïdjan à l’Iran.
Le choix du lieu n’est pas innocent.
Le pont, ou plutôt les ponts, puisqu’il y en a deux, sont un symbole important pour l’Azerbaïdjan. Datant, l’un du 11ème siècle, l’autre du 13ème siècle, ils enjambent la rivière Araz qui marque la frontière entre l’Azerbaïdjan et le Nord-Est de l’Iran où vivent, 35 millions d’azéris, faisant de ce peuple la deuxième communauté iranienne, après les Perses. Pour les Azéris, Khodaafarin représente en quelque sorte l'unité historique de deux Azerbaïdjan, séparés en 1828.
Occupé pendant 26 ans par les Arméniens, ce pont permettait notamment aux iraniens de faire transiter des marchandises, majoritairement de contrebande, des armes à destination des forces arméniennes stationnées dans le Karabakh, mais aussi des cargaisons de stupéfiants.
La reprise du pont par l’armée azerbaïdjanaise a été l’un des événements qui ont scellé sa victoire sur les occupants arméniens. En novembre 2020, le président de la République d’Azerbaïdjan , Ilham Aliyev, a planté lui-même le drapeau de son pays sur la rive du pont. L’Azerbaïdjan a pris le contrôle de la route, au grand dam des Iraniens qui n’ont plus la liberté de passer de la marchandise en direction du Karabakh et de la Russie à travers l’Azerbaïdjan sans s’acquitter de droites de douane. Par ailleurs, l’ouverture du couloir de Zanguezour fera perdre à l’Iran le contrôle du commerce et du transit
Cela a conduit, de la part des deux pays, à des démonstrations de forces le long des 700 km de frontière qui les sépare. Ilham Aliyev a également inauguré une nouvelle base militaire dans la ville de Jabrayil où on le voit à côté de drones de combat AI Harop de fabrication israélienne.
Pour les mollahs iraniens, qui soutiennent l’Arménie pour des raisons stratégiques, les bons rapports entre l’Azerbaïdjan et le « Grand Satan » israélien sont intolérables, car ils les soupçonnent d’être dirigé contre eux. L’Iran affirme même que l’Azerbaïdjan a autorisé Israël à établir une base à la frontière iranienne.
«L’Iran ne tolérera pas la présence du régime sioniste près de ses frontières», a déclaré Saïd Khatibzadeh, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.
La montée en puissance de l’Azerbaïdjan dans la région, et son alliance avec Israël inquiètent au plus haut point les autorités iraniennes qui craignent un impact sur la population azérie du nord, qui se juge victime de discriminations. Celle-ci avait célébré la victoire de la guerre de 44 jours et avaient demandé la fermeture des frontières entre l’Iran et l’Arménie. Le spectre d’un démantèlement de l’unité nationale effraie les autorités de Téhéran, qui considèrent que le renforcement des relations entre l’Azerbaïdjan, la Turquie, et Israël, fait peser sur le pays une véritable menace existentielle.
Malgré tout, l’éventualité d’une extension irréversible du conflit n’est perçue comme une perspective acceptable par aucun des pays de la région. Bakou et Téhéran ont tout au contraire intérêt à renforcer leurs relations bilatérales, et les deux ministres des affaires étrangères, l’Azerbaïdjanais Djeyhoun Baïramov et l’Iranien Hossein Amir Abdollahian, poursuivent leurs échanges. D. Baïramov a d’ailleurs déclaré récemment : « Les parties ont noté que la rhétorique récente avait nui aux relations bilatérales et que tout différend devait être réglé par le dialogue ».
Ceci n’empêche pas les opérations de communication et d’intimidation comme les chœur des enfants sur la pont de Khodaafarin.
